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Vente à perte – refus de vente – marges arrière…

par Yves Buchsenschutz
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La France à bruissé toute la semaine de la proposition de Madame Borne, notre première ministre, faite aux marchands de pétrole de vendre leur essence « à perte ».

Réglons déjà quelques problèmes annexes :
Si l’on croit au dérèglement climatique anthropique (c’est-à-dire d’origine humaine) et que celui-ci est corrélé fortement à la combustion des énergies fossiles, on devrait se réjouir de la flambée des prix de ces derniers car c’est le seul et meilleur signal pour freiner une consommation incontrôlée. Il y a donc une certaine incohérence à vouloir supprimer ce « signal prix » de base.

Si l’on considère que les variations erratiques des prix pétroliers en particulier pénalisent trop les populations, et que par conséquent il faut en maîtriser les prix. Alors, comme ce dernier, en France, est constitué principalement de taxes, il faut et il suffit de diminuer ces dernières qui, augmentant proportionnellement au prix mondial, représentent pour l’État un « super profit » comme on n’en voit pas souvent[[Curieux comme les supers profits de l’État sont par construction normaux et blancs comme neige.]].

Il faut maintenant revenir au principe de vente à perte et à la gestion plus que délicate des rapports entre fabricants, distributeurs (Carrefour, Leclerc, etc.) et consommateurs. Précisons les rôles : le fabricant essaye de vendre le plus cher possible pour améliorer sa marge tout en maîtrisant ses quantités. Le distributeur essaye d’acheter le moins cher possible et de revendre le plus cher possible. Le consommateur essaye d’acheter le moins cher possible.

Pour compléter le tableau, les consommateurs sont des millions, les industriels sont des milliers, les distributeurs, une fois regroupés, sont par canaux et produits spécialisés d’une dizaine à quelques centaines. Le rapport des forces entre ces groupes ressemble à un sablier : des milliers de fabricants passent par le filtre de quelques dizaines de distributeurs qui délivrent à des millions de consommateurs. Les distributeurs sont, de facto, la plupart du temps un goulot d’étranglement obligatoire entre les fabricants et les consommateurs : ce sont donc eux en priorité qui maîtrisent et organisent les marchés.
Du fait de la grande diversité des distributeurs et depuis que nous sommes dans la société d’abondance, ces derniers ou au moins les principaux d’entre eux se sont retrouvés en position de maître du jeu entre les fabricants et les consommateurs. L’enjeu principal consiste à attirer le consommateur par des prix bas que le distributeur compense par des exigences tarifaires chez les fabricants.

On a mis plusieurs dizaines d’années à gérer à peu près bien ce nœud gordien dans les positions de force pour obtenir un schéma dans lequel, à chaque niveau, il y a des gros et des petits (maintenir la concurrence), les fabricants gagnent à peu près leur vie et arrivent à se défendre des exigences de la distribution, et cette dernière ne génère pas trop de monopole et maintient une offre décentralisée aux consommateurs, ainsi que des prix compétitifs pour ces derniers.

Ce travail n’a pas été simple et les premiers textes sur la vente à perte (= le dumping) datent de 1963, la circulaire Scrivener de 1978, le système actuel des années 2010 : au passage il a fallu gérer ce que l’on appelle pudiquement les « refus de vente », les marges arrière (au lieu d’acheter un produit à vendre, le distributeur vend des prestations aux fabricants pour faire baisser le prix de revient global) les soldes, les invendus, etc., inventer des systèmes de redistribution comme les points X ou Y ou des cagnottes, lesquels donnent droit à des bons d’achat… Et cela n’a pas été sans mal.

Et ne voilà pas qu’un beau matin, le gouvernement propose de détricoter tout ce travail à propos de l’essence à un niveau inconnu mais forcément stupide : deux ou trois centimes n’est ni sensible ni significatif pour personne, 50 centimes mettraient les fournisseurs de pétrole et d’énergie au bord de la faillite et tuerait toutes les petites stations de proximité, voire relancerait les moteurs thermiques.
Après l’essence (c’est toujours le premier pas qui coûte), on pourra s’attaquer aux voitures, aux bananes ou au téléphone portable : la palette est large mais glissante.

Avant de terminer, je voudrais rapprocher cette proposition de l’espèce de campagne de publicité béate que l’État et les médias ont réalisé concernant le « cadeau » fiscal soi-disant fait aux Français en relevant les barèmes d’imposition de l’IRPP. Il paraît que c’est un beau geste de Monsieur Le Maire et que, d’ailleurs, s’il ne l’avait pas fait, de nombreux citoyens se seraient retrouvés contribuables du simple fait du glissement de la monnaie. Tout ceci est vrai mais le moins qu’on puisse dire c’est que cela est un cadeau empoisonné : les Français constatent l’augmentation des prix mais oublient allègrement les augmentations de salaire qui ont été à peu près alignées sur l’inflation, sauf pour quelques catégories bien ciblées, les retraités en général décalés dans le temps (ils ne manifestent pas ou peu) et les propriétaires-bailleurs limités ou gelés (même motif). Quand il y a inflation, il n’est que justice que l’augmentation de salaire que je vais recevoir en compensation soit également intégrée dans les barèmes pour maintenir le système en l’état. C’est tout sauf un cadeau, cela s’appelle simplement de l’honnêteté[[Une autre manipulation du même tonneau est celle de la suppression des taxes d’habitation qui se fait progressivement compenser par la hausse de la taxe foncière. Séduisante à court terme, cette décision va décourager encore plus les investisseurs privés de mettre en chantier des logements qui, paraît-il, manquent.

Accessoirement, la collectivité semble avoir également décidé de tuer les résidences secondaires !]][[ Il n’y a pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre qu’en période d’inflation, si les seuils ne sont pas modifiés, l’impôt tend inexorablement vers 100% pour tout le monde. Simple question de temps.]].

La machine économique n’est pas une mécanique mais un mobile : toutes les pièces sont liées et les résultats d’initiatives intempestives sont parfois surprenants. Nos hommes politiques feraient bien de mettre des gants avant d’y mettre des doigts naïfs souvent dévastateurs. À quand les plaintes contre l’incivilité des citoyens qui dévastent leurs communes : ils ne payent plus les dégâts puisque la taxe d’habitation a été supprimée.
Rouvrir le dossier vente à perte c’est ouvrir la boîte de Pandore. Cherchez l’erreur !

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1 commenter

moulin septembre 26, 2023 - 9:53 am

Cynisme hypocrite et idiot des gouvernements
Cynisme hypocrite des gouvernements d’un pays en faillite qui a cramé 50 milliards empruntés pour cacher aux français que la hausse du prix de l’électricité n’a pas été empêchée par le gouvernement français pour permettre des superprofits aux producteurs français, dont les coûts principaux n’ont pas changé pendant la crise du gaz, et les taxer de 20 milliards.

En effet, en France, le prix de l’essence à la pompe est constitué principalement de taxes: il suffirait de diminuer ces dernières qui, augmentant proportionnellement au prix mondial, représentent pour l’État un « super profit » que le ministère des finances ne veut pas lâcher … alors qu’en subventionnant les voitures électriques il s’en prive en masse. Pour soi-disant respecter des traités non contraignants et des injonctions européennes qui par ailleurs nient que la France est déjà un bon élève en CO2 , bien que cela soit dérisoire par rapport aux augmentations massives des émissions de 3/4 de la planète.

Madame Borne est peut être ingénieur scientifique de haut niveau mais n’a pas le début de sens économique. La rationalité cartésienne probablement mais pas la rigueur globale.

¿ La faire soigner par Olivier Houdé?

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