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MONDIALISATION, AGRICULTURE ET PAUVRETÉ

par Yves Buchsenschutz
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MONDIALISATION, AGRICULTURE ET PAUVRETÉ

Il est de bon ton par les temps qui courent de vouer aux gémonies la mondialisation. Pas de journal télévisé, pas de journal, quotidien ou hebdo, pas d’e-mail ou de publicité qui n’évoque ce « galeux d’où venait tout le mal » ! Le discours ambiant pénètre tellement profond que rien aujourd’hui n’est à considérer si ce n’est artisanal, traditionnel, ancestral, d’origine locale ou au moins française, de préférence disponible à moins de 3 km. Nos concitoyens d’ailleurs se sont rangés comme une armée disciplinée derrière leurs agriculteurs contre les importations étrangères, en dépit d’une balance commerciale agricole excédentaire !

Et pourtant, si l’on regarde d’un peu plus haut et d’un peu plus loin, la mondialisation – c’est-à-dire en fait produire chaque objet dans le pays-localisation le plus performant au monde – pour ensuite le répartir dans la consommation générale – a été le levier principal d’une baisse extraordinaire et inconnue jusqu’alors du taux de pauvreté mondial. Ceci est dû également à des systèmes de transport (principalement maritimes et containérisés) extraordinairement efficaces et bon marché.

Le monde est passé en-dessous de 10 % de pauvres et le PIB/hab a été multiplié par 4 !

Notons au demeurant que la mondialisation impliquait un climat de confiance et de collaboration symbolisé par l’OMC qui avait vu progressivement adhérer la plupart des pays. Il est bien évidemment quasiment impossible de prouver mathématiquement cette corrélation mais a contrario on a bien vu le blocage quasi-instantané de cette amélioration lors des crises successives de la COVID, lesquelles ont été relayées par des conflits inter-pays cumulés qui provoquent encore aujourd’hui le repli progressif de chaque pays sur des productions relocalisées « au cas où » ? ou par pur chauvinisme». Les français au moins, mais aussi les allemands ou les italiens recherchent systématiquement l’origine (plus ou moins certifiée) des produits proposés.

Ce miracle, car c’en est un a eu lieu sous l’égide d’une organisation : l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)

Depuis le milieu des années 1980 jusqu’à la crise financière de 2008, le taux de croissance du commerce mondial est systématiquement supérieur au taux de croissance du PIB mondial et le tire vers le haut. Le commerce mondial se replie fortement en cas de crise, sa décélération est même plus rapide que celle du PIB mondial. De 2012 à la pandémie de Covid-19 qui a débuté en 2020, les taux de croissance du commerce mondial et du PIB mondial sont quasiment identiques ; la mondialisation semble avoir atteint un palier. En 2020, année de crise sanitaire, le commerce mondial se contracte davantage que le PIB mondial puis se redresse plus fortement. (Source INSEE)

Il en résulte naturellement que sacrifier le commerce mondial et les échanges conduit à sacrifier l’éradication de la pauvreté, laquelle s’est tellement amoindrie qu’il a fallu changer l’indicateur et passer de 1 dollar par jour à 1,90 $ pour continuer à la mesurer. Rassurons-nous tous, il y a encore 700 millions de très pauvres sur terre et du travail à réaliser.

Venons-en maintenant à l’agriculture. Que l’ensemble de cette profession soit au moins en France, voir en Europe dans une situation délicate c’est clair. Dans un système mondialisé les pays densément peuplés, à haut niveau de vie, donc également de salaires, entrent en concurrence avec des pays dont les conditions structurelles de production sont, à condition de s’en servir correctement, plus favorables. D’où vient cette crise ?

  • Sensibilité exacerbée des consommateurs aux prix, alimentaires en particulier. L’inflation revenue via l’énergie s’est répercutée dans le panier de la ménagère qui a parfois dû attendre la mise à niveau de son revenu. Cumulé avec des choix coûteux type bio, la situation est devenue insupportable, au moins au niveau du ressenti.
  • Concurrence « déloyale » entre pays : les conditions d’exploitation entre pays, outre la géographie et les rémunérations a été semble-t-il amplifiée par des exigences de normes très disparates. Qui a tué la filière sucrière en France ? et qui commence à s’attaquer aux endives ?
  • La position oligopolistique clé des centrales d’achat, hyper centralisées, face à une agriculture et des industries émiettées. Entre 5 et 10 acheteurs par pays appliquent la loi du passage obligé entre la production et les consommateurs.
  • Les mauvais, voire même non choix stratégiques fréquents des agriculteurs qui veulent à tout prix produire la même chose et comme avant. Pourtant le chanvre, le malt de brasserie, le houblon, la vigne, voire les céréales, les fromages, le cognac voire l’eau minérale etc s’en tirent mieux. Un agriculteur devrait sélectionner son créneau comme toute entreprise. La vente en l’état et en vrac ne rémunère plus.
  • Le manque d’adaptation et de spécialisation des exploitations agricoles : où est le métier des fleurs en Europe ? à Amsterdam ou à Ollioules ? quel agriculteur français a développé des activités annexes comme la méthanisation des allemands ?

