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La grève indigne des agents de la Ville de Paris

par Bertrand Nouel
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A l’époque du passage aux 35 heures, un homme politique annonçant la réforme s’était attiré la réponse suivante concernant la fonction publique : « ça va être difficile… d’abord 32, puis 33, puis 34, enfin 35 » ! Vingt ans après, on n’y arrive toujours pas.

1.607 heures, c’est le nombre d’heures que les fonctionnaires doivent effectuer annuellement, et qui correspond à la semaine de 35 heures. Mais les agents de la ville de Paris n’en effectuent que 1.550 environ. Ceci s’explique par la conservation de tous les avantages que ces agents avaient pu cumuler au travers des années, et qu’ils ont gardés lors du passage aux 35 heures bien que déjà leur temps de travail ait été largement inférieur aux 39 heures[[Sur la base du raisonnement « on travaillait 35 heures quand les autres travaillaient 39 heures, nous avons donc maintenant le droit de ne travailler que 32 heures ».]]. En 2016 le rapport Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, s’était attaqué à l’insuffisance de temps de travail dans la fonction territoriale. La Cour des comptes s’est aussi préoccupée de la question dans ses rapports de 2010, 2013 et en dernier lieu dans son rapport du 17 décembre 2017, qui avait relevé la totale illégalité de la situation. Ces rappels à la loi n’ont eu aucun effet concernant les agents de la ville de Paris.
La loi du 7 août 1919 « Transformation de la fonction publique » est quand même censée mettre fin à cette illégalité pour le 1er janvier 2022, et faire taire toutes les récriminations en exigeant un temps de travail annuel de 1.607 heures. Mais non. Le respect de la loi entraînant l’obligation pour les agents de Paris de travailler environ 8 jours de plus par an, les syndicats entrent en fureur, et six d’entre eux déposent un préavis de grève pour le 4 février prochain, déclarant refuser « toute augmentation du travail », qu’ils considèrent comme une « régression sociale sans bornes ».

Détaillons cette merveille à laquelle ont pu parvenir les agents de la ville, en précisant que ces derniers sont actuellement au nombre de 52.000. Légalement, il y a d’abord 25 jours ouvrés de congé (5 semaines). En 2017, a été supprimé le droit automatique à 4 avantages, comme « la journée des mamans »[[Jugée « inégalitaire » la mairie a supprimé cette journée, qui représentait 27.500 heures de travail, soit 90 emplois ETP (équivalents temps plein). La totalité des avantages représente le travail de 90 ETP.]], que nous ne comptons donc pas ici. S’y ajoutent néanmoins « 4 jours du maire », puis « 4 jours de neige », et encore 22 jours de RTT, car les agents travaillent sur une base d’environ 39 heures par semaine. Soit 55 jours de congé par an (11 semaines). En 2017, un article du Figaro notait que, à Montreuil, les agents ne disposaient que de 35 jours de congé, soit 20 jours de moins, et qu’un représentant des agents parisiens avait confessé que « nos agents ont compris qu’il fallait revenir à la raison ». Vraiment ?
Sur 365 jours, nos agents travaillent donc 365 – 55 – 104 jours, soit 206 jours. Les calculs officiels montrent que le coût du manque de travail se monte à 74 millions d’euros, soit environ 2.100 emplois ! Il faut aussi prendre en compte un absentéisme montant en flèche depuis plusieurs années, mais c’est un autre sujet.

Au passage, on notera l’arnaque intellectuelle consistant à monter en épingle le fait que les Français travaillent sur la base de 39 heures par semaine comme par le passé. Oui par semaine, mais pas par an, puisqu’il faut tenir compte des RTT, et donc compter sur une base annuelle. Pas de problème pour les agents de la ville de Paris. Mais si les soignants peuvent légitimement se déclarer épuisés, c’est parce que l’Etat ne peut ni leur permettre de récupérer leurs jours de RTT, ni les leur payer. Bravo les 35 heures. Ajoutons encore que l’âge de la retraite, dans les conditions actuelles, ne pourra pas dépasser 57 ans pour les fonctionnaires en service « actif », et 62 ans si le service est « sédentaire ». D’où la nécessité de compter le temps de travail sur une base non plus annuelle mais sur la durée de la vie. Encore une épine du pied pour les négociateurs de la réforme des retraites annoncée.

Au final, les agents de la ville de Paris se mettent en grève pour conserver des avantages illégaux depuis 20 ans, et encore condamnés par la loi du 7 août 2019, avantages leur permettant d’être payés sur la base de 1.607 heures annuelles alors qu’ils n’en effectuent que 1.550. Et alors que des centaines de milliers de Français pour le moins, vivent en même temps dans l’angoisse d’un travail introuvable ? Indigne. Les syndicats, que le respect humain n’effleure pas, pensent pouvoir remplacer ces journées indues de congé par des « jours de sujétion » (diminution de temps de travail) en raison de la pollution de Paris… Face à cela, trois solutions : le respect de la loi, sinon le licenciement des réfractaires, ou la diminution forcée de la rémunération. Et la restauration de l’autorité de l’Etat.
Bertrand Nouel

 

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1 commenter

YVES BUCHSENSCHUTZ février 1, 2021 - 2:39 pm

Cerise sur le gâteau : l’absentéïsme
Selon une information donnée par le cabinet Ayming dans sa dernière étude réalisée avec AG2R La Mondiale et validée par l’IFRAP, la fonction publique locale compte en plus en moyenne 26,7 jours d’absentéïsme par an ! à comparer d’ailleurs aux 18,7 des salariés du privé.

Nous sommes en présence d’un pur scandale qui justifierait une grève mais cette fois-ci des Parisiens

PS Je ne dispose malheureusement que des chiffres en moyenne nationale

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