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Menaces sur le prix de l’electricite en France

par François Henimann
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Nous sommes menacés d’une décorrélation totale avec les coûts de production, et d’un subventionnement massif du développement du solaire et de l’éolien maritime !

Les prix de l’électricité en France sont une composante majeure du pouvoir d’achat des français et de la compétitivité des entreprises. Ils ont augmenté de 45 % entre 2021 et 2024, conséquence d’une crise énergétique ayant propulsé les prix de marché à des sommets en 2022, sous le double effet de l’envolée du prix du gaz et d’un déficit de production nucléaire et hydraulique.

Si le gouvernement a limité les effets pour les particuliers et les TPE en 2022, c’est au prix d’un bouclier tarifaire ayant coûté plus de 30 Md€ d’argent public en 2022 et 2023, et il n’a pu éviter un rattrapage des prix en 2023 et 2024. Les entreprises ont subi brutalement l’augmentation des prix de marché, bien que tempérée par la présence de 45 % d’électricité nucléaire dans leur facture (dispositif ARENH – Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique -, institué par la loi NOME – (Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité), et un dispositif amortisseur très partiel.

Le rapport de la Cour des Comptes publié en mars 2024 (Rapport public thématique Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, synthèse) présente un diagnostic sans appel : la double régulation amont (ARENH) et aval (TRVE – Tarif Régulé de Vente d’Électricité) ne permet pas d’obtenir des prix pour le consommateur reflétant les fondamentaux des prix de production nationaux (à plus de 80 % nucléaire et hydraulique) : sur la période 2022-2023, la facture globalement acquittée par les clients et les contribuables excède de 37 Md€ les coûts de production nationaux, la composante énergie excédant de 45 % ces coûts.

De son côté, le TRVE constitue une illusoire protection du consommateur, car son mode de calcul, basé à 55 % sur le prix de marché pour permettre aux fournisseurs de proposer des offres inférieures, fait qu’il représente un plafond du marché, comme l’a souligné UFC-Que Choisir : la part de marché du TRVE ne représente plus que 54 % en 2024.

Certes, les prix de l’électricité ont diminué de 15 % dès 2024 (le TRVE a suivi en février 2025) en raison de prix de marché à terme en France revenus à des niveaux proches des coûts de production (60 à 70 €/MWh), mais une double menace pèse pour l’avenir :

Le dispositif ARENH vient à échéance, et, à partir de 2026, le prix de l’électricité dépendra à 100 % des prix de marché, qui sont très sensibles à la volatilité des prix spots, et en particulier au coût marginal de la production des centrales au gaz. Il n’y aura plus aucun lien direct avec les coûts de production en France, avec pour seule protection un « versement nucléaire universel », issu du produit d’une taxe sur la production nucléaire d’EDF, appliquée au-dessus de niveaux excédant largement les coûts de production.

Le projet de PPE 3 (Programmation Pluriannuelle de l’Énergie 3) prévoit sur la période 2025 – 2035 un développement à marche forcée des productions solaires et éoliennes intermittentes, avec une multiplication par 3,5 de la production (de 70 TWh en 2024 à plus de 250 TWh), qui induit des charges gigantesques en terme d’investissements sur le réseau et de subventions publiques.

L’analyse réalisée pour l’Institut Sapiens (Contribution de l’Institut Sapiens à la mission parlementaire sur le prix de l’électricité, la compétitivité des entreprises et l’action de l’Etat – Sapiens ) montre que le prix de l’électricité, aussi bien pour les particuliers, que pour les entreprises, est exposé à une augmentation significative dans les prochaines années (horizon 2030 / 2035), de l’ordre de 25 à 30 %, ainsi qu’à un manque de visibilité, pour les raisons suivantes : 

Toutes choses égales par ailleurs, la fin du dispositif ARENH va provoquer une augmentation du coût de la composante énergie dans la facture des consommateurs de l’ordre de 20 %, sans pour autant procurer à EDF une garantie de prix permettant de financer à coût optimal les investissements de prolongation de la durée de vie du parc nucléaire et son renouvellement.

Le développement à marche forcée prévu dans le projet de PPE 3 des ENR intermittentes, qui n’offrent aucune sécurité d’alimentation mais ont priorité d’injection, va fragiliser le système électrique français, au détriment de la production du parc nucléaire, dont le coût complet de production unitaire va augmenter sensiblement. Il va de plus générer des augmentations très importantes du tarif d’utilisation du réseau (50 % par rapport au niveau de 2022) et de la taxe accise sur l’électricité (80 %).

Le rythme de développement des ENRi avec priorité d’injection sur le réseau, tel qu’il est programmé dans la PPE 3, génère de façon directe et indirecte une charge annuelle globale de l’ordre de 20 Md€ par an, se répartissant en 3 composantes de poids similaire : pertes de production nucléaire, dépenses réseau, et subventions par la fiscalité.

