Page d'accueil Regards sur l'actualité Réductions de charges contre créations d’emplois : le contrat impossible

Réductions de charges contre créations d’emplois : le contrat impossible

par Bernard Zimmern
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De notre dernier éditorial « Hollande : quelle distance de la coupe aux lèvres », un point essentiel mérite d’être développé : l’impossibilité pour les entreprises existantes de créer 1 million d’emplois supplémentaires, a fortiori le 1,8 million de la surenchère d’Arnauld Montebourg.

En effet, tout le monde raisonne comme si les créations d’emplois supplémentaires pouvaient être le fait des entreprises existantes alors que ces entreprises ne peuvent que perdre des emplois ; les seules capables de créer des emplois, mais elles n’ont pas été invitées à signer le contrat entre gouvernement et organisations patronales, et pour cause, sont les entreprises qui n’existent pas encore. Ce sont pourtant les seules capables d’honorer ces engagements.

Avant d’expliquer, faisons toutefois une exception : la suppression des obstacles aux licenciements qui permettrait de créer 2 millions d’emplois par disparition du volant de sécurité d’environ 12% des effectifs que gardent les entreprises pour faire face à un retournement de conjoncture. Mais cette éventualité n’a même pas été mentionnée et reste infiniment peu probable.

C’est une vérité difficile à croire et encore plus à comprendre par l’ « honnête homme » que les entreprises existantes ne peuvent en moyenne créer des emplois, seulement en perdre.
Il lui est en effet évident que ce sont les entreprises existantes qui embauchent ; les annonces d’offres d’emplois sont pleines de leurs noms, les jeunes sortant des universités savent parfaitement chez qui déposer leur candidature et l’on y retrouve tous les noms de la banque, du conseil, de l’industrie pharmaceutique ou alimentaire.
Mais l’honnête homme ne sait pas que si ces embauches constituent l’essentiel du marché du travail, elles sont au total inférieures aux disparitions d’emplois de ces mêmes secteurs. En d’autres termes, même si les entreprises existantes constituent bien le gros du marché des emplois à pourvoir, leur seul renouvellement se traduirait par une montée progressive du chômage.

Pour que l’emploi croisse, et tous les pays sont plus ou moins confrontés à cet impératif, il faut créer des emplois hors des entreprises existantes.

L’une des premières preuves apportées du rôle clé des créations d’entreprises se trouve dans « The Importance of Startups in Job creation and job destruction » de la Kauffman Foundation de juillet 2010 à partir de séries longitudinales américaines BDS (Business Dynamics statistics) débutant en 1977.
Entre 1992 et 2006, les start-up, dans leur année de création, créèrent 3 millions d’emplois contre seulement 800.000 dans les firmes âgées d’un an, 500.000 dans celles de deux ans, mais, pour chaque année, comme visible sur le graphique ci-dessous, une perte nette totalisant 1 million.

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C’est à des conclusions similaires qu’aboutit l’OCDE dans son rapport : OECD Science, Technology and Industry Scoreboard 2013 : Innovation for Growth », OECD, October 2013. Il montre que sur 15 pays (dont les USA), les entreprises de moins de 5 ans n’ont pas cessé de créer des emplois alors que les firmes plus âgées n’ont cessé d’en perdre.

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Avant d’accepter ce résultat statistique surprenant, il faut en comprendre les raisons.
Celles-ci se situent dans la célèbre formule de la destruction créatrice de Schumpeter, ou plutôt dans le premier terme : la destruction.

Pour saisir l’ampleur du phénomène, il faut se rappeler que le nombre d’emplois marchands (dans le secteur privé) qui disparaissent est d’environ 1 million par an en France, soit environ 5% des emplois marchands existants. Ce pourcentage est beaucoup plus important dans des économies dynamiques comme celle des États-Unis où elle se situerait entre 10 et 15%.

Qu’est-ce qui provoque cette attrition ? Essentiellement, la saturation des marchés existants grâce aux progrès techniques permettant de satisfaire ces besoins avec toujours moins de travailleurs et de faire baisser les prix au supermarché. Il est certes toujours possible de faire surgir de nouveaux produits alimentaires ou de nouveaux canaux de distribution, des Mac Do ou des Brioches dorées. Mais la quantité de produits alimentaires consommables par une population donnée n’est pas infinie et ces nouveaux produits se substituent simplement à d’autres. Avec les progrès techniques, le tracteur, les engrais, la géolocalisation, la fraction de la population nécessaire à la production d’aliments est passée d’environ 80% au début du XXème siècle à moins de 5% actuellement.

Ce phénomène de saturation est particulièrement visible sur le marché du blanc, machines à laver, frigidaires, où, après une période de forte expansion après la dernière guerre, il y a eu progressivement saturation ne laissant que le marché du remplacement.

L’emploi ne peut donc se maintenir que si apparaissent de nouveaux besoins comme celui des vacances, du sport, de la santé ou de l’assistance à la personne.

Théoriquement, il n’y a pas de raison que les entreprises existantes ne soient pas capables de découvrir et de servir ces besoins. Et beaucoup le font.

Mais le fait est que quand une firme a réussi avec un produit ou une gamme de produits ou de services, le problème le plus difficile à résoudre pour le management est celui du renouvellement de cette gamme.

Il est en effet exceptionnel que sa R&D soit capable d’imaginer hors de l’entreprise qui a été à l’origine de leur succès, ne serait-ce que parce que le marketing ne raisonne qu’en termes de perfectionnement, jamais en termes de saut majeur.
L’histoire industrielle est ainsi truffée d’exemples comme celui de la télévision haute définition où Français et Japonais ont dépensé des milliards à perfectionner la télévision par signaux analogiques tandis qu’une petite firme israélienne développait pour quelques dizaines de millions la télévision numérique.

C’est devenu une règle de gestion qu’une grande firme ne peut survivre qu’en absorbant de plus petites qui ont innové et fait la preuve de la solvabilité de leurs innovations. Mais encore faut-il qu’il y ait suffisamment de petites firmes à avaler pour nourrir les gros poissons.
Ce n’est plus le cas de la France.

 

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