Les journalistes français n’ont dans l’ensemble pas compris le vote massif en faveur des républicains qui a été manifestement un désaveu d’un président Obama dont la plupart approuvaient les politiques et dont certains s’étaient même fait une idole.
Ils ne comprennent pas comment les États-Unis ont pu ignorer des inégalités grandissantes et tourner le dos à un président qui s’était fait le champion de la justice sociale. Surtout au vu de ce qu’ils avaient pris pour un succès : la diffusion du livre de Thomas Piketty sur le Capital au XXIème siècle.
Les journalistes français n’avaient pas vu qu’avec 400.000 exemplaires vendus aux dires de l’auteur, 400.000 exemplaires, c’est-à-dire le chiffre atteint dans la seule France, par l’Horreur économique, il était une bonne source de revenu pour son auteur, mais un flop si l’on réalise qu’il a été soutenu par les deux plus grands quotidiens, le New-York Times et le Washington Post, et par deux prix Nobel, Joseph Stiglitz et Paul Krugman. Si l’on réalise qu’il y a au moins 7 millions d’électeurs inscrits comme membres du parti démocrate, que T. Piketty a été reçu par le président Obama lui-même à la Maison Blanche, que Democracy for America créé par l’ancien gouverneur démocrate Dean est capable de lever des millions de dollars par paquets de moins de 10 dollars, il aurait dû en vendre 5 à 10 fois plus.
Mais nos journalistes n’ont surtout pas compris que le thème des inégalités n’a pas pris aux USA parce qu’il s’agit d’une construction artificielle créée par des économistes en mal de reconnaissance et de prestige, mais sans aucune base ni économique ni sociale sérieuse.
Ce thème est d’abord construit sur des impostures statistiques, comme beaucoup de chercheurs l’ont montré : les inégalités n’ont pas augmenté dans les 20 ou 30 dernières années, le revenu moyen américain a bien crû comme le PIB, même le revenu moyen du centile le plus riche a évolué avec le revenu moyen.
Pour trouver des inégalités, T. Pïketty et ses émules sont forcés d’aller chercher le dix-millième ou le cent-millième de la population, c’est-à-dire en fait, les milliardaires. Mais, manque de chance, les milliardaires ne sont pas ceux qui profitent de la croissance pour s’enrichir, ce sont ceux qui la font. Comme le montrent les relevés de Forbes, 90% des milliardaires sont devenus riches parce que, eux-mêmes pour 67% d’entre eux, ou leurs parents pour 23%, ont créé des entreprises, pris des risques, enrichi l’Amérique en s’enrichissant eux-mêmes.
Les élections qui viennent d’avoir lieu ont été un test pour savoir si les Américains allaient être assez dupes de fictions créées dans un but politicien : gagner les élections sur le thème des inégalités et de la lutte des classes qui, depuis Marx, est l’un des grands classiques de la gauche.
Une première réponse est que les Américains n’ont pas été dupes et qu’ils ont peut-être compris que l’enjeu était la liberté d’entreprendre, mise à mal par l’administration Obama avec Obamacare, la réforme financière Dodd-Frank, l’intervention massive de l’État dans toutes les politiques industrielles ; avec des désastres qui ont marqué les esprits comme la faillite de Solyndra où l’administration Obama a perdu 500 millions alors que le secteur privé s’en était soigneusement écarté.
Mettre à mal la liberté d’entreprendre qui est le meilleur, et peut-être le seul, ascenseur social ?
Il est extrêmement frappant de regarder le détail des élections et de constater qu’au Texas, un état envahi par les Latinos sur lesquels les Démocrates comptaient pour sortir de la minorité, les résultats sont tellement catastrophiques que les Démocrates eux-mêmes s’interrogent sur les possibilités de devenir un jour compétitifs électoralement.
Il est frappant de voir un état, le Kansas, au cœur des USA, dont un grand journal de droite français envisageait encore la semaine précédente la non élection du gouverneur Sam Brownback, parce qu’il avait osé réduire considérablement les dépenses publiques et les effectifs de fonctionnaires, le réélire avec une majorité massive, de même que le sénateur Roberts, républicain, battant de plus de 10 points son adversaire démocrate.
Autre élection-test, celle de Scott Walker, le gouverneur du Wisconsin, la bête noire des Démocrates et des syndicats pour avoir osé, après son élection en 2010, enlever aux fonctionnaires de l’État la plupart de leurs droits de négociation collectifs et couper 1 milliard dans le budget d’éducation biannuel et 500 millions dans le budget de Medicaid. Walker avait eu droit à un « recall », c’est-à-dire un nouveau vote pour se faire réélire en 2012, et était l’un de ceux qui avaient pourtant attiré le plus de dons de tous les États-Unis, appelés par les Démocrates et les syndicats dans cette campagne 2014 pour le faire battre. Il a gagné avec plus de 5 points d’avance sur son adversaire.
On ne peut, en conclusion, que se demander si le grand parti Démocrate n’a pas besoin d’un aggiornamento qui lui fasse reconsidérer des thèses éculées comme celle des inégalités, un aggiornamento comme en avait réussi un Tony Blair avec le Labour Party au Royaume-Uni et comme tente visiblement de le faire en France Manuel Valls.