Face à cette situation, l’Institut Sapiens propose à la mission parlementaire sur le prix de l’électricité, la compétitivité des entreprises et l’action de l’État, dont les rapporteurs sont les députés Philippe Bolo et Maxime Laisney, les 2 orientations suivantes :

Réformer la loi NOME pour instituer, dans une loi NOME II, la production nucléaire centralisée d’EDF comme « bien public essentiel », afin que les consommateurs français bénéficient dans leur facture de sa compétitivité et de sa stabilité, en proportion de sa part dans le mix de production national. Cela suppose de corriger les défauts du système ARENH :

  • en instituant un prix régulé de cession qui soit représentatif, dans la durée (20 ans), du coût complet de production, investissements compris,
  • en modifiant les conditions d’accès pour les fournisseurs non EDF : obligation d’enlèvement des quantités souscrites, sécurisation hors nucléaire de leur sourcing  à long terme pour la fourniture de leurs clients.

Cette loi NOME II devra aussi intégrer les dispositions de nature à régler le conflit avec l’Union Européenne sur la mise en concurrence des concessions hydrauliques, en fonction des conclusions de la mission d’information parlementaire ad hoc.

Réviser le projet de PPE 3, pour ce qui concerne le développement des ENRi, en donnant la priorité au développement du nouveau nucléaire.

La France a déjà atteint, avec 25 GW de solaire et 25 GW d’éolien le seuil admissible d’insertion des ENRi avec priorité d’injection sur le réseau, et le développement futur de ces énergies doit s’opérer en fonction de l’augmentation de la consommation d’électricité et de sa flexibilité, sans aggraver le niveau de modulation de la production nucléaire.

Leur compétitivité réelle doit s’apprécier en intégrant le coût de leur intégration dans le système électrique causé par leur intermittence.

Les ENRi ne font économiser que le carburant des centrales pilotables nécessaires. Les ENRi coûtent plusieurs fois plus cher que le combustible nucléaire. En logique économique, il est absurde de ralentir les centrales nucléaires pour que les ENRi puissent injecter leurs productions variables.

Ces 2 orientations doivent permettre de stabiliser dans la durée le prix de l’électricité, et de créer les conditions pour un financement à coût optimisé des investissements dans le parc nucléaire (prolongation de durée de vie et renouvellement).

Leur mise en œuvre nécessitera une négociation avec l’Union Européenne, sur le volet de la réforme du marché de l’électricité (où le risque de position dominante d’EDF sera inévitablement mis sur la table par la Commission UE), ainsi que sur le volet de la décarbonation de l’énergie, où la France est légitime à imposer une neutralité technologique pour les moyens de production d’électricité décarbonée, en donnant la priorité au nucléaire et à l’hydraulique, le solaire et l’éolien venant en complément.

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3 commentaires

moulin juin 21, 2025 - 10:06 am

Les ENRi ne font économiser que le carburant des centrales pilotables nécessaires. Les ENRi coûtent plusieurs fois plus cher que le combustible nucléaire. En logique économique, il est absurde de ralentir les centrales nucléaires pour que les ENRi puissent injecter leurs productions variables.
Il est absurde de subventionner les machines Electriques captant les énergies intermittentes à des prix plus de 10 fois plus élevés que le combustible nucléaire. En France, seul l’usage privé ou entre voisins peut justifier d’investir en énergies intermittentes, pour économiser sur le prix « tarif » (à condition d’avoir tjrs accès au réseau quand ya pas de vent ou pas de soleil et que les batteries sont vides).
Mais les coûts « techniques » devraient avoir été compris par les Français à défaut des politiques et de ceux qui les manipulent.
Intelligence collective réveilles toi !

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RILEY Derek juin 21, 2025 - 12:38 pm

Si l’on veut investir dans le nucléaire, deux options :

1). Du cash flow grâce à un prix d’électricité suffisamment élevé et moins desubventions pour les renouvables,nui les pour l’électricitéde base;

2). Importer de centrales Chinoises, assemblées sur place. On perd la maîtrise de la technologie tout en pouvant vendre notre électricité au coût marginal, ce qui est bon pour le peu d’industrie qui nous reste et bien sûr pour les clients étrangers, notamment allemands.

Que voulons-nous ?

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Marc NOYELLE juin 21, 2025 - 5:08 pm

Les énergies intermittentes fonctionnent depuis des dizaines d’années et n’ont jamais été rentables.
On sait aujourd’hui qu’elles sont beaucoup trop chères et nuisibles à la qualité de l’électricité délivrée.
Il est grand temps de tirer les enseignements (retour d’expérience) et d’arrêter d’investir dans ces mauvais moyens de production pour se concentrer sur le nucléaire qui a fait ses preuves, malgré les déboires du chantier de Flamanville dont les causes sont maintenant bien connues.
Il est extrêmement regrettable d’avoir arrêté Fessenheim, mais vouloir redémarrer cette centrale en cours de démontage n’est pas réaliste. Il faudra cependant utiliser son site pour une nouvelle centrale nucléaire si c’est possible…
L’arrêt des nouvelles construction d’éoliennes permettra des économies qui se chiffrent en milliards d’€ !
Par contre, il faut tout faire, sans prendre de risque en matière de sûreté bien sûr, pour accélérer les études et les travaux des EPR décidés…

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