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Réforme de l’ONS : à quand celle de l’INSEE ?

par Dominique Mercier
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Une commission parlementaire britannique a récemment épinglé le Bureau de la Statistique Nationale d’outre-manche, dont la qualité des données serait à revoir… Quand on connait la qualité encore plus médiocre des données de l’INSEE, on peut à juste titre se demander quand surviendra enfin une prise de conscience similaire en France.

Un député britannique[[Président de la Commission parlementaire rattachée au Trésor]] a récemment attaqué la qualité de données produites par l’ONS, affirmant que les statisticiens officiels du Royaume-Uni « notaient eux-mêmes leurs devoirs depuis des années ». Pour lui, les données ne sont pas au niveau des standards européens, compromettant les décisions politiques, basées sur des chiffres « ineptes». Le député espère ainsi que le rapport sur le sujet, préparé par l’ancien vice-gouverneur de la Banque d’Angleterre, sera l’occasion d’une grande réforme.

Cette petite incursion dans la vie politique britannique est en fait l’occasion de se poser ou reposer la question pour la France. Car une enquête honnête sur la France donnerait des conclusions pires encore que pour le Royaume-Uni. Les statisticiens britanniques « noteraient eux-mêmes leurs devoirs » … mais qui note les statistiques françaises produites par l’INSEE ?

Ainsi que l’expliquait un rapport parlementaire de 2008[[Rapport d’information déposé par la mission d’information commune sur la mesure des grandes données économiques et sociales et présenté par M. Hervé Mariton, député.
http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i0815.asp]] : « L’INSEE fait figure d’exception [en Europe] puisqu’il s’agit d’une administration placée sous la tutelle du ministère de l’Économie quand les instituts statistiques européens sont des instances autonomes. » Ce rapport ajoute ainsi que « son indépendance n’est ni inscrite dans le droit, ni garantie par un organe externe de contrôle et de conseil » et que donc l’INSEE fait l’objet d’un contrôle externe quasi inexistant.

C’est pour cette raison qu’a été instituée en 2008 une « Autorité de la statistique publique » censée contrôler l’INSEE, assurer la pertinence de ses données et son indépendance. Mais si l’on regarde la situation de près, on constate que cette modification est de l’esbroufe. En effet, cette Autorité est localisée à… l’INSEE. A juste titre, un statisticien économiste[[Stéphane Jugnot, https://www.mediapart.fr/tools/print/97032]] se demande également quelles sont les marges de manœuvre possibles pour une instance dépourvue de pratiquement tout moyen en dehors de ses neuf membres, lesquels non professionnels de la statistique et ayant d’autres activités. Comme il le fait remarquer, les statisticiens de l’INSEE ne sont même pas habilités à saisir l’Autorité des manquements qu’ils constateraient ou des pressions qu’ils subiraient.

On peut aussi ajouter à cela que le monde de l’entreprise manque cruellement à ce comité constitué de sept hauts fonctionnaires, d’un syndicaliste et de seulement un membre issu du privé. On peut émettre des doutes sur le fait que ces hauts fonctionnaires puissent en venir à critiquer vertement leurs camarades de l’INSEE, restés d’ailleurs entièrement dépendants du ministère des Finances, à l’inverse de l’ONS britannique qui a su se réformer.

Quant à la qualité des données publiées par l’INSEE par rapport à ses homologues européens, on peut là aussi être prudent quand on constate la pauvreté des données statistiques françaises dans le domaine économique. L’INSEE par exemple ne donne pas le nombre d’emplois privés en France et elle est incapable de donner les disparitions annuelles d’entreprises, ainsi les fichiers annuels du stock d’entreprises ne sont pas à jour.

De la manière la plus ironique du monde, les données les plus intéressantes se trouvent en fait sur Eurostat, mais sans se trouver nulle part sur le site de l’INSEE et donc sans que l’on ait connaissance de la méthodologie ayant permis de les produire. C’est le cas par exemple des statistiques sur les jeunes entreprises de forte croissance, des créations d’emplois par les entreprises nouvelles ou la destruction par celles qui ont fermé.

Pour éclairer les politiques publiques, il serait en outre nécessaire de faire un suivi dans le temps des entreprises grâce à des séries dites « longitudinales » où l’on connaît l’évolution de chaque entreprise, pour les agréger ensuite et en tirer de vraies analyses. D’après les responsables de l’INSEE ce suivi est possible néanmoins ils expliquent que cela leur prendrait trop de temps…

En réalité c’est une question de choix puisque l’INSEE, forte de ses 6.000 agents, nous fournit beaucoup d’informations bien moins importantes, comme la représentation des femmes dans le métier du sport en Lorraine ou le pourcentage de Français qui possèdent un micro-onde. On constate par ailleurs qu’à l’inverse de ses homologues européens, l’INSEE ne se concentre pas sur la collecte des données mais réalise également des études. Malheureusement elles sont essentiellement descriptives, et du fait de la pauvreté des données, elles n’apportent aucune réponse sur les sujets économiques fondamentaux.

La devise de l’INSEE est « Mesurer pour comprendre ». Mais mesurer quoi pour comprendre quoi ?

 

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2 commentaires

V.Vodarevski mars 13, 2016 - 6:27 pm

Le problème, c'est le point de vue.
Je pense que les données de l'INSEE sont bien construites. Le problème est le point de vue. Le choix de mesurer certaines choses et pas d'autres. La présentation. Ceci dit, c'est le cas de toutes les statistiques en économie. Elles ont été construite après la seconde guerre mondiale sur la base du keynésianisme. C'est ainsi que la demande est scrutée avec attention. Aux USA, la Fed a stoppé la publication de l'évolution de M3. Heureusement, CD pays est assez grand pour pouvoir financer des stat indépendantes.

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Gilbert CLARET mars 14, 2016 - 12:08 pm

Réforme des l'ONS. A quand la réforme de l'INSEE?
Vous avez déjà attiré l'attention de vos lecteurs, il y a quelques années, sur les insuffisances de l'INSEE et sa quasi soumission à l'administration. L'absence de véritable indépendance d'un établissement national des statistiques en France et la possibilité pour des gouvernants ou des groupes de pression de le manipuler dans l'ombre sont choquantes.
La situation ne s'est donc pas amélioré et il est inquiétant de constater que bien peu de personnes politiques et pratiquement aucun grand média de la presse écrite, radiophonique ou télévisuelle ne soulève la question, à ma connaissance, des insuffisances manifestes de l'INSEE.
En tous cas, merci à vous de nous permettre de garder les yeux ouverts.

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