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Le sauvetage de Blédina. Vous avez dit économies ?

par Yves Buchsenschutz
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Dans les années 70, le groupe Danone qui s’appelait alors BSN avait hérité de 2 sociétés alimentaires, Évian, l’eau de bébé, et la Blédine Jacquemaire, la seconde maman. Cette dernière, leader du marché de la diététique infantile français, créée un peu avant le début du XXe siècle avait toujours été profitable et surtout avait traversé toutes les vicissitudes de l’histoire sans difficulté mortelle. Pourtant en 1973, patatras ! Cette société encaissa simultanément la crise du pétrole, la crise des naissances, et l’arrivée-retour en force de la société Nestlé, leader mondial du domaine sur le marché français. Le résultat ne se fit pas attendre : pour la première fois en près d’un siècle cette société fit des pertes ! La réaction du groupe actionnaire fut ferme et rapide : étude McKinsey ! Six cadres, encadrés par deux McKinsey travaillèrent (jour et nuit) pendant six semaines pour diagnostiquer quelles pouvaient être les solutions et en particulier les économies. Il en résultat une trentaine de pistes potentielles, tant de gains de chiffres d’affaires que d’économie industrielles. Dans la foulée le budget de charges de structure (en gros les frais généraux ) fut présenté et refusé car trop dispendieux.

Concernant cette partie, l’équipe contrôle de gestion organisation de la société proposa alors de demander à chaque chef de service de construire des hypothèses de charges diminuées des pourcentages suivants : -3, -5, -10, -15 %. Cela devait se concrétiser par une liste successive et cumulative d’actions, service par service incluant les conséquences sur la production dudit service (à maintenir le mieux possible tout de même) ainsi que les conséquences sociales (modifications et/ou suppression de postes). Les pourcentages avaient été construits afin de récupérer au début les réserves de précaution des services mais à 15 % imposant en général des remises en cause de fonctionnement globales. Chaque chef de service discutait ensuite avec la direction générale de la décision de retenir tel ou tel programme. À l’époque par exemple le DG retint 10 % d’économie sur l’informatique mais zéro sur la recherche(l’avenir). Un grand nombre furent adoptées sur le champ, une vingtaine plus lourdes furent en définitive retenues pour la suite.

Les 30 idées McKinsey et des 20 pistes charges de structure furent réunies en un seul programme d’économie et attribuées chacune à un cadre, spécialiste ou non de la question, qui avec l’aide de l’organisation et du contrôle de gestion était chargé de concrétiser l’économie identifiée dans un délai de six mois lequel correspondait à la fin de l’année 74.

Fin 74, la Blédine Jacquemaire était redevenue profitable ! Elle est aujourd’hui sous le nom de Blédina, toujours filiale du groupe Danone et toujours en bonne santé, merci.1

Les points clés de l’opération PLANECO BLEDINA :

  • Persuader, regrouper et mobiliser toute la société autour de l’urgence absolue et partagée
  • Se doter d’appuis dédiés ( Mac Kinsey, un contrôle de gestion (juge de paix) et une cellulle organisation internes) assurant un suivi serré (2 points d’avancements par programme et par mois)
  • Confier les diagnostics complexes à des spécialistes mais ceux de fonctionnement au personnel. Intégrer la société et ses membres au maximum.
  • Confier la mise en œuvre aux intéressés. (c’est le point faible en général des conseils extérieurs : les rapports restent dans les placards)
  • Reporting général et régulier à un inspirateur central : le DG ou équivalent
  • Mise en place au fur et à mesure, y compris les mutations de personnel. Les titulaires de jobs supprimés vers un pool de dépannage en attente de nouvelles missions promises (moyennant formation) et effectives. (Il y a toujours un certain turne over)

Que tirer de cet exemple vécu ? en matière de méthode, dans la situation où se trouve aujourd’hui la France ?

Premièrement : Faire percevoir aux français la nécessité absolue d’agir devant une situation d’ores et déjà intenable, laquelle, sauf réaction exceptionnelle, ne peut qu’empirer. Si l’on transpose à la France, une partie du chemin est déjà parcourue par le seul tableau de l’évolution de la dette.

Nonobstant d’aucuns avancent en sourdine qu’il serait bien possible de ne pas la rembourser. Pourtant, tout un chacun comprend bien que si les déficits annuels persistent la dette cumulée ne peut qu’augmenter (et au passage creuser chaque année un peu plus les déficits !).

Il faudra donc un gouvernement ou un parti qui serait prêt à jouer son élection sur les économies et l’austérité. En quelque sorte promettre du Thatcher ou du Hartz (lesquels ont fonctionné en leur temps). En fait maîtriser les dépenses de l’Etat, Oscar français incontesté.

