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General Electric Belfort,

par Bertrand Nouel
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General Electric, héritier d’Alstom, vient d’annoncer la suppression de 1.045 postes en France, dont 991 sur le seul site de Belfort, essentiellement au sein de l’entité turbines à gaz qui emploie 1.900 personnes (sur les 4.300 salariés GE de Belfort).

Notre ministre se précipite alors courageusement à Belfort pour rencontrer élus locaux et syndicats. Longue rencontre, qui se conclut par la déclaration que 1.045 postes, « c’est trop » et inacceptable, que l’Etat va négocier avec GE pour faire baisser ce chiffre, et d’autre part pour envisager une reconversion du site, en demandant à GE d’investir et en promettant que la France investirait à égalité au côté de GE : si GE met 10 millions, l’Etat mettra 10 millions, si GE met 25 millions, alors l’Etat apportera 25 millions, a-t-il dit. Ces sommes pourront provenir de l’indemnité de 50 millions d’euros due par GE pour ne pas avoir respecté son engagement (pris en 2015 lors de l’achat de l’activité turbines à gaz d’Alstom) de créer 1.000 emplois. Le ministre est donc résigné à la suppression d’emplois, la seule question étant d’en évaluer le nombre.

A première vue, il est déjà étrange de proposer à une entreprise à qui l’on a vendu une activité et que l’on vient de sanctionner pour non-respect de ses engagements, de lui proposer un partenariat en la finançant grâce aux pénalités reçues. Cela fait quand même désordre et incohérence. D’autant plus quand le ministre réagit à l’annonce du plan social en commentant par un simple « c’est trop », signifiant que dans son principe ce plan social de licenciements est justifié, ce qui justifie à plus forte raison aussi l’absence de création d’emplois ayant pourtant motivé la sanction…

Il y a autre chose qui gêne, qui ne fait apparaître notre ministre que comme un gentil soldat armé d’un sabre de bois. GE a acheté en 2015, la division Alstom en question pour plus de 12 milliards d’euros, ce à la barbe de Siemens. Affaire conclue par Emmanuel Macron, ministre des finances à l’époque. Bonne affaire pour la France ? Financièrement oui, pour le reste on en débattra éternellement, faute de savoir ce que l’achat par Siemens aurait donné. Mais pour GE, cela s’est traduit par une catastrophe : deux présidents américains y ont laissé leur poste en deux ans, la chute en Bourse a été vertigineuse (de 600 milliards de capitalisation dans les années 2000 à 82 milliards, et 44% de chute depuis le début de cette année), l’usine américaine produisant les mêmes turbines que Belfort a perdu 34% de ses effectifs, les filiales britannique, allemande et suisse[[En Suisse, il s‘agit de filiales d’Alstom, ce qui a conduit à des commentaires peu favorables à la France, et le média suisse « Les Observateurs » à titrer « Merci Macron » « Vous aimez la mondialisation : votez Macron » !]] ont chacune perdu entre 1.000 et 1.500 emplois avant même que la France ne soit touchée, le troisième trimestre 2018 de GE s’est soldé par une perte de 22 milliards de dollars, cependant que la dette de GE s’élève à 115 milliards de dollars et qu’il faut urgemment la diminuer… excusez du peu[[Ce qui, en passant, réduit à néant les accusations syndicales et autres prétendant fustiger l’égoïsme américain (« America first »).]]. L’initiative de Jeff Immelt, le président de GE responsable de l’acquisition d’Alstom, remercié en 2017, s’est effectivement révélée désastreuse, faute d’avoir anticipé l’effondrement du marché des turbines à gaz (même si cet effondrement n’est que temporaire).

Devant les sommes en jeu, des dizaines de milliards, comment ne pas trouver dérisoire la proposition de Bruno Le Maire de cofinancer à hauteur de quelques dizaines de millions un partenariat GE- Etat français pour sauver les emplois du site de Belfort ? Peut-on penser que GE, entreprise américaine, acceptera de se lier par un nouveau partenariat en France, qui plus est avec l’Etat français, alors que sa préoccupation prioritaire est de se débarrasser d’investissements européens désastreux ? Est-il raisonnable pour l’Etat français de se lancer dans un tel partenariat ? De penser que quelques dizaines de millions peuvent suffire à reconvertir un site pour occuper un millier d’employés ?

Une fois de plus le gouvernement répète le schéma français habituel, dont il fait actuellement usage à Blanquefort avec Ford. Ford fermera ce site fin août, après avoir obtenu en mars la validation de son plan social (très généreux), qui concerne 850 salariés. Et, comme à Belfort, l’Etat demande, et a obtenu, le versement de 20 millions d’euros pour la réindustrialisation du site. Quelle crédibilité cette somme peut-elle apporter à l’Etat lorsqu’il s’agit de réindustrialiser un site pour plusieurs centaines d’employés ?

Autre exemple, New Look France, filiale du groupe britannique d’habillement, en redressement depuis mars et bientôt en liquidation avec licenciement de ses 400 employés français. Alors que l’Etat n’y est strictement pour rien, le comité d’entreprise et les syndicats mettent en cause la responsabilité de l’Etat au prétexte qu’« il n’a pas bougé » après avoir été alerté, et que les salariés et l’Etat ne doivent pas être « les dindons de la farce » des choix stratégiques d’un groupe anglais qui a « un fonds d’investissement sud-africain derrière lui » et a touché « plus d’un million d’euros de CICE » (??)

Ainsi se referme sur l’Etat le cycle infernal qui le met en cause : l’Etat fait ce qu’il peut pour attirer les capitaux étrangers, avec un succès certain puisque la France vient de se voir décerner le second prix d’attractivité européen. Ce qui induit évidemment la dépendance à l’égard du marché international, dont il faut accepter les sujétions. L’Etat français n’a évidemment pas la puissance suffisante pour en contrecarrer les effets négatifs lorsqu’ils se produisent. Nous vivons dans un monde capitaliste dont nous ne voulons pas accepter les règles. Nous ne parvenons décidément pas à sortir de cette contradiction.

 

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1 commenter

zelectron juin 14, 2019 - 3:53 pm

Kron et les hommes politiques n’ont jamais rien compris à l’industrie
Patrick Kron, PDG de cette entreprise: d’erreurs en mauvaise gestion, de fuites en abandons, de plans de sauvegarde en objectifs illusoires, de faux-semblants en lâchetés, de reculades en indécisions, de couardises en trahison, il aura tout fait; mais rassurez vous sa bio est flatteuse, peut-être légèrement dithyrambique ? Qui se souvient d’Ambroise Roux et sa CGE avec 145 000 salariés ?

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