Dans son travail (« Pour une révolution fiscale ») sur le rôle des prélèvements dans l’accumulation de richesse, notamment au sein du 1% des revenus français les plus élevés, Thomas Piketty de l’École Économique de Paris, a excellemment démontré que ce 1% paie considérablement plus que la moyenne des Français (voir son tableau ST17 sur le site internet qui accompagne son essai « pour une révolution fiscale ») et qu’il faut aller jusqu’au dernier centième de ce 1% , soit 1 pour 10.000, pour voir ce taux de prélèvements décroître ; mais de quantités infimes rapportées aux montants des prélèvements déjà supportés.
Cependant, tous ses travaux et ceux de collègues de pensée, oublient un facteur considérable: la prise de risque.
Comme pour beaucoup d’économistes qui n’ont fait que de l’économie théorique et n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise, tout se passe pour lui comme si les entreprises, leurs emplois, leurs profits étaient un don du ciel ; ou, lorsqu’ils se laissent aller à s’approprier Marx, le résultat de la rente, c’est-à-dire du profit accumulé, et de la sueur des travailleurs.
Mais le monde réel est bien différent de ce qu’ils prétendent représenter.
Dans le monde réel, la quasi-totalité des produits, biens ou services qui font notre vie journalière, des grands magasins aux Bateaux Mouches, de la Tour Eiffel au viaduc de Millau, de l’Air Liquide à la fermeture éclair, de la photocopieuse à la bande Velcros, n’existent que parce que des entrepreneurs, généralement visionnaires, se sont lancés dans l’aventure de leur vie, souvent au péril de celle-ci. Ces entrepreneurs ont réussi à créer une entreprise autour d’un produit, d’un service qui avant eux n’existait pas, à développer un savoir-faire simple leur permettant de réaliser produit ou service à des prix acceptables pour la grande masse des consommateurs, mais cependant réalisables par des salariés, souvent sans grande formation.
Des économistes américains ont pu ainsi montrer que l’augmentation des inégalités aux USA depuis 20 ans disparaîtrait si l’on sortait des calculs de richesse 5 comtés, ceux où habitent les millionnaires qu’ont fait naître les grands succès américains des dernières années, les Jobs, les Buffets ou les Bill Gates. Mais les médias ont curieusement ignoré les travaux d’économistes qui se sont penchés sur l’origine de la fortune du 1% des Américains les plus riches. On n’y trouve presque jamais mentionné que les « riches » du 1% sont pour les trois quarts issus, non pas de la rente, de la Bourse, ou de la finance, mais de la création d’entreprises. Ils ont percé grâce à un produit ou un service original, qui constitue près de 80% de leur fortune et de leurs revenus.
Le phénomène est similaire en France, même si la part de l’entreprenariat a été atténuée par les investissements immobiliers, qui sont restés le moyen le plus sûr de faire fortune, grâce en particulier aux incitations fiscales ; celles-ci sont complètement défaillantes lorsqu’il s’agit de créer des entreprises productives.
Or ces travaux d’économistes existent et nous nous proposons de les faire connaître dans les prochaines éditions. Ils illustrent un facteur capital sur lequel Thomas Piketty et ses collègues ont été totalement muets : le risque. Il explique le succès des sociétés occidentales et particulièrement européennes dès l’ère industrielle jusqu’à l’avachissement constaté en France depuis 1980 à cause de la montée de l’État et de la puissance publique.
Le risque est omis, comme si les entreprises avaient existé depuis le commencement du monde et que tous ceux qui osent créer des entreprises réussissaient la chose la plus facile du monde.
C’est croire que l’économie réelle appartient au monde d’Alice au pays des merveilles et oublier que les échecs de ceux qui entreprennent ou même de ceux qui ont réussi et réinvestissent, sont malheureusement beaucoup plus nombreux que les succès ; ceux-ci sont (voir nos études sur les gazelles par exemple La tragédie des gazelles françaises) seulement de l’ordre de 3% des créations en France, 6% en UK
Créer une entreprise représente un risque et même un risque élevé puisque la moitié des entreprises qui se créent ont disparu au bout de 5 ans, et ce, à peu près de tout temps et sous toutes les latitudes ou longitudes. Ce risque se mesure en argent mais aussi en efforts personnels, en drames familiaux, parfois en suicides.
Nos économistes, particulièrement ceux de l’École de Paris, n’ont jamais pris en compte ce risque et le prix à payer.
Pourtant il se mesure, et est beaucoup plus important que la plupart des prélèvements de toutes natures si patiemment analysés par Thomas Piketty, comme nous le montrerons dans une prochaine étude. Ceci est lié aux constatations des économistes américains qui ont montré que pour être dans le 1%, il fallait prendre énormément de risques et que la probabilité d’en retomber était également très élevée.
Il est impensable de faire aujourd’hui de l’économie sérieuse sans faire du risque l’élément central de toute réflexion et de toute politique.
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Risque entrepreneurial, inégalités et richesse
Dans tous les travaux l’on omet de manière systématique l’effet impôt. L’entrepreneur qui met 100% de ses actifs et une partie de ceux de sa famille vont être imposés significativement en cas de succès (dans un très grand nombre de cas) mais en cas de faillite il n’y a aucune possibilité de déduire les pertes d’autres catégories de revenus.
Bref je gagne, l’Etat prélève, je perds je garde 100% de ma perte.
Un excellent moyen de renforcer l’actionnariat des PME serait de déduire les pertes de l’ensemble des revenus, comme aux Etats Unis.