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L’Euro, protection ou poison ?

par Gérard Dosogne
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En 1972, Robert Z. Aliber, professeur « d’International Economics & Finance » à l’Université de Chicago, m’a demandé , ainsi qu’à un de mes camarades étudiant, d’étudier la possibilité et les conditions de la création d’une Banque Centrale Européenne , donc de la création d’une monnaie unique dans l’union Européenne d’alors ( 6 pays…).

 Après avoir récolté de nombreuses données sur les pays concernés et fait tourner nos modèles, la conclusion fut sans appel : une Banque Centrale Européenne n’était pas envisageable, les politiques financières, fiscales et sociales des pays étant trop divergentes.

Dans les années 1990, l’idée d’une monnaie commune dans l’UE  a été proposée par les grands pays de l’union. Des critères de convergence ont été définis et les différents États candidats – dont la France – s’imposèrent des règles strictes pour satisfaire ces critères.

Le problème était cependant double : 1/ les critères étaient insuffisants pour assurer une monnaie commune stable et 2/ il n’y avait pas de sanction prévue (ou si peu…), si les principaux critères de déficit budgétaire et de dette maximum n’étaient pas respectés.

Des pays de la zone Euro se sont rapidement libérés des obligations et des règles. Ils n’ont pas respecté les engagements de déficit maximum, ni de ratio de dette à ne pas dépasser : sans sanction !

L’Euro a en fait été une aubaine pour les pays comme la France qui ont profité de sa protection tout en ne respectant pas les critères et en ne faisant aucun effort pour une convergence de leurs politiques fiscales et sociales vers la moyenne des pays de la zone Euro.

Quels sont les conséquences de ce marché de dupes ?

La France n’a vu dans l’Euro qu’une protection contre la dévaluation de sa monnaie comme elle en avait connu dans les années ’70 et’80, et a profité de ce bouclier pour ne pas faire les réformes nécessaires, et au contraire, s’éloigner de la moyenne européenne dans le domaine fiscal et social.

Ce manque de rigueur budgétaire, ce manque de réforme nécessaire, a insidieusement fragilisé l’économie française et a eu pour conséquence la désindustrialisation, la hausse du chômage qui reste à un niveau incompressible trop élevé par rapport à nos partenaires, un déficit abyssal du commerce extérieur et une dette explosant à des niveaux bientôt insoutenables.

Pratiquement, l’Euro n’a pas incité les politiques à faire les réformes nécessaires et à gérer les finances publiques avec la rigueur souhaitable. Nos dirigeants ont pensé que ne pas suivre les critères était sans risque : quel pays de la zone Euro oserait réprimander la France et la jeter hors de la zone Euro ?

Mais, comme un poison lent, le mal se propage lentement : déficit commercial et dette insoutenable… Le crédit de la France s’épuise et sa richesse augmente nettement moins que celle de ses voisins : on peut, comme Jacques de la Rosière, parler de déclin.

Protection trompeuse donc : en 1983, protégée par une monnaie commune, la France n’aurait pas du dévaluer deux fois et François Mitterrand n’aurait bien sûr pas eu besoin de décréter le « tournant de la rigueur », ce qui aurait encore enfoncé plus vite la France dans la crise.

Si l’euro n’avait pas été mis en place, il est probable que la France aurait dû dévaluer sa monnaie au début des années 2000, ce qui aurait donné un avertissement sérieux à nos politiques au pouvoir qui auraient dû avoir une politique budgétaire plus rigoureuse et empêcher la distribution tous azimuts d’avantages sociaux divers, « quoi qu’il en coûte » … Puisque cela, dans leur analyse, ne coûtait rien !

Mais les effets pervers de ce laissez aller commencent vraiment à se faire sentir et, comme un poison lent mais mortel, pourront mener la France à la faillite !

J’ai posé la semaine dernière à Jacques de la Rosière la question : l’Euro est-il une des causes du déclin français ou pas ? Sa réponse fut claire, l’Euro a eu un impact négatif sur l’économie française car la France a été incapable de suivre les critères qui avaient été exigés à sa création, et ceci parce qu’elle ne l’a pas voulu !

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