MACRON « ACTE 2 »,

par Hervé Gourio
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● 1ère partie ●

La question de l’étatisme

La France, fille aînée de l’étatisme

Unique en son genre, la France est le seul grand pays démocratique à être depuis très longtemps en proie à l’étatisme. C’est-à-dire que les politiques publiques et même le Bien Commun, objectif suprême de l’action politique, y sont définis, pour l’essentiel, par une technostructure émanant directement ou indirectement de la haute fonction publique.
La sanction régulière du suffrage universel est chez nous périodiquement complétée par des manifestations populaires, d’opposition plus souvent que d’approbation, à caractère sommaire. Des décisions supposées intelligentes tombées du ciel se heurtent à des slogans. Ce mode de gouvernement est évidemment responsable de la mauvaise santé de notre pays.

La France est unique en son genre

Ailleurs, les décisions gouvernementales ou législatives, résultent de débats et confrontations permettant une synthèse ou un compromis entre intérêts et opinions divergents. Regardons autour de nous : les partis politiques consciencieux combinent des projets conformes à leurs objectifs pour former des coalitions parlementaires ; des arbitrages explicites sont négociés entre forces économiques et gouvernements dans les social-démocraties ; une répartition des compétences claire entre pouvoirs central et régional est respectée dans des organisations fédérales ; le fonctionnement efficient des marchés est contrôlé, exploité et non pas entravé par un gouvernement touche-à-tout. Summum de l’antiétatisme, la Suisse, aux « antipodes » de la France si proche, cumule tous ces types de freins à une action gouvernementale « à la française ». Avec un succès éclatant.

Rares brèches dans l’étatisme

Le corset de l’étatisme a certes craqué aux entournures quelques rares fois sous la Ve République. La circulaire Fontanet de 1960 a bouleversé la province française. En 1984, le système financier échappe à la tutelle formelle de l’Etat à l’initiative du ministre Bérégovoy et de ses collaborateurs. Surtout, la politique européenne de concurrence protège la liberté de fonctionnement des marchés, au demeurant régulés.
Mais, le reste du temps, la continuité politique et sociale a été frappante en France : de quels changements de frontières entre l’Etat et la société civile peuvent bien se prévaloir les 4 ou 5 derniers présidents ?

L’ébranlement de l’étatisme, c’est maintenant !

Une acceptation populaire exceptionnelle

Nos voisins ne s’étonnent plus du fonctionnement atypique du gouvernement français – il est si ancien ! – mais on entend bien rarement souhaiter que notre exception étatiste soit copiée chez eux, ou subrepticement introduite à Bruxelles. Tout au contraire, cet état de choses a été longtemps bien accepté par nos concitoyens qui, étrangement, s’accommodent de la sous performance économique du pays et d’un État providence financé à crédit.
Jusqu’à présent au moins, car on ne peut considérer comme nuls et non avenus le dégagisme de 2017 et le mouvement des gilets jaunes.

Un premier choc, le dégagisme de 2017

L’élimination au 2ème tour des candidats des 2 partis qui ont alterné au pouvoir depuis 1974, au moins, montrait que nos concitoyens ne pensaient plus que le remplacement de « la gauche » par « la droite » était attrayant. Elles partagent le même handicap d’inefficacité auquel il faut bien donner un nom : nos concitoyens ont exprimé que remplacer un étatiste de gauche par un étatiste de droite ça n’était pas la peine assurément…
Le candidat Macron a clairement promis de déployer une compétence administrative attestée par ses diplômes pour dompter le monstre. Après tout, ministre réformateur, il avait déréglementé les autocars et les notaires et renâclé devant des réformes trop timides de ses collègues. Loin de se proclamer libéral, il endossait, dans son livre programme « Révolution », les idées « blairistes » de la « 2ème gauche » rocardienne. On pouvait, au minimum, espérer un air frais et un personnel renouvelé. Et Macron l’emporta, premier choc contre l’étatisme traditionnel.

