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VERS LA SÉCULARISATION DE L’ISLAM ?

par Philippe Baccou
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L’article de Claude Sicard, récemment paru sur le site de l’IRDEME (8 avril 2024), semble à première vue un peu décalé par rapport au sujet principal de nos travaux, celui de l’entreprise et de l’emploi. Pourtant, les entreprises ne sont pas seulement des collections d’individus interchangeables, mais aussi des organismes avec des cultures, des modes de vie qui leur sont propres. S’interroger, à ce propos, sur le conflit entre la culture islamique et la culture dite occidentale est légitime. J’aurai, pour ma part, trois commentaires à proposer.

1) Claude Sicard analyse de façon convaincante les bases du conflit actuel entre le monde musulman et le monde dit occidental. 

Il met l’accent, à juste titre, sur la non-séparation du temporel et du spirituel et sur le statut des textes sacrés, qui sont en effet deux points essentiels distinguant l’islam du christianisme et (pour au moins le second) du judaïsme.

Très schématiquement, les trois grands monothéismes que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam semblent se répartir comme suit :

La loi de Dieu doit s’appliquer …

* … à un peuple, dans tous les domaines de la vie : judaïsme ;

* … à tous les peuples de la terre, dans certains domaines : christianisme ;

* … à tous les peuples de la terre, dans tous les domaines de la vie : islam.

La nature très universelle et totalisante de l’islam ne rend-elle pas celui-ci plus difficilement compatible avec le pluralisme, l’un des principaux ressorts du monde occidental laïcisé ? Ce monde occidental pénétré par la sécularisation est-il capable de transformer l’islam ?

2) La sécularisation de l’islam est une chose particulièrement difficile, mais il y a néanmoins des signes que ce processus est en cours.

Cela se voit en Turquie et en Iran où l’absolutisme des convictions des musulmans est plus faible que dans les autres grands pays islamiques. Ce degré de conviction est comparable à celui constaté dans un pays chrétien peu sécularisé comme les Philippines :

Un petit clin d’œil à mon ami Yves Montenay, bon connaisseur de la démographie du monde musulman : comme par hasard, l’affaiblissement relatif du degré de conviction religieuse en pays musulman semble corrélé avec l’affaiblissement du taux de fécondité des femmes. Ce taux est devenu nettement inférieur au taux de remplacement des générations en Iran et en Turquie (respectivement 1,7 et 1,9 enfant par femme en 2021) ; la même année, il était de 3,5 au Pakistan, où la dureté de la croyance dans l’islam apparaît particulièrement élevée, et de 2,2 en Indonésie, qui occupe une position intermédiaire en termes de conviction religieuse.

3) En attendant que la sécularisation fasse son effet dans le monde islamique, « vivre avec » l’islam, qu’est-ce que cela peut signifier ?

* Sur une planète sans État mondial, ni frontières passoires, mais avec une pluralité d’États contrôlant leurs frontières, cette cohabitation est gérable, parfois au prix de transferts de populations (Grèce-Turquie après la Première Guerre mondiale) ou de modifications de frontières (partition de l’Inde, de Chypre, du Soudan, etc.).

* Sur une planète sans frontières ou avec une forte imbrication de communautés religieuses, c’est beaucoup plus compliqué, voire infaisable. Pour traiter la question de la cohabitation lors des guerres de religion entre catholiques et protestants en Europe, on a inventé la règle cujus regio, ejus religio (« tel prince, telle religion »), c’est-à-dire des micro-partitions de fait. L’État d’Israël n’échappe pas à ce problème, et l’Europe contemporaine (y compris la Russie) non plus.

Ne nous cachons donc pas les difficultés de la cohabitation entre monde musulman et monde occidental. Ne nous cachons pas non plus la difficulté, aujourd’hui, d’opérer une distinction claire entre islam et islamisme. L’un des meilleurs connaisseurs français actuels de l’islam, Rémi Brague, a résumé cela de façon quelque peu abrupte (Le Figaro, 20 janvier 2021, débat avec Richard Malka) :

« La différence est assez difficile à tracer entre islam et islamisme, c’est une différence de degré plutôt que de nature. L’islamisme est un islam impatient, et l’islam un islamisme patient. Mais je me demande si le but dernier ne serait pas le même pour les deux ».

