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Réaction à la Banque Publique d’Investissement

par admin
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La conséquence de la création d’un puissant organisme de financement public est connue. De nombreux Etats américains ont tenté cette voie de développement et cette démarche a été analysée et décrite dans l’ouvrage de Josh Lerner « Boulevard of Broken Dreams ». La traduction du chapitre 9 de conclusion est téléchargeable (lien ci-dessous) résume assez bien l’ensemble du livre.
D’une manière générale, le livre établit une double règle subtile en matière de développement d el’innovation : Rien ne se fait sans l’Etat (en réalité, sans la commande publique), mais rien ne se fait sous la seule direction de l’Etat.

Traduction du chapitre 9 du livre de Josh Lerner (Boulevard of broken dreams)

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LEÇONS ET PIEGES

Les récits et les analyses des chapitres précédents ont des conséquences importantes pour tous ceux qui cherchent à promouvoir le capital-risque et l’esprit d’entreprise de haut potentiel, qu’ils soient fonctionnaires gouvernementaux, chefs d’entreprise locaux, ou simples citoyens. Bien que dans la plupart des cas, ce livre témoignage parle de ce qu’il ne faut pas faire, il contient aussi de nombreuses propositions concrètes.

Dans ce dernier chapitre, je vais mettre en relief les conséquences des précédents chapitres. Je vais aussi discuter des nombreux programmes et propositions faites pour développer l’entreprenariat et le capital-risque, qui sont moins compatibles avec les principes énoncés dans ce livre ; et je vais expliquer pour quelles raisons, ils sont inconsistents.

I – LES REGLES D’OR FONDAMENTALES :

Il existe des règles fondamentales qui, si elles sont respectées, faciliteront l’épanouissement d’un entreprenariat local et d’une activité de capital-risque.

1 – Garder à l’esprit que l’entreprenariat n’existe pas dans le vide

Les entrepreneurs sont totalement dépendants de leurs partenaires. Sans juristes expérimentés capables de négocier des accords, des experts en marketing et des ingénieurs expérimentés, qui acceptent de travailler pour de modestes salaires et une poignée de stocks options, et des consommateurs qui veulent bien donner sa chance à une jeune entreprise, il est peu probable de réussir. Mais, en dépit de l’importance de l’environnement, dans de nombreux cas les fonctionnaires gouvernementaux distribuent de l’argent sans penser aux autres obstacles que vont rencontrer les entrepreneurs. Dans quelques cas, des aspects cruciaux de l’environnement entrepreneurial peuvent paraître secondaires : par exemple l’importance de marchés publics solides pour des jeunes entreprises est un stimulant du capital-risque[[voir le chapitre 5 du livre]]. Singapour fournit un bel exemple d’un pays qui a pris une vue d’ensemble et a traité non seulement l’apport en capital, mais aussi les autres composants nécessaires pour créer une zone efficace dans laquelle les entrepreneurs peuvent évoluer.

2 – Tirer parti de la base locale de recherche

Une condition préalable à l’entreprenariat mérite une mention spéciale : dans de nombreuses régions du monde, il y a une inadéquation entre une faible activité entreprenariale et de capital-risque d’une part et le niveau scientifique et l’effort de recherche. Le rôle des bureaux de transfert de technologies est critique. Des bureaux efficaces ne se contentent pas de licencier des technologies, mais se préoccupent aussi de former les chercheurs-entrepreneurs et de les présenter aux investisseurs en capital-risque. Il est essentiel de renforcer les capacités de transfert de technologies des bureaux locaux et de former au processus de développement d’une nouvelle entreprise, les chercheurs-entrepreneurs et le personnel des bureaux. Beaucoup trop souvent, les bureaux de transfert de technologies sont incités à maximiser le retour immédiat des cessions de licences. Cela conduit à mettre l’accent sur les transactions avec les sociétés préétablies qui peuvent payer des avances substantielles, alors qu’une licence à une start-up aurait pu augmenter les ressources à long terme, à la fois pour l’institution et la région. Il est important que les décideurs politiques réfléchissent à la manière dont le transfert de technologies est réalisé, aux incitations mises en place et à leurs conséquences.

