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Les Assises de la fiscalité ratent la cible

par Dominique Mercier
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Afin de relancer l’emploi, l’exécutif s’est résolu à mettre en œuvre des baisses de charges pour les entreprises existantes. Après le CICE et le pacte de responsabilité, c’est maintenant une baisse de la fiscalité de l’ordre de 8 milliards d’euros qui serait accordée aux entreprises. Si la mesure ne peut qu’être saluée, elle occulte une des raisons essentielles de l’asphyxie de nos entreprises : un retard en emplois privés de 4 à 7 millions comparé à nos voisins britanniques et allemands.

Depuis plusieurs décennies, la France a fait le choix d’un certain modèle social, ce modèle venant justifier des prélèvements obligatoires importants sur l’économie. Ce taux de prélèvement est le fait de deux choses :

– le niveau des dépenses publiques au numérateur ;
– le niveau de la production de richesse par les entreprises au dénominateur.

Le modèle français n’est pas nécessairement condamné mais il suppose donc deux conditions qui n’ont pas été respectées jusqu’alors :
– des audits de performance de toutes les administrations avec mise en responsabilité de leurs directeurs, afin de diminuer le numérateur ;
– une création de richesse suffisamment importante au dénominateur.

Ceci peut ressembler à un paradoxe, mais un secteur public étendu n’est possible que si le secteur privé est lui-même très étendu, avec une production de richesse d’autant plus importante pour le financer. A cet égard, les médias ne mentionnent jamais le cœur du problème : à population égale, nous avons 4 millions d’emplois privés de moins que le Royaume-Uni et 7 millions d’emplois privés de moins que l’Allemagne[[Ce chiffre est obtenu est soustrayant l’emploi public de l’emploi total.]]. Or, 4 à 7 millions de producteurs de richesse en moins, c’est autant de personnes manquantes pour financer notre dépense publique.

Cette situation n’est pas nouvelle mais existe au contraire depuis plus de 15 ans comme le montre le graphique suivant[[Les chiffres sont légèrement différents de ceux annoncés en introduction car ici les emplois publics qui ne sont pas pour autant des fonctionnaires (ex : enseignants du privé sous contrat…) n’ont pas été retraités.]] :
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Source : Eurostat, ONS, Destatis, INSEE

Sans surprise, notre retard en emplois privés a des conséquences sur le PIB marchand, c’est-à-dire sur la valeur ajoutée des entreprises. Entre 2008 et 2011, les entreprises britanniques et allemandes ont produit en moyenne chaque année respectivement 15% et 20% de richesse de plus que nous[[Valeurs ajoutées au coût des facteurs. Soit en valeur absolue réelle 1.285 milliards d’euros pour l’Allemagne, 952 milliards pour le Royaume-Uni et 861 milliards en France en moyenne sur la période.]]. Étant donné le redressement économique post-crise comparablement meilleur de nos voisins, cet écart est vraisemblablement encore plus important aujourd’hui[[Cet écart reste légèrement moins important que l’écart en emplois car la valeur ajoutée par salarié en France est plus élevée que la valeur ajoutée chez nos voisins (données Eurostat). Ce résultat parait logique si l’on considère que ce sont les personnes les moins productives qui sont en dehors du marché du travail en France.]]. La comparaison sur l’excédent brut d’exploitation – c’est-à-dire après paiement des impôts sur la production ainsi que des salaires – vient encore accentuer l’écart avec nos voisins. A population égale, l’EBE des entreprises françaises est pratiquement moitié moindre que celui des entreprises britanniques ou allemandes :

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Source : Eurostat

Après prise en compte des charges et produits financiers et exceptionnels, puis de la participation et de l’impôt sur les sociétés, on obtient la capacité d’autofinancement des entreprises. Sur 10 ans, ce sont autour de 1 000 milliards d’euros d’autofinancement qui ont manqué à nos entreprises[[Attention le champ est légèrement différent du champ sur l’EBE, puisque les entreprises individuelles ne sont pas incluses.]] :

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Note : les valeurs sont ici à populations réelles.
Source : Eurostat

Nous voyons ainsi dans ces différents chiffres que notre production de richesse est plus faible et que cet écart est aggravé par les prélèvements successifs. Ces deux effets combinés expliquent un taux de prélèvement obligatoire sur les entreprises françaises de l’ordre de 18% du PIB, contre seulement 12% et 10% en Allemagne et au Royaume-Uni :

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Source : baromètre 2012 de l’Observatoire Européen de la Fiscalité des Entreprises.

Si le geste fiscal du gouvernement est le bienvenu, il ne s’attaque donc qu’à une petite partie du problème, d’une part en termes de montant mais également en termes de démarche. Comme cela a été montré par une étude Irdeme, ce ne sont pas en effet les entreprises existantes qui en moyenne créent de l’emploi mais les entreprises nouvelles. Ainsi, ces mesures ne permettront, au mieux, que de sauvegarder de l’emploi, pas d’en créer. A ce titre, il n’est pas étonnant que les organisations patronales se soient révélées incapables de mesurer l’impact en créations d’emplois du pacte de responsabilité, il y a quelques semaines.

Il faudrait augmenter, on l’a vu (graphique sur l’autofinancement) d‘environ 100 milliards les résultats des entreprises françaises pour les mettre à parité avec les anglaises. Le CICE apparaît ainsi comme une goutte d’eau. Il serait infiniment plus efficace pour la France de consacrer nos maigres ressources budgétaires à créer davantage de startups. Les études Irdeme ont en effet montré que l’apport initial en capital nécessaire à la création d’un emploi dans une entreprise nouvelle se situe entre 20.000 et 30.000 euros par salarié ; il suffirait donc d’environ 3 milliards d’euros pour créer 100.000 emplois de plus par an, et donc, pour le budget de l’État, de 1 à 1,5 milliard d’incitations fiscales bien dirigées comme l’EIS anglais Tous les calculs économiques montrent qu’il coûterait considérablement moins cher à l’État d’encourager fiscalement la création d’emploi par les entreprises nouvelles que de financer le maintien de l’emploi dans les entreprises existantes.

Au vu de notre déficit énorme d’emplois privés et de notre dette publique, la mise en œuvre d’une politique pro-startups n’est pas une option, elle est une nécessité.

 

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2 commentaires

BAUER mars 31, 2014 - 11:43 am

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Il y a une coquille dans le chiffre du manque d’autofinancement des entreprise françaises sur 10 ans qui doit être d’environ 1200 à 1500 milliards d’euros! JFB

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Dominique mars 31, 2014 - 12:02 pm

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Coquille corrigée, merci!

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