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Intérêt général et service public

par Yves Buchsenschutz
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L’intérêt général est défini comme « ce qui est pour le bien public ». Il a été aussi défini comme « la capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique » (Rapport public du Conseil d’Etat de 1999).

Ou bien : La formule intérêt général (ou intérêt public) désigne la finalité d’actions ou d’institutions censées intéresser et servir une population considérée dans son ensemble.
Le service public lui, revendique toutes les vertus et en particulier de servir l’intérêt général, l’altruisme et la probité, voire l’efficacité.

Il semble que nous soyons à ce sujet en pleine confusion.

J’assistais il y a quelques jours à une conférence de Monsieur Francis Massé, ancien Secrétaire général de la Direction de l’aviation civile entre autres, dont le titre était : « Urgence et lenteur, quel management public à l’aube du changement du monde »

Cet ancien haut fonctionnaire semble s’être intéressé au fonctionnement du service public. Sa première remarque est que l’on ne devrait pas parler de service public, mais de « service au public ». Il semble en effet clair qu’une quelconque organisation, si elle veut, non seulement fonctionner correctement mais encore motiver ses troupes, doit être capable de définir un sens, une mission, mieux une fonction, une sorte d’étoile qui donnerait à tous la direction à suivre et la raison d’exister, et accessoirement de transpirer. Cela a de plus l’avantage de permettre d’imaginer des réponses quand un cas imprévu se présente. (Ce dont l’administration en général a horreur)

Parler de service public c’est se coller une étiquette, présumée positive et favorable, mais gommant dès le départ le consommateur citoyen. Peut-être parce qu’il ne paye le plus souvent pas directement la prestation désignée, mais qu’elle lui est fournie facialement gratuitement en général par le canal des impôts.

Il remarque finalement d’ailleurs que souvent, les administrations, travaillant en silo, prétendent rendre des services contradictoires aux citoyens simplement parce qu’elles ne se sont pas coordonnées en amont. Sous prétexte de régler un problème, elles en créent trois ou quatre. Prenons l’exemple du logement : toujours sous prétexte de bien faire (en fait loger la population dans de bonnes conditions et à un coût raisonnable) les diverses administrations ont empilé des lois, textes, règlements et circulaires qui font que la construction de logements, laquelle techniquement pourrait s’imaginer en quelques mois, voire moins, finit par ne pas se faire en deux ans et souvent plus. Et pourtant, pour décoincer cette situation on a ajouté, cerise sur le gâteau, une série de bonifications du genre subventions ou loi Pinel.

La construction et la fourniture de logements, lesquelles étaient historiquement de la responsabilité des individus, puis à une époque, réalisée par des investisseurs privés et volontaires, a vu fuir la plupart des sociétés spécialisées puis les individus entrepreneurs, voire maintenant les propriétaires individuels et l’État se retrouve seul fournisseur-bailleur potentiel, rôle qu’il est bien incapable de jouer pour la totalité de la population. Si la France arrivait, ce qu’elle est loin de faire, à construire son éternel objectif de 500.000 logements par an et que l’Etat assumait seul cette charge, il faudrait compter grossièrement une charge d’investissement de l’ordre de 500 Milliards pour ce seul poste.

Quelque part le service public du logement a oublié sa finalité qui est de fournir ou tout le moins de proposer à chaque Français un toit dans des conditions acceptables. Il l’a pourtant mis dans la loi sans se donner les moyens d’y répondre.

Autre exemple, le service public de la santé, ce sont les hôpitaux, mais aussi les cliniques, mais aussi les médecins, mais aussi… les patients. Si cette chaîne de collaboration ne se construit pas, on arrive à des incohérences du genre : pas de masque, ou pas de tests, ou à des vaccins mais pas de vaccinés volontaires, voire à vacciner au 18 mars 2021, 12 % de la population dans la Creuse, département quasi-vide, contre 6 % en région Parisienne où s’entasse un cinquième de la population française, multipliant les risques de contamination.