3 – Respecter le besoin de conformité aux standards mondiaux

Il est normal de vouloir se fonder sur des approches long terme en matière de réglementation boursière et d’impôts. Dans de nombreux cas, ces approches ont évolué en fonction de problèmes spécifiques et ont démontré leur efficacité. Néanmoins, il y a de bons arguments pour adopter le standard mondial de fait. Les investisseurs institutionnels mondiaux seront probablement découragés si les partenariats habituels et les structures des actions de préférence ne peuvent pas être employés dans un pays. Même si une alternative parfaitement efficace existe, ils pourront ne pas vouloir consacrer le temps et les ressources pour la comprendre. A moins d’être la Chine –où les investisseurs mondiaux se sentent obligés de maîtriser le système, quelle que soit sa complexité, en raison de l’importance des opportunités de ce marché- les décideurs politiques doivent autoriser les transactions qui sont conformes aux modèles considérés comme les « meilleures pratiques ».

4 – Laisser le marché donner la direction

Le Yozma programme d’Israël et le Fonds d’amorçage de la Nouvelle Zélande, sont deux réussites. Bien que ces programmes soient différents dans la pratique (le premier était orienté vers la venue d’investisseurs étrangers en capital-risque, le second encourageait les fonds locaux de capital-risque), ils partageaient une caractéristique essentielle : ils utilisaient la technique des fonds partenaires pour décider de l’utilisation des aides publiques. Dans l’utilisation du marché pour orienter leurs actions, les responsables politiques doivent respecter certains points :

– Progressivité : L’identification des sociétés et fonds partenaires ne sera pas immédiate. Plutôt que de vouloir trouver immédiatement des douzaines de partenaires, les programmes ne doivent financer au début qu’une poignée d’entités. Lorsque les retours arriveront des premiers participants, un second puis un troisième tour d’investissement en capital pourront être réalisés tandis qu’on pourra se renforcer dans les premiers partenaires.

– Partenariat avec les fonds privés : Ces initiatives ne doivent pas entrer en compétition avec des Fonds privés, ni servir à financer des sociétés qui ne trouvent pas de financement privé. Pour obtenir un effet d’accélération du succès, les programmes nécessitent qu’une part substantielle des fonds provienne du privé.

– Excellence : Dans la sélection des Fonds d’investissement partenaires, il faut attirer les Fonds de haut niveau. Une région peut attirer des Groupes solides par des activités dans lesquelles elle a une réelle force.

– Dans le même esprit, les responsables politiques peuvent vouloir élargir leur recrutement et attirer des entreprises et des fonds de différents profils. En plus d’un traditionnel fonds unique de capital-risque, ils peuvent aussi souhaiter envisager d’autres fonds.

– Dans le soutien aux créations d’entreprises, les dirigeants doivent savoir qu’une forte aide est souvent nécessaire avant que les fonds puissent intervenir. Les programmes peuvent nécessiter une étroite coopération avec les partenaires pour affiner les stratégies, recruter des partenaires complémentaires (peut-être provenant d’autres régions) et pour identifier les investisseurs potentiels. Par ailleurs, les entreprises doivent avoir suffisamment de réserves pour survivre après la fin des aides gouvernementales. Avoir le bon dirigeant est critique si on veut que les interventions du programme soient efficaces.

– Les responsables politiques doivent publier à l’avance leurs critères d’évaluation pour les entreprises et les fonds. Ces méthodes d’évaluation doivent être proches de celles utilisées dans le secteur privé pour évaluer les entrepreneurs et les fonds.

