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L’espoir nommé Raffarin

par Bernard Zimmern
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Le 5 juin 2002, je rentre de Tokyo sur Paris via Hong Kong. Entrant dans la cabine parmi les premiers, je squatte un exemplaire du Parisien qui va me donner des nouvelles de France après le tremblement de terre des élections législatives qui a donné la majorité absolue à l’U.M.P. à la Chambre et installé Jean-Pierre Raffarin à Matignon.
Une déclaration m’interpelle : la première mesure à laquelle le Premier Ministre s’est attaché immédiatement, est celle visant à relancer l’emploi en accélérant les créations d’entreprises. L’objectif est d’en créer un million supplémentaire pendant la législature.

Mon sang ne fait qu’un tour : cela fait plus de vingt ans qu’à travers articles, conférences, livres, je montre que l’emploi est directement lié à la création d’entreprises. Je viens même de publier chez Plon « les Fabricants de chômage », qui démontre que le chômage considérable dont la France est affligée, n’a rien à voir avec les « chocs », chocs pétroliers, économique, etc…, qui sont la grande théorie en vigueur auprès de la plus haute instance, le Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier Ministre. Ceux-ci se sont produits ailleurs aux U.S.A., en Grande Bretagne, etc… et ces pays n’ont cessé d’accroître le nombre de leurs emplois, d’un bon tiers en 20 ans ; en France il a au contraire chuté depuis l’arrivée de Giscard d’Estaing au pouvoir en 1974. Cette théorie de choc est développée en particulier dans une thèse pour le C.A.E., par l’O.F.C.E., un organisme présidé par Jean-Paul Fitoussi ; conseiller économique de Jospin, et financé à plus de 90 % par la Fondation des Sciences Politiques, elle-même entièrement financée par l’Etat. Cette thèse fait le bonheur de tous les cercles marxisants qui répètent à l’envie que la France est non seulement victime d’un phénomène économique qui la dépasse, le « choc », mais que de plus, ce choc est souvent la conséquence des errances d’un capitalisme sauvage, qui n’a pas de contraintes et ne sait pas où il va.

Un petit graphique, le second de mon livre, montre qu’il y un lien direct, linéaire, indiscutable avec les créations d’entreprises. Aux U.S.A., d’année en année, le nombre d’entreprises croît et l’emploi croît lui aussi de façon proportionnelle.

L’Amérique a connu les mêmes chocs que la France, notamment le choc pétrolier de 1973, les restrictions de carburant, les queues à la pompe, mais cela ne l’a pas empêchée de continuer à créer des emplois, qu’il pleuve ou vente et de connaître une prospérité certaine avec une situation proche du plein emploi.

Donc Raffarin, pour sa première déclaration a visé juste, il a pris la bonne décision, celle de créer plus d’entreprises. C’est en effet par là qu’il fallait commencer.

Ceci me remplit de joie et l’avenir se colore en rose.

Le deuxième paragraphe de l’article jette une douche froide sur mon enthousiasme : il a nommé François Hurel, czar de la création d’entreprise ; il devra remettre un rapport avec ses propositions dans les deux mois.

Je connais Hurel, ou plutôt son action à la tête de l’Association Nationale pour la Création d’Entreprise devenue APCE, dont il est le directeur général ; c’est probablement un brave type, mais ce qu’il a sorti depuis qu’il est le patron de cet organisme est nul, un ramassis de mesurettes déjà presque toutes éprouvées depuis des années, et qui n’ont jamais rien amené, sinon la baisse des créations. Ses catalogues et ses rapports sont de la bureaucratie pur sucre, notamment une étude internationale sur la création d’entreprise dans les autres pays, particulièrement aux U.S.A..

Il est démontré que la vigueur du développement américain résulte des efforts du gouvernement à travers, notamment, le bras de l’Etat et qui est la Small Business Administration, SBA. Du petit lait pour tous les dirigistes et étatistes de tous bords, qui vivent de subventions, de leur distribution comme de leur collecte. Hurel ignore ou veut ignorer que la S.B.A. représente moins de 10 milliards de dollars injectés chaque année dans les P.M.E. dont les 9/10ème sous forme de prêts traditionnels avec garantie (hypothécaire) alors que les Business Angels, ces individus qui financent les entreprises dans leurs jeunes pas, injectent une bonne vingtaine de milliards de $ en fonds propres, la plupart du temps sans garanties matérielles.