La solution du prix garanti est tout sauf une solution : nous risquons de nous retrouver dans une agriculture encore plus fonctionnarisée qu’avant, oubliant l’adaptation, l’innovation, la recherche agricole ou marketing et ne correspondant ni aux souhaits des consommateurs ni à ceux des producteurs.

Le grand chantier de l’agriculture est à reprendre à zéro et le bio (pourtant sponsorisé gratuitement à gogo par l’état, les médias, l’enseignement public ou privé) n’est pas la solution ! Le rendement de la production de blé en France est passé de 10 quintaux à l’hectare après la guerre à 70 aujourd’hui ! Cela ne s’est pas fait tout seul ! Nous avons été trop loin ? peut-être, mais alors travaillons à conserver les gains tout en éliminant intelligemment les dérives.

Pour permettre une concurrence loyale au niveau mondial, il faut que les contraintes qui pèsent sur les producteurs de tous les pays soient similaires sinon identiques : ce sont les vraies lois de la concurrence. Ce devrait être le travail de l’OMC. On met de côté salaires et charges, propres à chaque pays, mais les contraintes environnementales, écologiques, les normes, l’usage des pesticides, des engrais etc… et règlements de toutes sortes sont harmonisées ou compensées . Il est logique qu’une tomate produite au Maroc soit moins chère que produite en France : la main d’œuvre y est moins chère mais les coûts du transport seront différents. On doit au moins être certain que la culture de la tomate au Maroc suit les mêmes règles environnementales. Alors les producteurs français devront s’adapter en produisant mieux, moins cher, de meilleure qualité etc. Le plus troublant, c’est que l’on fait venir en France des tomates des Pays Bas où le coût de la main d’œuvre est sûrement au moins égal sinon supérieure (hors charges , qui est une décision de la France) . Donc la vraie question pour l’agriculteur est comment concurrencer les tomates hollandaises!! (ou belges , ou espagnoles…) Nos paysans doivent en prendre de la graine (!!); Idem pour les produits laitiers : Nos exploitations sont-elles trop petites?  Les normes trop différentes?  Les SAFER empêchent-elles les regroupements nécessaires ? Les normes écologiques empêchent- elles les unités de méthanisation présentes en Allemagne ? 

Il est important de mettre en place les fameuses « clauses miroir » … qui forceront le Maroc (dans notre exemple) à s’aligner sur les contraintes européennes s’ils veulent continuer à vendre leurs tomates en France…

 Mais entre le gouvernement , l’Europe, et les « paysans » on est dans un dialogue de sourd avec une administration en France qui étouffe l’agriculture , l’innovation et le développement . Il y a 30 000 fonctionnaires au ministère de l’agriculture pour un peu plus de 300 000 exploitations ! Sans compter les écolos…Que chacun fasse son travail et le monde paysan recommencera à tourner rond! »

Les agriculteurs doivent se concentrer sur leurs prix de revient certes mais aussi, voire surtout, sur la formation de leurs prix de vente. Ils doivent, comme tout entrepreneur, comprendre que celui-ci dépend de leur stratégie marketing et de leur poids sur leur marché. Ce dernier est toujours un rapport de force. Comment l’organiser à leur avantage ? innover, se regrouper, séduire le consommateur final … intégrer positivement la concurrence internationale, les industriels, voire la distribution…? Ce n’est qu’à ce prix qu’ils obtiendront la juste rémunération de leurs efforts. Investir RUNGIS par des manifestations désorganisant « paisiblement ! » la vie de leurs concitoyens, ainsi qu’abîmer leur salon professionnel (unique à cette échelle en France avec le Salon de l’aviation au Bourget) sont de l’énergie gaspillée et contre-productive.   

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1 commenter

moulin mars 22, 2024 - 10:00 am

La mondialisation augmente la pression sur les entreprises et leurs salariés et parties prenantes. En France, il manque des millions d’emplois pour fournir activité et revenus à de smillions d’habitants. Le sujet concret, ce ne sont pas les avantages de la mondialisation, mais l’accompagnement efficace de la création d’emplois compétitifs. On attend que l’IRDEME propose des solutions concrètes.

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