Les gilets jaunes anti-étatistes

Le mouvement des GJ a, lui, touché un point névralgique de la société française. La révolte contre des mesures bureaucratiques insupportables pour une catégorie limitée et assez bien identifiée de Français, a été approuvée majoritairement dans les sondages pendant plusieurs semaines, au moins aussi longtemps que la violence est restée exceptionnelle. Pour la première fois, le modèle de gouvernement autoritaire de la Ve République a perdu la bataille de l’opinion. Ce qui n’était jamais arrivé, même en mai 1968. Le système étatiste a été ébranlé. L’ampleur de la réaction du gouvernement a été à la mesure du choc (mesures financières d’urgence et grand débat).
Pourtant, l’embarras général pour caractériser un mouvement sans précédent est troublant. Les motivations initiales étaient claires : alourdissement des taxes, discours éthérés rejetés car loin d’apporter des remèdes aux attentes de citoyens ordinaires, référendum d’initiative populaire pour court-circuiter les processus de décision en vigueur, appel au départ des plus hauts responsables.
Ce rejet de l’étatisme dans ses composantes essentielles n’a pas été identifié comme tel ! Symptôme de la myopie française sur ce point, aucun acteur politique ne s’est proposé de focaliser l’action de ces nombreux révoltés contre la mainmise de l’Etat (et de la haute fonction publique) sur tous les processus de gouvernement.
On les a laissé dériver sans chercher à éteindre les feux originaux. Et nous avons sagement attendu, comme au spectacle, la réponse de l’exécutif.

Macron Acte 2. Sauvetage de l’étatisme

Combler les voies d’eau en reculant le moins possible

Il fallait d’urgence corriger certains défauts éclatants.
Cela a commencé par le grand débat. En vérité, pour parler clair, c’est plutôt un mélange de cahiers de doléances d’Ancien Régime et de town hall meetings si typiques de la démocratie américaine où le leader répond à toutes les questions des citoyens. Grand défouloir indispensable pour démentir de façon monumentale que « le pouvoir » n’écoute pas « le peuple ».
Pas de doute il a écouté ces paroles bien désorganisées et donc difficiles à entendre. La conférence de presse conclusive du président en a apporté la preuve. Les centaines de milliers de suggestions venant des participants ont moins d’intérêt que la poursuite des réformes de fond que le gouvernement avait dû suspendre pendant le débat. Ainsi de la réforme constitutionnelle déjà concoctée qui réapparaît pratiquement sans une retouche.
Puis on a rogné les angles les plus aigus des mesures les plus insupportables sans les abolir pour autant. L’Etat n’a pas reculé. Le président a juste promis de faire preuve d’humanité, étrange aveu. Comme si ce n’était pas le devoir de tout gouvernement, hors circonstances exceptionnelles justifiant le sang et les larmes.
On a coupé la tête à un totem : l’ENA sera supprimée au nom de son inadaptation au monde où elle intervient et de l’origine sociale de ses élèves, pas du clanisme qu’elle instaure, ni de sa prétention abusive à la supériorité intellectuelle.
On baissera un peu les impôts des classes moyennes en réduisant les niches fiscales des entreprises, donc à leurs frais, à contre-courant des mesures pro-entreprises de Macron 1 et en leur demandant de soutenir l’action du gouvernement.

Quintessence de l’étatisme

Au total, il n’est pas question de changer d’orientation ni évidemment de maître d’œuvre. L’exécutif sait mieux que quiconque ce qu’il faut faire pour réussir le quinquennat.
Au lieu de desserrer l’étreinte asphyxiante on prévoit d’ajouter de nouvelles couches étatistes. Si l’on identifie une catégorie oubliée dans un angle mort (les mères célibataires), elles auront droit à un pack de mesures pour elles.
La bureaucratie est complexe. Il faudra dans chaque canton un bureau pour expliquer sa grande sagesse. Pas de mécanisme bottom-up pour ajuster les projets localement. Peut-être un jour un nouvel acte décentralisateur y pourvoira. Mais sans attendre il faut quadriller le pays avec des antennes polyvalentes de l’Etat, comme le fit Jules Ferry avec les écoles primaires.
Et le rituel infernal se répète : un problème politique appelle une nouvelle loi, puis un nouveau conseil, une nouvelle agence ou administration et enfin, de nouvelles dépenses donc de nouveaux impôts. Bien sûr, cela impose de renoncer sans attendre à un plan annoncé urbi et orbi de réduction du nombre de fonctionnaires.

Vers un Macron 3 efficace ?

On ne peut se résoudre à un tel contresens de la part d’un homme intelligent qui vient d’exprimer quelques regrets.

À suivre…

>> 2ème partie

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1 commenter

zelectron mai 8, 2019 - 9:18 pm

Cf Benito Mussolini :
Tout dans l’État, rien contre l’État, rien en dehors de l’État

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