Il serait temps que le service public récupère son objectif initial, à savoir « servir une population » ce qui est l’essence de l’intérêt général.
On me dira que cela est bien sévère pour la fonction publique. Peu m’importe, car je pense profondément que cette espèce d’inversion des fins et des moyens a pollué de la même manière nombre de nos institutions.

Prenons un autre exemple, celui des syndicats : depuis combien de temps ont-ils abandonné le service de leurs membres pour le remplacer par la satisfaction de contestations nationales et le refus de construire un avenir commun avec les sociétés dans lesquelles ils travaillent ? Qu’est devenu l’intérêt général sinon la satisfaction d’intérêts particuliers, souvent différents, immédiats ? Savez-vous que dans notre pays, le Code du travail réserve au délégué syndical les discussions salariales et que ce dernier n’a pas besoin de faire partie de l’entreprise en question ! On ne compte plus les sites, en difficulté le plus souvent il est vrai, qui ont été fermés car les syndicats ont refusé de signer un accord que le personnel était prêt à accepter pour conserver son emploi.

Côté patronat, c’est pire. Milton Friedman a, après bien d’autres, gravé dans le bronze que l’objectif des entreprises était de faire des profits. Je pense personnellement que c’est d’abord de se créer une clientèle et de la satisfaire. Il n’y a pas d’entreprise sans clients « payeurs » et c’est de la satisfaction de ces clients que viendra le profit qui donnera satisfaction à l’actionnaire, lequel a également son rôle à jouer, c’est évident. Une entreprise qui ne vise que le profit risque de capoter assez vite.

Remplir une fonction correctement face à la collectivité, que ce soit sous la forme d’un service public, ou celle d’associations, mais aussi de sociétés privées, c’est parvenir à satisfaire les besoins des populations en gérant des interactions entre la direction et la base, l’intérieur et l’extérieur de l’institution (la structure dédiée et ses clients), les actionnaires et les salariés, voire les autres « parties prenantes » (fournisseurs, distributeurs, sous-traitants, collectivités locales, etc.) et ceci au meilleur rapport qualité/prix pour le consommateur final). C’est ce résultat que nous devrions examiner en priorité et en permanence, ainsi que la satisfaction des parties prenantes qui, chacune à sa place, doivent y trouver leur compte. La forme n’a aucune vertu particulière et il existe des castes de patrons mais également de syndicalistes ou d’énarques, voire d’associations caritatives, qui peuvent se retrouver un jour devant les tribunaux.

Les grandes déclarations d’intention, genre mission, économie sociale et solidaire, voire noblesse désintéressée du service public, ne sont malheureusement bien souvent que des décors de théâtre. La comparaison systématique entre les résultats, l’introduction obligatoire de la concurrence, donc d’une remise à niveau permanente, des études approfondies et indépendantes de satisfaction des consommateurs finaux, une recherche continue de productivité (i.e. le même service mais à moindre coût ou effort), des fonctionnements performants de filières auditées, devraient permettre au service public de redevenir ce qu’il ne devrait jamais avoir cessé d’être : un service AU public.

A quand cette devise sur les bureaux de toutes les administrations ?

« Je suis membre d’un service AU public et à ce titre, je suis responsable de rendre votre vie plus facile, de satisfaire le public, et de l’aider à résoudre ses problèmes. C’est moi qui dois l’aider et lui faciliter la vie, pas l’inverse. Que puis-je faire pour vous ? »

 

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1 commenter

Régis Glorieux mars 22, 2021 - 1:08 pm

Usagers ou clients ?
Il n’y a pas si longtemps, dans une étude commandée par une Administration Publique faite pour un « équipement destiné au public », on m’a demandé de remplacer le mot « client » par le mot « usager ». « Client » est choquant pour l’Administration. Car un équipement public comme un service public ne s’adresse pas à des « clients » en droit de manifester leur désir et leur satisfaction ou inversement leur disconvenue et leur désapprobation, mais à des « usagers » qui doivent s’estimer contents qu’on ait pensé à eux et qui devraient être forcément heureux de ce que l’on fait pour eux. De plus soit disant « gratuitement » …

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