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Derrière le rapport Carré-Caresche

par Bernard Zimmern
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Le rapport présenté par les coprésidents de la MEC[[Un comité de la Commission des finances de l’Assemblée, la Mission d’évaluation et de contrôle]], Christophe Caresche et Olivier Carré, et adopté par la Commission des finances le 16 septembre, sur l’investissement productif de long terme, a fait un certain bruit. Il propose notamment de fusionner les deux incitations fiscales à la création d’entreprise, l’ISF-PME et l’Avantage Madelin, pour en faire une seule incitation mais en en relevant le plafond.

Le rapport Carré-Caresch a immédiatement suscité de la part de Bercy un réflexe qui peut paraître normal aux ignorants : dans l’état actuel du budget en considérable déficit, et dans le cadre de la lutte contre les « niches fiscales », Bercy recommande que l’État fusionne les deux incitations mais ne remonte surtout pas les plafonds et garde ainsi la réduction des niches pour diminuer son déficit.

C’est à peu près le même raisonnement qui est tenu par les responsables de Bercy depuis toujours et qui nous a menés au chômage massif que nous subissons.

Lorsqu’on leur dit : mais il n’y a pas de meilleur investissement pour le budget que de faire investir dans la création d’entreprises et qu’on leur montre comme nous l’avons fait que, par le jeu de la TVA sur le chiffre d’affaires créé, l’argent investi pas l’État rentre dans ses caisses en quelques mois, avant même d’en être sorti, ils répliquent que ce type de raisonnement est toujours utilisé par tous ceux qui veulent augmenter la dépense publique, et que le calcul de l’IRDEME ignore que les entreprises ainsi créées font disparaître d’autres entreprises et leur TVA, dont la perte n’est pas décomptée de notre calcul.

Pourtant les Britanniques, qui savent généralement compter, ont mis dès le départ de l’EIS, l’équivalent du Madelin, un plafond de déduction dix fois plus important ; et ils ont remonté plusieurs fois ce plafond, à chaque fois après de nombreuses études économétriques pour en vérifier l’efficacité. Et, en 2010, tout en nettoyant de leurs niches fiscales un nombre beaucoup plus élevé de niches que nous n’avons fait malgré un rapport de 2.000 pages de l’Inspection des finances, ils ont encore augmenté le plafond de leur EIS et l’ont passé à un million de livres.

Sont-ils fous ?

Un détail : le rapport de 2.000 pages de l’Inspection signalait qu’elle avait été incapable de trouver une évaluation quelconque de l’utilisation des niches fiscales ISF-PME et Madelin. Alors que le fisc britannique dispose et publie des informations très détaillées sur l’EIS, comme le nombre d’investissements par montant, le secteur industriel où il y a eu investissement, etc. informations qui n’existent apparemment pas dans les dossiers de Bercy.

En creusant, nous nous sommes aperçus que les conditions pour pouvoir bénéficier de ces niches britanniques étaient assez draconiennes, qu’il fallait prouver l’existence d’un risque industriel, preuve totalement inexistante dans la législation française. Ce qui nous a amenés à nous confier au conseiller fiscal du ministre du Budget de l’époque, François Baroin, et à faire introduire dans le PLF 2011 les premières restrictions sérieuses à l’octroi de ces avantages fiscaux.

Mais la DLF n’exerce toujours aucun contrôle sur les bénéficiaires de ces niches.

Alors que les Britanniques, dès 1994, ont monté un service spécialisé contrôlant l’usage futur de ces avantages fiscaux avant que les bénéficiaires n’en touchent le bénéfice.
Un service qui n’existe pas en France.

Nous pouvions en effet noter qu’en 2009, ces deux incitations conduisaient les Français à investir dans leurs entreprises environ 2 milliards d’euros pour un coût fiscal d’un milliard, alors que les Britanniques réussissaient à faire investir 1 milliard de livres mais avec un coût fiscal de 150 millions de livres, le quart du coût français[[En 2009, nous avions donc 135.000 contribuables déduisant l’avantage Madelin et 100.000 déduisant l’ISF-PME pour des montants ridiculement faibles (6.500 et 9.000 €) pour un coût total budgétaire d’un milliard. La même année, les Britanniques dépensaient 4 fois moins, avec pourtant des plafonds 10 à 20 fois plus élevés. Mais ils n’avaient que 11.000 bénéficiaires, pour un montant moyen d’environ de 100.000 € par contribuable et pouvaient se targuer de créer 2.000 gazelles de plus avec 600.000 livres de capital]], avec un résultat pour l’emploi quatre fois meilleur en créant deux fois plus de gazelles[[Entreprises nouvelles à forte croissance.]] et 200.000 emplois nouveaux contre 50.000 chez nous. Au total, une efficacité de l’argent public 8 fois plus élevée en termes d’emplois.

Les Britanniques ont remonté leur plafond de déduction à 1 million de livres et nous en sommes restés, malgré nos efforts et ceux de l’ex-député Nicolas Forissier, à 50.000 et 100.000 euros, 10 à 20 fois moins.

De la création d’emplois d’un côté, de la « défisc » de l’autre.

Est-ce parce qu’il est plus simple de mettre un plafond ridiculement bas à l’avantage fiscal et de ne pas avoir à se préoccuper de savoir comment il est utilisé ?

L’interrogation de départ était : le bénéfice de la fusion des deux incitations doit-il servir à réduire le déficit fiscal ou à augmenter le plafond de déduction.

La vraie alternative n’est-elle pas entre conserver des incitations sans en contrôler l’usage, ou mettre en place des incitations beaucoup plus élevées, qui incitent vraiment, et un contrôle préalable de la DLF qui évite les défiscalisations mais également engage l’administration[[Pour éviter d’avoir à faire une demande d’agrément –rescrit- qui peut exiger des années, on pourrait proposer un statut de Jeune Entreprise de Croissance, accepté ou refusé par l’administration à la création.]]?

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