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L’écologie politique a trahi la planète

par Yves Montenay
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Les partis écologistes ont-ils tué l’écologie ? On peut le penser quand on voit les dégâts causés par leur opposition dogmatique au nucléaire et leur soutien aveugle aux énergies renouvelables. 

On peut être sensible à l’avenir de la planète, se soucier du respect de la biodiversité, de la composition des sols, être favorable aux économies d’énergie et de matériaux en général et soutenir la végétalisation des villes etc. sans pour autant être dogmatique en matière de mix énergétique.

Car les mouvements politiques dits « partis écologistes » ou « Verts » ont en réalité massivement agi contre la planète en retardant le déploiement du nucléaire durant plusieurs dizaines d’années.

Ils sont ainsi responsables d’une énorme consommation d’énergie fossile, encore aggravée par les « à-côtés » des renouvelables : l’énergie et des pollutions nécessaires à leur mise en place puis à leur pilotage.

Le fantasme antinucléaire

Il y a quelques dizaines d’années, le nucléaire progressait un peu partout dans le monde.

Si en France nous sommes allés en gros jusqu’au bout du plan Messmer de 1974 (50 ans déjà !), c’est une exception, et la plupart des pays ont ralenti ou supprimé leur programme, les Verts ayant pris une importance électorale et médiatique.

En France même, leur influence a fait fermer la centrale de Fessenheim, décision incompréhensible aujourd’hui que le gaz russe est coupé (qui était de toute façon une énergie carbonée). Et ce sont également les Verts qui ont fait abandonner les projets de surgénérateurs.

Ailleurs, des programmes entiers ont été ralentis, voire annulés.

En Allemagne, on a fermé les réacteurs pour rouvrir des centrales à charbon ! On en paie le prix aujourd’hui, avec des importations de gaz (dont une partie russe…) et une instabilité croissante du réseau. Sans parler des émissions dues au charbon allemand particulièrement sale.

Je n’ai jamais très bien compris cette terreur du nucléaire qui semble basée sur la crainte de la radioactivité « parce qu’elle est invisible », sur la comparaison avec les massacres pourtant expressément voulus d’Hiroshima et de Nagasaki et la question des déchets.

Un biais politique

J’ai par contre bien noté que les dénonciations du nucléaire étaient politiquement variables.

Greenpeace, par exemple, est très virulent contre le nucléaire en Europe.

Mais curieusement, plus un mot quand il s’agit de la Russie ou de la Chine, où l’atome est un pilier stratégique. En Russie, le directeur exécutif de Greenpeace est même devenu président d’un comité environnemental lié au Kremlin.

En Chine, on ne parle tout simplement plus du sujet : c’est interdit.

Ce silence contraste avec leurs dénonciations indignées en Europe.

Le battage autour des accidents du nucléaire

Quelques rares accidents (Tchernobyl, Three Mile Island, Fukushima) ont été utilisé médiatiquement. Reprenons les un par un.

Commençons par Tchernobyl : c’est l’accident d’un réacteur soviétique sans enceinte de confinement, géré dans un contexte politique opaque. Plus qu’un accident du nucléaire, c’est un accident du communisme.

Au début des années 1990 j’ai d’ailleurs été invité par le producteur d’électricité roumain. Ses cadres m’ont expliqué faire appel à EDF, parce qu’ils n’avaient aucune confiance dans les procédures communistes. Je pense qu’il en est allé de même discrètement dans la plupart des pays ayant des centrales à protocole soviétique.

Fukushima, c’est ce qui arrive quand on construit une centrale en zone sismique avec une digue trop basse : un tsunami de 15 mètres a noyé la centrale protégée par un mur de 8 mètres. Plus qu’un accident du nucléaire, c’est un accident d’infrastructure mal conçue pour son environnement.

Quant à Three Mile Island, c’est un incident bien géré qui n’a fait aucun mort.

On devrait plutôt avoir peur des barrages

De temps en temps un grand barrage « craque » sans que l’on condamne pour autant l’électricité hydraulique.

Je me souviens par exemple de :

  • Malpasset (France, 1959) : la rupture d’un barrage-voûte suite à des pluies extrêmes et du fait d’une faille géologique non identifiée a fait 421 victimes à Fréjus et 7000 sinistrés.
  • Vajont (Italie, 1963) : un glissement de terrain massif dans le réservoir a déclenché une vague de 200 m qui a rasé Longarone et fait près de 2000 morts.
  • Banqiao (Chine, 1975) : suite à des pluies diluviennes, 62 barrages cèdent dans la province du Henan. Le barrage de Banqiao en tête. Bilan officiel : 26 000 morts directs, 86.500 à 240.000 décès indirects estimés (famine, épidémies, isolement).
  • Machhu II (Inde, 1979) : rupture du barrage après des pluies de mousson exceptionnelles. Les bilans varient de 2000 à 15 000 morts selon les sources (absence d’enregistrement fiable).Etude « Risques associés aux barrages » par André Goubet, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées, Président du Comité Technique permanent des Barrages

Ces chiffres dépassent de très loin celui des accidents du nucléaire civil, y compris Tchernobyl et Fukushima.

