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Logement « intermédiaire » : de la redistribution à la distribution pure et simple

par Yves Buchsenschutz
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Pendant de longues années, le régime du logement social en France, principalement représenté par les HLM, visait 20 % du parc de logements. Il posait plusieurs problèmes endémiques : son insuffisance chronique par rapport à la demande, l’évaluation objective de cet avantage, son mode d’attribution pour le moins questionnable, complété par une politique de maintien dans les lieux encore plus discutable.

La nouvelle présidence de la République a inauguré son action sur ce sujet en fanfare en décidant un durcissement des règles d’application dans les communes et un passage du taux de 20% de logements sociaux à 25% du parc. Nous ne sommes plus donc en face d’un Français sur cinq mais potentiellement d’un Français sur quatre se logeant aidé par l’Etat.

Les aménagements récents sur le logement dit intermédiaire[[L’objectif affiché par le gouvernement est de construire 60.000 logements intermédiaires par an, c’est-à-dire des logements « dont le loyer ou le prix est maîtrisé et qui sont destinés à être occupés par des ménages aux ressources moyennes ». En février dernier, Cécile Duflot, expliquait qu’il s’agissait de « logements en accession sociale et le logement locatif proposé à un niveau de loyer 20% inférieur au niveau de marché » Loi consolidant l’ordonnance 2014-159 du 20 Février 2014.]] viseraient 60.000 logements (par an !) ce qui devrait représenter une augmentation du parc supplémentaire de 1,5% par an. On serait donc à environ 30% de logements « sociaux » et à 1 Français sur 3 en logement aidé dans 5 ans environ.

L’autre surprise est que, dans le cadre du logement intermédiaire, il ne s’agit plus d’aider les plus déshérités mais bien ceux qui sont au-dessus du système subventionné à l’heure actuelle en élargissant les conditions d’éligibilité.

A ce propos, il est instructif de regarder le tableau des plafonds de ressources de la Ville de Paris ci-dessous :[[Site Mairie de Paris : qui a droit à un logement social ?]] L’aide est décroissante en allant de A vers D. Les plafonds de revenus sont mensuels

Combien de personnes à loger ? Logement A Logement B Logement C Logement D
1 personne 1188 € 2160 € 2809 € 3889 €
2 personnes sans personne à charge / jeunes ménages exclus 1938 € 3229 € 4198 € 5812 €
3 personnes ou 1 personne seule avec 1 personne à charge ou jeune ménage* 2540 € 4233 € 5503 € 6987 €
4 personnes ou 1 personne seule avec 2 personnes à charge 2780 € 5054 € 6570 € 8369 €
5 personnes ou 1 personne seule avec 3 personnes à charge 3307 € 6013 € 7817 € 9907 €
6 personnes ou 1 personne seule avec 4 personnes à charge 3721 € 6766 € 8796 € 11149 €

Ceci confirme une autre information intéressante : selon la Ville de Paris, 80% des Parisiens sont éligibles à une forme ou une autre de logement social ![[ibid]] (confirmé, au niveau national : environ 70%)[[ Wikipedia : le logement social en France]]

Dans ces conditions, il est peu surprenant que l’offre soit insuffisante par rapport à la demande… même si les aides sont modulées en fonction de la situation de chacun.

Quel est dès lors le montant estimé de l’aide ? Très difficile à calculer compte tenu de la multiplicité des situations, on peut tout de même essayer de l’encadrer : pour les ménages en logement intermédiaire, les plus aisés, le gain devrait être de 20% sur un loyer libre (cf. projet de loi, note 2) Comme le logement représente en général 30% du budget d’un ménage, l’avantage minimum peut être estimé à 30%*20%, soit 6% du revenu total (sans parler de la fiscalité). Pour les ménages les plus modestes, il peut atteindre 50% du loyer ou 227 € par mois, cumulables avec l’Aide Personnalisée au Logement de la CAF, en moyenne 210 € par mois.[[ibid]] La charge du loyer est ainsi (hors charges locatives) quasiment annulée et tend à représenter un demi-SMIC. Pour les plus aisés, catégorie D et /ou intermédiaire) pas loin d’1 mois de salaire. (1 mois de salaire correspond à 100% / 12 mois = 8,3 %).