5 – Résister à la tentation de tout contrôler

Dans de nombreux exemples, les exigences gouvernementales qui limitent la flexibilité des entrepreneurs et des capital-risqueurs, ont eu un effet préjudiciable. Il est tentant d’ajouter des limitations dans de nombreux domaines : par exemple, la localisation des entreprises, la technique d’investissement des fonds (le support), l’évolution des entreprises (limitation des acquisitions ou des ventes d’actions). Les programmes gouvernementaux doivent éviter ces tentatives de contrôles détaillés du processus entrepreneurial. Alors qu’il paraît normal que les entreprises recevant des aides restent dans la région ou y localisent leurs investissements, ces exigences doivent être minimales.

6 – L’impatience est une recette pour l’échec :

(Prendre en compte les longs délais nécessaires aux initiatives publiques de capital-risque) L’un des points faibles des efforts publics pour l’entreprenariat public et le capital-risque est l’impatience. Construire un secteur entrepreneurial est une oeuvre de longue haleine, pas l’affaire d’un jour ! Les programmes nécessitent du temps pour démontrer leur efficacité. Trop souvent des initiatives prometteuses ont été abandonnées sur la base d’indicateurs partiels et souvent pas fondamentaux tels que, par exemple, un faible taux de retour des participants initiaux. L’impatience (ou la création de règles qui obligent les participants au programme à obtenir des résultats à court terme) est une recette pour l’échec.

7 – Trouver le bon braquet : (Éviter les initiatives trop grandes ou trop petites)

Les décideurs politiques marchent sur une corde raide pour trouver la taille adéquate des initiatives dans le capital-risque. Les programmes trop petits n’auront pratiquement aucun effet sur l’environnement des entrepreneurs et des fonds. Par ailleurs, les attentes grossies, hors de proportion avec les montants investis, peuvent créer un choc en retour qui entrave tout effort ultérieur. Mais les programmes trop denses peuvent noyer les marchés locaux. Le déséquilibre entre l’excès de capital et des opportunités limitées peut provoquer des pathologies. Voir à ce sujet, le programme canadien de « Labor Fund » discuté au Chapitre 6. Non seulement, il a fait venir des incompétents qui n’ont rien fait pour encourager l’entreprenariat, mais il a encombré quelques uns des investisseurs locaux compétents.

8 – Ne pas oublier la dimension mondiale : (Comprendre l’importance des interconnections mondiales)

Comme cela est souligné à plusieurs reprises dans ce livre, l’entreprenariat et le capital-risque se développent comme des entreprises mondiales. Cette évolution a deux conséquences importantes.

à? Premièrement, quelle que soit la volonté des décideurs politiques d’encourager l’activité dans leur propre arrière-cour, ils doivent prendre conscience que pour être une réussite, les entreprises doivent avoir une présence multinationale. Les tentatives pour contraindre les entreprises à embaucher et à fabriquer localement, sont destructrices.

à? Deuxièmement, il est important d’impliquer des investisseurs externes autant que possible. Les sociétés locales peuvent bénéficier de relations avec des Fonds basés ailleurs, mais investissant sur place. Par ailleurs, des investissements réussis vont attirer de capital externe supplémentaire. En plus, le correspondant local d’un fonds externe –s’il a de bons résultats- va gagner une crédibilité dont il aura besoin pour lever son propre fonds. Ceci étant dit, quand des fonds publics subventionnent des activités de sociétés externes, les dirigeants politiques doivent s’assurer que ces entreprises vont recruter du personnel sur place et avoir des partenaires locaux.

9 – Mettre en place une évaluation fine des initiatives

Trop souvent, dans la précipitation pour stimuler l’entreprenariat, les décideurs politiques ne prévoient pas le financement de l’évaluation des programmes. L’avenir des initiatives doit être déterminé par leur capacité ou non à atteindre les objectifs, plutôt que par toute autre considération telle que la vigueur de l’argumentation des défenseurs pour la prolongation. Un programme fin d’évaluation permettra d’améliorer la qualité des décisions. Ces évaluations doivent prendre en compte non seulement les entreprises et les fonds participant aux programmes, mais aussi le contexte général. A la fin, ces évaluations doivent :

– Rassembler et publier des données précises sur l’ampleur de l’entreprenariat de haut niveau et sur l’activité de capital-risque formel ou informel. Une partie de ces informations peut être rassemblée immédiatement ; une autre partie nécessite un certain travail. Ces données seront importantes, non seulement pour l’évaluation des programmes, mais aussi pour faire connaître la croissance et le dynamisme du marché local du capital-risque à de futurs investisseurs.