Nombre de musulmans sont aujourd’hui victimes de l’islamisme. Ils auraient donc des raisons de vouloir le combattre. Mais ils risqueraient alors d’être vus par leur communauté comme de mauvais musulmans, et il faut bien reconnaître que cette critique serait crédible. Dans de telles conditions, il est néanmoins possible qu’ils choisissent de quitter l’islam ? Formons le vœu que, si ce pas devait finir par être sauté, cela se produise sans troubles majeurs, pour les individus comme pour les peuples.

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6 commentaires

Yves Montenay avril 19, 2024 - 4:10 pm

Bonjour Philippe,
En complément, et en tant que libéral, je considère il n’y a que des individus, et non « un monde musulman ». Je nuance immédiatement en rajoutant qu’il y a des groupes et des Etats qui agissent collectivement, l’Etat islamique, les Frères musulmans, des mouvements nationalistes, des mouvements quiétistes etc. et en rappelant que ce sont souvent les minorités qui sont moteur. Tous ces mouvements militent, souvent brutalement, contre la sécularisation. Je pense néanmoins que cette dernière gagne statistiquement du terrain, voir notamment https://www.yvesmontenay.fr/2023/01/24/geopolitique-de-lislam-daujourdhui/ ou les sondages cités également sur mon site, qui rajoutent aux cas flagrants de la Turquie et de l’Iran, celui de la Tunisie. Et mes amis de la bourgeoisie francophone maghrébine sont en général athées, même s’ils ne l’affichent pas.

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Philippe Baccou avril 23, 2024 - 6:36 am

Bonjour Yves, et merci de ces enrichissants commentaires.
Pour la Tunisie, l’enquête World Values Survey ne fait pas apparaître le même début d’affaiblissement des convictions religieuses qu’en Turquie et en Iran.
Il faut, à mon avis, non seulement nuancer, mais contester le postulat individualiste (dit « individualisme méthodologique ») en honneur chez certains libéraux (mais pas tous). Une chose est de dire qu’une société, une entreprise, une association, une collectivité publique sont des collections d’individus en interaction. Prétendre qu’elles ne sont que cela me paraît insoutenable et contraire à l’expérience. Les individus humains, comme les autres animaux, sont eux-mêmes des collections de cellules en interaction. Mais je ne vois guère de gens soutenir le point de vue celluliste selon lequel ces organismes n’auraient aucune existence ou personnalité propre.

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moulin avril 20, 2024 - 4:19 pm

Le problème est encore plus difficile pour un état et une société archipellisés et en faillite potentielle. Créer des emplois suffisants pour que les gens se rencontrent et apprennent à se connaître en coopérant et aient les moyens de quitter les quartiers.

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Eschyle 49 avril 22, 2024 - 5:48 pm

Lisez ces trois livres et oubliez l’Islam :
a)  » Le Coran révélé par la Théorie des Codes « , de Jean-Jacques WALTER, 28 €, 11 juillet 2014, Éditions de Paris, ISBN 978-2-85162-288-4
b)  » Le grand secret de l’islam  » (2ème édition du 30 août 2020), d’Odon LAFONTAINE, 15 €, ISBN 978-1-51701-131-4
c) La laïcité, mère porteuse de l’islam , de Michel Viot , 20 € , 17 mai 2017 ISBN 979-1097174002.

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moulin avril 25, 2024 - 1:47 pm

Oublier ? pouvez vous expliciter ce que ces livres vous ont appris, mais qui ne vous empêche pas de lire et commenter un article sur le problème de l’Islam dans les pays occidentaux.

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zelectron avril 27, 2024 - 5:18 am

l’islam est (liste non exhaustive à compléter):
-totalement intolérant et ne respectera jamais la pensée d’autrui
-imprégné du mensonge obligatoire dans tous les pays d’incroyants (taqiya)
-kamikase* pour ses fidèles à propos de tout et de rien
-vengeur pour un oui ou un non
-assassin pour récolter le paradis d’allah et ses quarante-douze vierges
-esclavagiste des femmes tout en étant polygame
-ôte toi de là que j’ m’y mette
-en résumé l’islam est TOTALEMENT intolérant et cache son jeu jusqu’à ce que sa force en nombre lui permette de prendre le -pouvoir absolu.
nb le nombre de musulmans en Europe va atteindre les 100 millions avant qu’il soit longtemps

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