Le mode d’attribution est questionné depuis des années car il reste, malgré quelques efforts louables, lié au clientélisme politique. On ne compte plus les dénonciations d’attributions suspectes de tout bord, polluées de plus par un mode de calcul basé sur l’année (n-2) et par des maintiens en place qui aboutissent à des occupations à vie, voire même, dit-on, à des « héritages » !

Tout semble se passer comme si l’on glissait insensiblement, mais de plus en plus rapidement, d’une redistribution vers les plus déshérités à une distribution pure et simple en particulier vers des classes moyennes, voire vers des classes aisées, même au sens de l’observatoire sur les inégalités (ce dernier définit pour un couple avec 2 enfants, le passage en classe moyenne à partir de 3.122 € par mois et en classe aisée à partir de 5.567 € par mois – à comparer au salaire moyen d’un fonctionnaire et au tableau des plafonds !)[[Observatoire des inégalités « Qui sont donc les classes moyennes ? » 16 Juillet 2014]]

C’est peut-être là l’explication de ces différents aménagements : il ne s’agit pas en fait d’une loi sur le logement intermédiaire mais de la loi électorale d’un parti majoritaire…

 

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3 commentaires

Charlot avril 29, 2015 - 8:59 pm

et les copropriétés ?
Un phénomène connexe à cette situation abusive d'un état qui loge son personnel est l'état des copropriétés.
Notre immeuble construit à la fin des années 60 a besoin d'une modernisation (isolation, ravalement, accès…).
Les projets n'ont pas abouti : mauvaise entente des copropriétaires, incompétence et désintérêt du syndic, non rentabilité des travaux pour les bailleurs, vieillesse des conseillers (après moi le déluge!) ..Ainsi un devis de ravalement d'une façade lépreuse est bloqué depuis 2003 par le président du conseil qui ne veut pas qu'on touche à la partie de façade correspondant à son appartement.
Les HLM sont maintenant en meilleur état d'entretien et de modernisation que les copropriétés !
J'arrête là mon propos : je voulais seulement souligner que l'état, entre autres avantages, fournit le logement à son personnel aux frais de ceux qui n'auront bientôt plus les moyens d'entretenir le leur.

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HUGH mai 2, 2015 - 7:29 pm

% absurdes!
"selon la Ville de Paris, 80% des Parisiens sont éligibles à une forme ou une autre de logement social ![3] (confirmé, au niveau national : environ 70%)"
Ces % sont fixés a priori, dans une (très ancienne) perspective de collectivisation du logement ou de clientélisme si on préfère.
Ces % paraissent au fil des ans d'autant plus "réels" que le "logement social", "aidés", etc. est développé au détriment du parc privé qui du coup se renchérit.
Monstrueux!
J'ajoute que, hors toute contrainte foncière, technique (capacité de production: grues, ouvriers…) ou financière, le respect des 25 % Duflot selon le plan de marche prévu est strictement absurde: la seule façon d'y répondre serait de classer le maximum de logements existants en logements sociaux… bref de collectiviser.

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HUGH mai 3, 2015 - 11:41 am

collectivisation en marche
??« Ceci confirme une autre information intéressante : selon la Ville de Paris, 80% des Parisiens sont éligibles à une forme ou une autre de logement social ! (confirmé, au niveau national : environ 70 %) »
?Ces taux sont déterminés a priori, dans le but à peine déguisé de collectiviser le logement.?Ils se confirment en raison de la contrainte que les mesures en faveur du logement social, intermédiaire, aidé, etc. font peser sur le secteur « libre »: raréfaction du foncier, concurrence déloyale sur les loyers, etc.
?Les lois Gayssot-Duflot ont pour effet de rançonner les communes (et surtout leurs contribuables) qui, dans la réalité, n’ont pas tant de prise sur la construction de logements.?La conformation au taux de 25 %, selon le planning (le « Plan »!) inclus dans la loi, est strictement intenable et nullement souhaitable…
Pour ne rien arranger, le respect de ces objectifs imposerait de collectiviser une forte proportion des logements existants: le Maire de Paris l’envisage ouvertement.

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