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Lettre d’un chef d’entreprise à monsieur le Président de la République

par Gilles Rigourex
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Monsieur le Président,

J’ai écouté attentivement vos bonnes paroles hier soir à 20h. Il y a beaucoup de bonnes intentions, mais vous savez que, nous, chefs d’entreprise, souvent échaudés, sommes habitués à ne croire qu’aux actes et non aux intentions.

La France n’était pas prête pour affronter la crise terrible que nous traversons, et, selon nos mauvaises habitudes, nous créons des commissions d’enquête pour savoir ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné. C’est encore une fois de l’argent public dépensé inutilement car tout le monde connait la réponse qui a déjà été maintes fois exposée : la France est enkystée dans son formalisme bureaucratique centralisé.

La crise en a fait l’illustration parfaite. Les Administrations centrales et leurs dirigeants ont été défaillants dans leurs décisions, dans leur communication, et dans l’exécution de leurs décisions. La seule exception, et nous, chefs d’entreprise en sommes conscients, et vous en félicitons, le robinet à fric a été ouvert en grand pour sauver les entreprises et les emplois qui vont avec. Reste à savoir comment cet océan sera épongé ? Vous avez dit qu’il n’y aurait pas de hausse de la fiscalité, nous en prenons acte sans y croire, car les faits le démentent déjà : la prolongation de vie de la CADES et des contributions qui l’alimentent, sont une hausse de la fiscalité qui est différée de quelques années mais qui est bien réelle.

Non, ce qui a bien fonctionné pendant la crise, reconnaissez-le, ce sont notamment les entreprises, qu’elles soient privées à caractère lucratif, ou publiques, ou associatives à caractère non lucratif. Vous avez remercié pendant vos interventions durant le confinement, les routiers, les caissières des supermarchés, le personnel hospitalier et celui des Ehpad, les enseignants qui se sont convertis à l’enseignement à distance, etc. Vous auriez pu, et dû aussi, remercier les banquiers qui ont bousculé leurs habitudes et se sont adaptés en un temps record, car sans eux rien n’aurait été possible. Grâce à l’un d’eux, j’ai pu mettre en place un Prêt Garanti par l’Etat en 48 heures chrono, du jamais vu ! Mais en France l’argent n’a pas bonne presse et cela aurait sans doute écorné votre image dans le public, il aurait fallu plus de courage.

Cette dynamique du terrain, généralisée, devrait vous inspirer. Quelques exemples :
– Heureusement que les particuliers se sont mis à fabriquer et à diffuser des masques sans attendre les normes et une homologation par le comité des 150 experts (oui je dis bien 150 !) de l’AFNOR. Sans doute ont-ils sauvé bien des vies ;
– Heureusement que les hôpitaux publics et privés ont enfreint les règles administratives, en respectant les règles sanitaires, pour faire face aux urgences. Il est simplement regrettable que la guerre picrocholine entre privé et public ait ralenti, voire empêché, l’optimisation ;
– Heureusement que les petites entreprises ont pu mettre en place le chômage partiel dans une concertation non formelle au sein même de leurs établissements sans toujours respecter, encore et toujours, le formalisme administratif requis habituellement (on a vu comment cela a échoué lamentablement dans certaines grandes entreprises où le « dialogue social » est en réalité une réminiscence de la « lutte des classes »).

Oui, quand on « fout la paix » aux gens de terrain, qu’ils soient chefs d’entreprise au sens le plus large, maires et responsables de collectivités territoriales, fonctionnaires de base, ça marche !

Alors, Monsieur le Président, vous nous avez annoncé que vous reviendrez vers nous en juillet pour nous exposer votre nouveau plan de marche. Celui qui devrait permettre à la France de booster son économie, une réelle priorité si l’on veut avoir les moyens d’éponger l’océan des dettes.

Nous avons déjà beaucoup de mal à y croire, car vous l’assortissez de tellement de contraintes écologiques, nationalistes, sociales, au lieu au contraire de débrider le carcan. Les chefs d’entreprise ont depuis longtemps compris les enjeux du futur car ils se soucient non pas de leur réélection mais du développement à moyen et long terme de leurs entreprises et des emplois à la clé. Ils savent que les clients sont de plus en plus sensibles à l’écologie, que l’européanisation et la mondialisation frappent tous les jours à leur porte, que leurs salariés ne sont efficaces que s’ils sont heureux. Ils n’ont pas attendu que vous leur disiez comment, alors je vous en supplie, n’en rajoutez pas, non, élaguez !

Dans ce sens, puis-je modestement vous faire deux propositions très concrètes.

La première est que dans un remaniement ministériel que les médias pressentent pour juillet, après les Municipales, vous créiez un Ministère d’Etat à l’Entreprise. Au-dessus de tous les autres ! Au-dessus de Bercy. Dont la mission serait :
– De proposer toute mesure susceptible de favoriser l’éclosion de nouvelles entreprises et le développement des entreprises existantes. Au premier rang desquelles l’élargissement du carcan administratif. Dans tous les domaines : agriculture, industrie (il faut réindustrialiser la France), commerce, tourisme, culture, santé, sport, etc. ;
– D’émettre un avis sur toute mesure législative, règlementaire ou administrative, qui se résumerait très simplement à deux alternatives : cette mesure est favorable à l’épanouissement des entreprises ; cette mesure va freiner le développement des entreprises. Ainsi les nouvelles mesures seraient adoptées ou rejetées en connaissance de cause.

