Page d'accueil Regards sur l'actualité Ordonnances, une occasion historique

Ordonnances, une occasion historique

par Hervé Gourio
92 vues

Un enjeu clair dont on n’a pas assez parlé : la réforme du marché du travail. Elle est essentielle pour sortir du chômage de masse et relancer l’économie.

Réformer le marché du travail, cela intéresse qui ?

Le ballet rituel des consultations et du vote de la loi d’habilitation approche de son terme. Le moment de vérité sera celui de la rédaction du texte des ordonnances. D’elles dépend un changement capital du fonctionnement du marché du travail. Dans ce domaine les gouvernements au fil des années n’ont « rien essayé ».

Le dysfonctionnement du marché du travail est une des causes majeures du chômage de masse et de l’asthénie économique française. Aucune réforme fondamentale n’a pourtant été entreprise pour y remédier depuis bien longtemps. Le seul déblocage significatif, la rupture conventionnelle en 2005, est le résultat d’une poussée simultanée un peu fortuite du Medef et de la CFDT, où le gouvernement n’a pratiquement joué aucun rôle. Coté indemnisation du chômage et formation professionnelles, les ministres du travail successifs ont produit beaucoup de textes. Parfois utiles pour réparer un peu les dégâts, souvent dispendieux et inefficaces. Mais les défauts du marché proprement dit sont toujours là. Et d’abord l’offre d’emploi est freinée de tous côtés. Encouragée seulement par des incantations dignes de sorciers vaudous à la croissance macroéconomique. On pourrait presque inverser la lamentation lamentable de Mitterrand : non, on n’a rien essayé.

Facile de comprendre pourquoi : c’est trop compliqué de réformer et il y a si peu à gagner pour les acteurs principaux.
Pour la complexité, rappelons que le droit du travail procède de trois sources au moins, la loi, les accords entre syndicats d’entreprises ou de salariés («la démocratie sociale »), les juges, couronnés par l’ineffable « Cour de Cass » sociale. « Courageusement » les gouvernements successifs ont régulièrement amoindri leur responsabilité propre en renforçant les 2 autres pôles pourtant irresponsables, eux.
D’autre part, entreprendre une réforme du fonctionnement du marché du travail déclenche des manifestations qui ont longtemps intimidé les gouvernements et empêche d’obtenir rapidement des résultats qui auraient été politiquement bénéfiques. Quant aux syndicats qui représentent les détenteurs d’un contrat de travail et aux juges, ils ne sont pas en charge ni du développement économique ni des chômeurs. Le statu quo leur convient.
Un jour vient toutefois où l’absence de réforme devient intolérable. Nous y sommes.

Les conditions favorables à une réforme majeure sont réunies

Le gouvernement bénéficie d’un contexte exceptionnel. La guérilla autour de la loi El Khomri a familiarisé les Français avec les enjeux. La réforme du Code du travail a été le thème électoral le plus discuté et partagé par tous les candidats. Un partisan de la réforme l’a emporté après avoir annoncé son intention de procéder par ordonnances.

Les premiers mouvements sont adroits : la Ministre du Travail est capable de dialoguer. Les syndicats savent que leur avenir dépend pour beaucoup de la réforme du paritarisme annoncée, ils peuvent faire des concessions dans la perspective de ressources assainies. L’opinion publique comprend le but et la méthode. Le rituel des consultations a été conduit sans anicroche et même dans la bonne humeur. La loi d’habilitation a donné une liste de têtes de chapitres pas trop contraignante.

Le moment est venu pour le gouvernement de finaliser les mesures qui auront force de loi dans10 semaines. Il faut que ce soient celles qui libéreront finalement le marché du travail. Il ne s’agit plus d’alimenter la glose sur le degré de dialogue social ou sur l’ampleur d’un recul historique indéniable des « insiders » dans l’intérêt « des outsiders » Ce n’est plus Jupiter que nous attendons mais Alexandre face au nœud gordien. Choisir les mesures qui débloqueront le marché sans s’embarrasser excessivement des réactions de tous ordres. Ce n’est peut-être pas à la lettre une occasion séculaire, mais attendre 60 ans pour rebattre un peu les cartes, c’est bien long !

Priorité : débloquer l’offre d’emplois sans ambiguïté

La première urgence est de débloquer l’offre. Pour améliorer la sécurité des salariés on a rendu très dissuasif leur licenciement pour l’employeur. Autrement dit, pour réduire les risques pour les salariés, on a augmenté ceux des entreprises. Un très grand nombre renonce donc à embaucher sauf lorsque leur firme est assez vigoureuse pour que le risque soit négligeable. Attendre cette situation favorable c’est expressément privilégier le chômage pour protéger les “insiders”, les salariés en place.

Pour les plus petites entreprises, c’est d’une évidence criante Afin d’y rendre les embauches simplement raisonnables, appelons un chat un chat, il faut bouger le curseur pour modifier le partage des risques en faveur des entreprises et donc en défaveur des salariés. Ou au moins pour leur retirer des droits formels qui les incitent à s’accrocher à un CDI. Quitte à continuer à faire plus ou moins bien un travail qu’ils n’aiment pas.
C’est là qu’il faudra du courage pour obtenir des résultats. Ne nous voilons pas la face. Si la balance des risques continue d’être aussi déséquilibrée qu’aujourd’hui il n’y aura pas d’accroissement de l’offre dans les TPE et les PME.
Un échec ou un demi échec pèsera sur notre pays pendant combien de temps ? Encore un demi-siècle ?

Pour les grandes entreprises, le blocage est différent. Les difficultés d’adaptation sont coûteuses en temps ou en argent mais surmontables bien évidemment. En rester à cette observation serait oublier les conséquences indirectes. Les mauvaises expériences freinent les investissements futurs des multinationales. Peter Brabeck, l’ancien président de Nestlé, en parle très bien pour moquer la France après ses démêlés interminables et uniques au monde pour fermer l’usine de Saint Menet près de Marseille ou pour réorganiser la source Perrier. Notre président a été assez proche de lui (au sein de la Commission Attali en 2008 et plus tard lorsqu’il en a reçu son principal mandat chez Rothschild) pour l’avoir entendu ! Les réorganisations industrielles ne doivent pas être totalement imprévisibles dans leur coût, leur délai et même leur issue. On doit ici ajouter que ces luttes sans fin avec des syndicats extrémistes conduisent les salariés à des illusions dont ils sont les premières victimes.

Dans le prochain article nous proposons des mesures indispensables à nos yeux pour les petits comme pour les grands.

Tu pourrais aussi aimer

1 commenter

Sarah LENTY juillet 26, 2017 - 6:56 pm

Ordonnances, une occasion historique
Sans oublier une administration tatillonne qui, par ce biais, peut justifier de son utilité.

Répondre

Laissez un commentaire

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d’accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus

Privacy & Cookies Policy