À ceci il faudrait ajouter une crise des investissements-dépenses  qui se dessine chaque jour un peu plus comme un véritable mur : réarmement global , aide à l’Ukraine, centrales nucléaires et énergies nouvelles, transports d’électricité, réindustrialisation, changement climatique, démographie (vieillissement de la population et baisse de la natalité)… , vous n’aurez aucun mal à compléter la liste …

la France est aujourd’hui devant non pas un mur mais une vraie fortification de financement. Il est peut-être temps de songer à des financements privés, puisque les français épargnent semble-t-il ?!2

Deuxièmement : il faut soigneusement organiser le redressement. Il y a systématiquement deux phases : une phase diagnostic une phase de réalisation. La réalisation ne peut être faite que par les membres de la société elle-même. L’idéal est donc bien entendu de faire réaliser le diagnostic par le personnel lui-même mais on peut tout à fait se faire aider. Les cabinets conseils ont l’avantage d’avoir un œil neuf et de l’expérience. Encore faut-il qu’ils les vendent aux intéressés. Un accompagnement par un contrôleur de gestion est indispensable pour valider les projets, le conseil interne ou externe permet d’imaginer des solutions nouvelles. La prise en compte des conséquences tant productives que sociales à libéré les individus des freins habituels du responsable opérationnel, lequel milite en général pour le maintien du statu quo.3

On peut raisonnablement penser que l’on aura trois types de problèmes – solutions :

1. des sujets très lourds du type : pourquoi et comment peut-il y avoir 30 000 fonctionnaires au ministère de l’agriculture pour désormais 300 000 agriculteurs ? chiffre qui diminue chaque année.

Pourquoi l’enseignement ou les cliniques privées fonctionnent-elles à un coût de remboursement 30 % inférieur à celui du public. Accessoirement pourquoi avons-nous 10 % de plus d’administratifs dans la santé française que dans la santé allemande ?

Pourquoi les effectifs payés par le ministère de l’éducation nationale s’élèvent-t-ils à 1 162 850 personnes et que seulement 866 500 sont devant les élèves. Au demeurant tout ceci dans une démographie déclinante …. 25 % de l’effectif fait autre chose qu’éduquer !(source Ministère de l’Education)

2. des sujets plutôt simples dans leur principe du genre :

Chaque fois que l’on fait une loi il faut l’appliquer c’est-à-dire compléxifier la vie antérieure et dépenser temps et argent pour lui donner vie. Réponse : mettons la fabrication de lois en pause ou au moins supprimons une ancienne chaque fois que l’on en fait une nouvelle.

 Si l’on ajoute de l’informatique cela doit amener à des simplification et des économies pas à une complexification des opérations au cas où !

Globalement arrêtons les normes de tout genre : la semaine dernière nos députés ont travaillé sur la ségrégation par la coiffure et le fait sur place dans les restaurants ! Au moins au niveau du restaurant s’est-on posé la question de la satisfaction gustative des clients ? Viennent-ils manger ou lire ?

De ce point de vue, l’agriculture serait certainement un bon chantier test.

3. Des sujets transverses comme le statut des fonctionnaires : si l’on veut éviter leur prolifération anarchique, toujours promise et jamais effective il faut modifier leurs règles d’affectation afin d’introduire de la souplesse dans leur utilisation. Qu’ils conservent un statut spécial peut déjà se discuter mais au moins que l’on puisse les gérer au mieux des intérêts de la nation. Un regroupement systématique du personnel mis en disponibilité dans un pool commun alimentant les postes naturellement vacants (retraite démission…). Une mise en place des projets au fur et à mesure de l’acceptation des résultats par la direction.

Autre piste : arrêter le « quoi qu’il en coûte ». Plus personne ne sait à quoi il a droit, sauf quelques arnaqueurs habiles et les français vivent tout de même mieux aujourd’hui qu’en 1950. ( mais beaucoup moins bien que les américains ou les suisses). Accessoirement, nous avons fabriqué par exemple une trappe à salaire autour du SMIC dont personne ne sait plus comment se débarrasser ! (voir article B Nouel du 5 Juin 2023 Minima de branche .. trappe à bas salaires).Ce système, compréhensible dans des cas d’urgence absolue, induit une demande permanente de report des problèmes sur l’Etat.(y compris les talons de chaussures !!?!)

Troisièmement : Une fois les programmes identifiés, individualiser leur réalisation et en faire les challenges des collaborateurs En face de chaque programme un responsable, un objectif, une aide disponible de fonctionnels et un lancement officiel  suivi d’un reporting régulier. Un constat de réalisation personnel face à l’autorité.

BONUS : il n’est pas interdit de générer des recettes complémentaires. En dehors des divers programmes étatiques (subventions mais surtout libération de l’énergie des entrepreneurs) Celle-ci néanmoins ne peuvent venir que la croissance (supplément de recettes) ou de l’amélioration du taux d’emploi (il augmente les cotisations et diminue les dépenses). Opérationnellement cela pourrait se traduire par pourvoir envers et contre tout, tous les postes vacants disponibles pour gagner un peu de PIB « disponible » donc non seulement éliminer le chômage mais diriger des chômeurs, de force peut-être, mais au moins temporairement, vers les poches de productibles potentiels.4

NB Ce type d’expérience a été mené des centaines de fois dans des centaines de sociétés et des dizaines de pays, et avec succès !