Bien entendu vous ne nommerez Ministre d’Etat à l’Entreprise, ni un Enarque, ni un grand commis de l’Etat, ni un Député ou Sénateur, ni un chef d’entreprise publique, ni un recasé du Conseil Economique et Social, mais un « patron » de PME non syndiqué. La fonction ne serait pas rémunérée mais quand même défrayée des frais, le cabinet réduit à un minimum de personnes qualifiées. C’est nous qui le finançons par nos impôts et nous exigeons que le « retour sur investissement » soit maximisé.

La seconde proposition, que vous ayez ou non adopté la première, est de répondre au choc de la crise par un choc de simplification. La crise a montré qu’il est possible de faire plein de choses plus simplement, de façon plus efficace et moins coûteuse. Nous parlons évidemment de l’Administration. Car, de même que les obèses étaient plus sévèrement atteints par le Covid-19, les Etats obèses comme celui de la France s’étouffent et risquent le coma. Ce sont plein de petites choses qui empoisonnent et découragent les chefs d’entreprise.

Je vous cite 1 exemple parmi certainement des centaines ou des milliers. En temps normal, l’enregistrement d’un acte de cession de droits sociaux (Cerfa 2759-SD) nécessite 3 ou 4 exemplaires recto-verso (1 ou 2 pour l’Administration et 1 pour chaque partie) qui doit se faire en venant sur place (1 Service de l’Enregistrement par Département) ou par courrier, accompagné du règlement du droit d’enregistrement (0,1% du montant de la cession avec un minimum de 25 €) pour chaque cession. Soit dit en passant, jusqu’à 25.000 € par cession, l’Etat se met la différence par rapport au 0,1% dans la poche ! Donc par exemple pour 20 cessions chacune inférieure à 25.000 € : 20 x 4 exemplaires = 80, + 20 chèques de 25 €. Exceptionnellement, pendant le confinement, l’enregistrement a pu se faire par mail, en envoyant un exemplaire unique du formulaire en PDF, lequel est visé au recto (et non au verso comme habituellement) et renvoyé également en PDF, et le paiement peut se faire par un virement global. Pas de déplacement ou de courrier postal, moins de papier, un seul mouvement financier. Pourquoi l’exception ne deviendrait-elle pas la règle ?

Nous chefs d’entreprise, sommes convaincus que l’avenir économique et social de la France est entre nos mains, pas dans les vôtres. Car sans les entreprises « marchandes » qui créent de la valeur ajoutée, donc du PIB, et sans les recettes fiscales générées par nos entreprises et leurs salariés, point de « modèle social français » ni de « remboursement de la dette » (ce qu’il faudra bien faire, n’en déplaise à tous les Cassandre). Or nous nous battons à armes inégales contre nos concurrents même européens (allemands, suisses, britanniques, etc.) Alors, s’il vous plait, nommez un Ministre d’Etat des Entreprises et donnez-lui de vrais pouvoirs. Spontanément, je voulais proposer un Ministère d’Etat à l’Entreprise Privée, mais en France le mot « privé » est tabou ! Car le Public seul détiendrait le monopole du bien public… Mais nous nous satisferons d’un Ministre d’Etat à l’Entreprise, le reste étant tacitement convenu entre nous.

Monsieur le Président, nous sommes confiants, comme toujours, y compris dans les pires situations, car notre destin est entre nos mains, enfin dans les vôtres. Ne nous décevez pas. Merci.

Un entrepreneur sinistré mais optimiste.

Gilles Rigourex

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4 commentaires

Jacques Banville juin 18, 2020 - 4:20 pm

Lettre d’un chef d’entreprise à monsieur le Président de la République
Remarquable réquisitoire
2 propositions pleines de bon sens
mais…
le Président est énarque, et il en a 600 à Bercy qui ne connaissent absolument rien des entreprises privées (excepter => Taxer).
Je voudrais y croire…

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Sarah LENTY juin 18, 2020 - 10:20 pm

Hélas !
Dans le covid, un facteur important de co-morbidité est l’obésité. J’aurais aimé que la fonction publique, cette obèse morbide ne s’en remette pas. Hélas, c’est le privé qui est en soins intensifs.

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DanielTardy juin 19, 2020 - 4:27 pm

Président d’honneur de la FNTP
Je suis100 % d’accord !

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Jean-Xavier ROCHU juin 25, 2020 - 5:01 pm

Le mal français
C’est à nos prix d’excellence que nous réservons les honneurs de la haute fonction publique dont trop de nos politiques et de Directeurs publics sont issus. A 17 ans ont leur offre un vrai carême pour obtenir ces viatiques vers des pouvoirs qu’ils ont idéalisés. Le Golgotha franchi, ils s’autorisent tous les mépris pour nous, les tacherons du « faire du fric ». Malheureusement nos EPIC sont corvéables à l’égard de responsables qui ignorent tout du « cost to stay in business » tel que nous, soutiers du capitalisme, désignons le profit de l’entreprise tant dédaigné par ces serviteurs publics biberonnés aux subventions.

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