Mais il me revient alors que dans le bref gouvernement Juppé de 95/97, Raffarin a été ministre des P.M.E.. et Hurel son conseiller et que déjà j’avais écrit à Raffarin pour le mettre en garde contre la faiblesse et le manque d’ambitions des mesures qu’il avait introduites.

Un peu désespéré, je prépare dans l’avion une lettre à un ami que je sais bien placé dans les équipes ministérielles, qui viennent de prendre le pouvoir et lui dis mon désarroi.

Deux jours après mon arrivée, il m’appelle pour me dire : je vais vous faire inviter par Renaud Dutreil, le nouveau ministre des P.M.E. Il est furieux qu’on lui ait collé Hurel comme mentor et voudrait mettre sa propre marque. Mettez-vous aussi en contact avec XXX et YYY, chargés de mission auprès du Premier Ministre et de Cirelli, directeur de cabinet adjoint à l’Elysée.

Ma stratégie est immédiatement arrêtée : depuis des années les plans gouvernementaux sont un ramassis de 40, 50, 60 mesures dont les résultats sont inexistants. Nous ne savons pas encore que nous sommes mondialement les derniers en créations d’entreprises, mais nous voyons bien que toutes ces mesures ne produisent aucun effet sur l’emploi et la création d’entreprise, qui sont tous les deux à leurs plus bas niveaux historiques. Il est clair que si le médecin n’a pas réussi à revigorer le patient avec 40 à 60 potions, c’est qu’il n’a pas identifié la maladie, et qu’il a manqué un, peut-être deux facteurs cruciaux.

Et ce facteur, car il est en fait unique, je crois le connaître, car depuis 30 ans que je travaille ce sujet, je sais que la force des Américains est de diriger un fleuve d’argent vers ceux qui osent créer des entreprises, mais que ce fleuve n’est pas un fleuve de subventions ; la bureaucratie ne décident pas qui sont ses heureux destinataires ; ce fleuve est distribué par les entrepreneurs eux-mêmes ou plus exactement d’autres qui ont déjà réussi, savent intuitivement reconnaître quel est l’innovateur qui a une bonne idée, un bon plan et le caractère pour devenir un chef d’entreprise – car on peut avoir des idées géniales et être un désastre comme chef d’entreprise. Ils apportent aussi le réseau de relations, avocats, comptables, experts techniques qui permettent d’éviter toutes les erreurs auxquelles une entreprise naissante est exposée.

Des études chiffrées sur lesquelles je suis tombé aux U.S.A. dans la fin des années 80, nous ont permis de chiffrer le nombre de Business Angels – c’est ainsi que les a baptisés William Wetzel de l’Université du New-Hampshire – entre 500 000 et un million, et le fleuve d’argent qu’ils déversent sur les créations, entre 20 et 50 milliards de dollars, près de 20 % de l’investissement de toute d’industrie américaine.

A côté de cette formidable usine à créer des entreprises et des emplois, l’atelier français n’existe pas ! Il n’y a pas eu de recensement des Business Angels français mais, lors d’un colloque présidé par Laurent Fabius que nos idées intéressaient, nous en avons évalué les moyens au centième du chantier américain.

Et nous avons même expliqué pourquoi et comment les Américains ont créé en 1958, tout un panel de mesures fiscales pour pousser ceux qui ont de l’argent à s’investir dans les entreprises, et non comme en France, dans des bons du Trésor bénéficiant du prélèvement libératoire ou des collections déductibles de l’I.S.F. La chance a en effet voulu que le gouvernement français m’envoie en 1970 aux USA étudier comment les Américains financent l’innovation et les créations d’entreprises.

Si le raisonnement et la logique cartésienne ont encore cours en France, j’ai un dossier en béton et je devrais convaincre mes divers interlocuteurs qu’Hurel a raté l’essentiel et non seulement lui, mais tous les bureaucrates du ministère des finances ou du secrétariat des P.M.E. qui se sont attelés à la question.

Je rédige d’inspiration une demi-douzaine de lettres où sans expliquer pourquoi, j’annonce que Raffarin a raison mais qu’il y a un maillon manquant, le premier étage de la fusée, le financement pas les B.A. et que je propose de venir en parler aux destinataires de ces missives.

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