– Comparer les sociétés et les fonds aidés avec leurs équivalents pour démontrer la différence résultant des programmes.

– Suivre soigneusement les performances des sociétés qui participent ou non au programme, prenant en compte non seulement le résultat financier mais aussi des éléments tels que la croissance des ventes et de l’emploi. Les évaluateurs pourront aussi étudier la possibilité d’une analyse statistique plus poussée par la randomisation de certains points ou la réalisation de régressions.

10 – Savoir que ces programmes ont besoin de créativité et de flexibilité

Trop souvent, les initiatives publiques de capital-risque sont comme le « méchant » avec des cicatrices au visage dans un film d’horreur, quoi qu’on fasse, il ne peut pas être éliminé ! Leur immortalité apparente résulte d’un phénomène de capture étudié dans le chapitre 4 : des intérêts puissants se rassemblent derrière ces initiatives et les rendent immuables. Les pays qui ont le mieux réussi des programmes publics ont été capables d’arrêter ceux qui ne fonctionnaient pas bien et de leur substituer de nouveaux dispositifs incitatifs. Et même, ils ont été capables d’arrêter des programmes qui avaient trop de succès et qui n’avaient donc pas besoin de soutien public. Par ailleurs, les règles de fonctionnement de ces programmes peuvent évoluer, même si cela conduit à éliminer une part importante des participants. Si le Gouvernement doit développer une activité de promotion de l’entreprenariat, il doit avoir lui-même des qualités d’entrepreneur.

11 – Savoir que les « problèmes d’agence » sont universels et prendre des dispositions pour limiter le danger

Les histoires racontées dans cet ouvrage montrent que les tentations de diriger les aides publiques dans des directions non désirées ne sont pas réservées à quelques régions, systèmes politiques ou comportements ethniques. Bien que l’on puisse souhaiter que partout, les êtres humains se bornent à maximiser le bien-être commun, les intérêts particuliers montrent trop souvent leur vilain visage. Dans la définition d’un programme public de soutien à l’entreprenariat et au capital-risque, de tels comportements doivent être limités autant que possible. Il est possible de limiter ces comportements égoïstes en définissant une stratégie et des procédures claires, en créant une « muraille de Chine » entre les élus et les administrateurs des programmes et en réalisant une évaluation précise.

12 – Donner une place importante à l’éducation L’accent mis sur l’éducation doit avoir au moins trois axes :

– Construire une compréhension du potentiel du marché local par les étrangers. L’une des barrières critiques à la bonne volonté des investisseurs pour investir dans un pays est le manque d’information. Lorsqu’on visite un champ de courses pour la première fois, il est toujours agréable de savoir si la piste favorise les coureurs de tête ou les suiveurs, et qui sont les bons jockeys locaux. De la même façon, les investisseurs sont rassurés s’ils connaissent le niveau d’activité entrepreneuriale dans les marchés locaux, les sorties d’investissement etc. Le Gouvernement peut jouer un rôle important en rassemblant ces informations ou en encourageant un organisme professionnel local à le faire.

– La formation des entrepreneurs. Dans de nombreux marchés émergents, les entrepreneurs peuvent avoir une forte dose de confiance, mais une faible capacité de compréhension des attentes des meilleurs investisseurs, des partenaires stratégiques ou des banquiers d’investissement. Le plus on fait pour combler ce fossé, le mieux ce sera.

– Une compréhension large dans le secteur public, des métiers du capital-risque et de l’entreprenariat est très favorable. Comme nous l’avons répété à plusieurs reprises, les décideurs politiques ont fait des erreurs coûteuses par mécompréhension du fonctionnement réel de ces marchés.