  1. Bledina en son temps n’a pas eu de mouvement social et les gens ont retroussé leurs manches pour sauver leur job ! ↩︎
  2. Une partie de la dette est tout de même dans les contrats d’assurance-vie des français ! ↩︎
  3.  Il est essentiel de confier la réalisation au personnel car il a toujours les moyens de bloquer sur le terrain. ↩︎
  4. Début 2023, d’après les chiffres du ministère du travail, il y avait 3 millions de postes à pourvoir en France ; le chiffre a probablement baissé mais nous n’avons pas retrouvé de statistiques précises plus récentes. La moitié au travail serait déjà un formidable résultat. ↩︎

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3 commentaires

moulin avril 8, 2024 - 9:58 am

Belle liste, mais existe-t-il des personnes suffisamment nombreuses et énergiques pour dynamiser les millions de fonctionnaires, hélas, bien plus nombreux que les salariés de Bledina.

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Eschyle 49 avril 8, 2024 - 1:15 pm

Tout ça , c’est de la menue monnaie . Monsieur DUPONT-MORETTI a fait voter la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 , loi de programmation de la justice , pour un budget de 60 milliards d’euros sur 5 ans , afin de tenter de déminer une bombe thermonucléaire. Pourquoi ? Jusqu’en 2011, un jour fixe venait en trois mois; une révision de pension alimentaire, en six mois; un dossier de complexité moyenne, en neuf mois; quand on passait le cap d’un an, c’est qu’il y avait, soit une pluralité d’intimés, soit un sursis à statuer, soit une expertise (source: le tableau statistique distribué en janvier 2012 à l’audience solennelle de rentrée de chaque Cour d’appel); dans ce dernier cas, chaque dossier était rappelé mensuellement à la conférence de chaque chambre, en présence du conseiller de la mise en état, de son greffier, et d’un représentant de chaque étude; au retour de conférence, chaque dossier étant actualisé sur un tableau Excel: rouge, non conclu; orange, conclusions encore à l’approbation; vert, conclusions signifiées. Aujourd’hui, selon le cabinet AON, le courtier du barreau de Paris: a) en quantité, c’est-à-dire en fréquence, la première cause de sinistre en responsabilité civile professionnelle des avocats est la procédure d’appel; b) en quotité, c’est-à-dire en coût financier, la deuxième cause de sinistre en responsabilité civile professionnelle des avocats, est la procédure d’appel, juste derrière l’erreur en matière fiscale. Croisez la quantité par la quotité, vous obtenez une sinistralité habile à plomber les comptes de n’importe quel assureur. Pourquoi ? En France, à titre de comparaison, il y a actuellement 652 neuro-chirurgiens; au 31 décembre 2011, il y avait 444 avoués (équivalent des neurochirurgiens); depuis, ils ont été expropriés sans indemnité par Jacques ATTALI [Déclaration de celui-ci, le 16 février 2024, lors des Entretiens Littéraires de la Collégiale Saint Martin:  » C’est un échec: « ] et remplacés par 76.274 avocats (équivalent des généralistes, infirmiers et aides-soignants), subitement autorisés à pratiquer sans formation la neurochirurgie. Or, analysez les comptes de la compagnie Les Mutuelles du Mans, elle va inéluctablement résilier sa police de groupe avec les 76.274 avocats, ce qui paralysera, non seulement les Cours d’appel, mais aussi en amont les tribunaux, et en aval la Cour de cassation. Conséquence inéluctable: mise en oeuvre de l’article 68 de la Constitution, c’est-à-dire le renvoi de Mrs ATTALI , SARKOZY et MACRON devant la Haute Cour de Justice, sous l’inculpation de crime de haute trahison . Et je ne vous parle pas de la crise des subprimes (2007-2008) , déclenchée par Jacques ATTALI , président de la BERD, en diffusant les credit default swaps (C.D.S), inventés par Blythe Masters:
https://www.dreuz.info/2019/09/une-maree-noire-a-lorigine-du-krach-financier-de-2008-197865.html

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zelectron avril 8, 2024 - 1:43 pm

Le président n’a pas attendu : il est en train de vendre subrepticement un certain nombre de bâtiments propriétés de l’état
programme sur 2 mandatures (2 x 5 ans) :
– rogner les subventions aux secteurs de la presse et des médias.
– diminuer le nombre d’élus de 50% à minima (dont l’assemblée nationale et le sénat)
– remercier chaleureusement 1 million de fonctionnaires à commencer par les plus hauts gradés(notation par leurs subalternes ?)
ne pas toucher aux « régaliens » les 10 plus hauts ponx de Bercy doivent sauter (de joie?) idem pour les ministères.
– faire la chasse aux commités Théodule et similaires
parmi d’autres milliers de mesures et de mesurettes . . . .

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