II – DES RECOMMANDATIONS QU’IL NE FAUT PAS ÉCOUTER :

Toutes les idées qui circulent dans les cercles politiques ne sont pas bonnes. Dans cette partie, nous allons étudier quelques idées répandues -et parfois même recommandées par des consultants ou intermédiaires- mais qui sont incompatibles avec l’expérience mondiale pour construire une activité d’entreprenariat et de capital-risque.

1 – Rester local

Les entrepreneurs et les fonds locaux demandent souvent que les fonds gouvernementaux –qu’ils soient des fonds souverains ou des fonds de retraite des fonctionnaires- soient mandatés pour investir dans des entreprises locales ou des fonds locaux. Cette demande apparemment sage, est mauvaise pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le succès d’un marché dynamique est largement dépendant de l’engagement d’investisseurs (limited partners) mondiaux, que d’acteurs locaux. Les fonds de création d’entreprise (early-stage) –à supposer qu’ils puissent développer une activité raisonnablement profitable- peuvent attirer un très fort intérêt de la part des investisseurs institutionnels. En dirigeant ces fonds vers des groupes locaux qui ne peuvent pas lever de l’argent, les Gouvernements récompensent des entreprises qui ne méritent pas d’obtenir de l’argent.

Par ailleurs, ces programmes publics représentent un réel danger car ils mettent sur le marché, plus d’argent que ce qui peut être accepté. De telles dispositions bien intentionnées peuvent gêner des entrepreneurs ou des capital-risqueurs.

Enfin, cette règle « locale » entre en conflit avec la règle de laisser le marché identifier les opportunités. Bien qu’on puisse souhaiter que les fonds de retraite et gouvernementaux locaux puissent jouer un rôle important sur les marchés locaux, ils doivent le faire à leur rythme.

2 – Mettre en place un abattement fiscal immédiat

Une seconde mauvaise idée assez commune, est de mettre en place une disposition qui donne un avantage fiscal immédiat aux investisseurs en capital-risque. Le modèle fréquemment cité est le programme CAPCO lancé en Louisiane et repris par d’autres États. Malheureusement, comme cela a été montré dans le chapitre 7, ces efforts ont pour l’essentiel, conduit à un échec. Cette idée est problématique pour deux raisons :

à? Premièrement, le principal moyen d’encouragement du capital-risque est par la demande : l’incitation qu’a un entrepreneur à quitter un emploi salarié et à créer une nouvelle entreprise. Il n’est pas douteux qu’une incitation fiscale va augmenter fortement les montants de capital-risque disponible… heureusement, les activités de capital-risque sont déjà assez largement exonérées d’impôts.

à? Deuxièmement, l’une des caractéristiques du capital-risque est «l’alignement» des incitations. Personne -limited partner, dirigeant de société de venture ou entrepreneur- n’obtient de gains substantiels avant que la société ne soit vendue. Certains économistes soulignent qu’un tel alignement pousse chacun à se concentrer et minimise les risques de comportements bénéficiant à une partie plutôt qu’à l’autre, aux dépens de l’entreprise. Des incitations fiscales précoces peuvent fausser cet alignement.

3 – Attirer des mercenaires avec de faibles incitations

Une autre mauvaise idée, qui a été testée dans de nombreux États américains, est d’importer une entreprise externe d’investissement pour diriger l’initiative de promotion de l’entreprenariat. Pour différentes raisons, cette décision sera improductive. Tout d’abord, ces intermédiaires demandent des rémunérations substantielles. Alors que cela semble petit (1% du capital sous management) ils peuvent ainsi récupérer une fraction significative du résultat. Ensuite, les investissements par des intermédiaires peuvent ne pas être dirigées par les priorités du Gouvernement local. La rémunération de l’intermédiaire peut créer une incitation à faire des investissements pour leur propre intérêt, plutôt que pour l’intérêt du fonds. Ainsi, une institution financière externe peut être tentée de mettre de l’argent trop rapidement afin de pouvoir lever un nouveau fonds (et récupérer ainsi plus de rémunération). A l’inverse, l’intermédiaire peut avoir des relations spécifiques avec certains fonds (par exemple, une banque d’investissement du même groupe financier). Des loyautés contradictoires peuvent entrer en jeu et les intérêts du Gouvernement peuvent ne pas être respectés. C’est ainsi que l’Oklahoma qui avait engagé des gérants étrangers pour diriger son programme entrepreneurial a eu un succès limité dans le développement de son activité de capital-risque.

4 – L’imitation est la forme la plus sincère de la flatterie

Un autre thème persistant -peut-être le plus résistant- est le souhait de copier des programmes déjà mis en œuvre. Dans le chapitre I, nous avons parlé de la tentation des états du Golfe, d’emprunter des concepts à Dubaï, même si le fait que les stratégies qui ont réussi à Dubaï (comme la création d’un hub aérien) signifiait qu’il fonctionnerait moins bien ailleurs. D’ailleurs, il y a même une forte tentation de copier des programmes qui n’ont pas fonctionné ailleurs. Par exemple des méthodes d’incitation qui donnent de larges avantages fiscaux à ceux qui investissent dans des start-up ont été un échec dans la promotion de l’entreprenariat, mais elles ont été largement copiées. De la même manière, la stratégie assez largement répandue de demander aux gérants des fonds de retraite locaux de faire des investissements locaux ciblés, a une descendance troublante. Il faut se rappeler l’adage : « deux fautes ne font pas un juste ». …

III – RÉFLEXIONS FINALES

Dans ce livre, nous avons commencé par souligner l’extraordinaire effort public récent pour sauver les entreprises en difficulté et nous avons aussi demandé pourquoi les Gouvernements n’auraient pas aussi un rôle de promotion des nouvelles entreprises prometteuses. Nous avons alors regardé les expériences d’encouragement des entrepreneurs et des capital-risqueurs pendant des décennies et sur plusieurs continents. Nous avons exploré les modèles théoriques et les études empiriques. Nous avons vu ce qu’il y a de bon, de mauvais et de pire. Ainsi que je le disais dans l’introduction, la recherche pour encourager les activités de venture peut paraître comme une amusement parmi les nombreuses responsabilités du Gouvernement telles que la conduite de la guerre ou gérer la stabilité financière des grandes institutions. Il est certain que les dollars dépensés sur des programmes d’entreprenariat –bien que significatifs dans l’absolu- font pâle figure par comparaison avec les sommes en jeu dans la défense ou la santé publique. Mais le tableau change lorsqu’on regarde la perspective « longue » des politiques qui favorisent ou freinent le développement du « venture », c’est-à-dire l’impact du climat entrepreneurial sur la richesse nationale. A long terme, l’impact des politiques entrepreneuriales se révèle plus important.

L’essentiel du débat dans ce livre est centré sur des politiques et des analyses particulières. Néanmoins, dans ce débat, cinq thèmes fondamentaux sont apparus :

1 – Dans le monde entier, les Gouvernements cherchent à promouvoir l’entreprenariat et la capital-risque, en utilisant divers « mise en scène » et stratégies directes.

2 – Ces efforts sont sensibles, compte tenu de l’histoire et des arguments théoriques sur l’importance de ces interventions pour le développement de régions et d’industries.

3 – Mais ces programmes de promotion de l’entreprenariat sont difficiles. Le Gouvernement ne peut pas décider de l’évolution d’un marché du venture et les efforts décidés en haut sont généralement des échecs.

4 – Trop de programmes ont les mêmes défauts. Ces défauts reflètent une déficience de design, témoignent d’une mécompréhension du processus entrepreneurial et d’une mise en place déficiente.

5 – Les Gouvernements doivent faire un exercice d’équilibre, combinant la compréhension de la nécessité de leur rôle de catalyseur avec une claire conscience des limites de leur capacité à stimuler le secteur des entreprises.

 

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