Les accidents proviennent bien sûr d’erreurs humaines : insuffisance des études géologiques des roches auxquelles sont accrochées le barrage, pluies exceptionnelle sans prévisions d’évacuation…

Et pourtant, personne ne propose d’interdire les barrages. C’est une énergie propre, facilement pilotable et pouvant parfois être mise en réserve tout simplement en gardant l’eau, voire en utilisant l’énergie momentanément en excès pour la pomper vers un lac plus élevé et la relâcher de plus haut en cas de besoin.

Et je ne parle pas des milliers et probablement des dizaines de milliers de morts dans les mines de charbon et l’exploitation du pétrole qui aurait pu être évités comprenant le tournant plus tôt.

Et les déchets nucléaires ?

On me rétorque souvent : « Oui mais les déchets nucléaires, qu’est-ce qu’on en fait ? ».

Pourtant, on sait très bien les gérer. Les déchets à vie courte sont stockés en surface pour quelques décennies. Ceux à vie longue sont conditionnés, vitrifiés, entreposés en profondeur. Des sites de stockage géologique profond comme Cigéo à Bure sont prêts.

Et surtout, on oublie de dire qu’il s’agit de tout petits volumes : on parle de tonnes pour effrayer, mais il faut se souvenir qu’il s’agit de matériaux très denses : 9 tonnes d’uranium ou de dérivés n’occupent qu’un mètre cube !

Sans compter que la vraie solution en matière de déchets nucléaires était à portée de main : les surgénérateurs, comme Phénix puis Astrid, projets annulés en 2019.

L’abandon de surgénérateurs

Ces réacteurs à neutrons rapides pouvaient fermer le cycle du combustible, c’est-à-dire utiliser l’uranium appauvri (U-238) pour produire du plutonium (Pu-239), puis le brûler à nouveau. On réduisait ainsi massivement les déchets à vie longue, tout en valorisant les matières existantes.

Mais ces projets ont été abandonnés, faute de volonté politique à cause de complications techniques exacerbées par un climat de peur alimenté par les anti-nucléaires. On a préféré abandonner des technologies prometteuses plutôt que de les perfectionner.

La raison officielle a été la grande disponibilité de l’uranium dans le monde (mais entre-temps nous nous sommes faits chasser de nos mines africaines), qui n’est pourtant pas garantie à long terme, et le choix de consacrer nos investissements à la prolongation du parc actuel et au projet SMR (voir plus bas).

Enfin un retour au réalisme ?

Aujourd’hui, face à l’urgence climatique, on assiste à un retour en grâce du nucléaire. Quinze réacteurs sont en construction ou en projet en Europe.

La France relance un programme avec les EPR2 et les SMR (petits réacteurs modulables, en principe largement préparés en usine, donc bon marché).

Même des pays traditionnellement anti-nucléaires revoient leur position : la Belgique renonce à une fermeture totale, l’opinion allemande commence à regretter les fermetures suicidaires de ses centrales qui l’obligent à importer un gaz naturel liquéfié très coûteux… ce qui explique que l’industrie lourde européenne est en train de fermer !

Mais quel temps perdu ! Si on avait poursuivi le programme de surgénérateurs, développé les cycles fermés, maintenu Fessenheim et lancé plus tôt la rénovation du parc existant, nous serions bien mieux armés aujourd’hui pour faire face à la transition énergétique et à la situation géopolitique.

Peut-être, me direz-vous, mais au moins le monde s’est couvert d’énergies renouvelables, de la Chine à l’Espagne.

C’est vrai, mais ça commence à poser de gros problèmes…

Une adoption aveugle des renouvelables

Certains pays, dont l’Allemagne et l’Espagne, ont effectivement maintenant une grande partie de leur production électrique provenant des éoliennes et du solaire.

Mais à quel prix ! Malgré les investissements colossaux de son « Energiewende » dans le solaire et l’éolien (plus de 500 milliards d’euros), l’Allemagne a émis deux fois plus de CO₂ par kWh que la France pendant des années.

Les professionnels savent que la proportion élevée des renouvelables pose de plus en plus de problèmes, ainsi que la méga-panne électrique du 28 avril en Espagne et au Portugal vient de le révéler au grand public.

Les premiers freins dans la production d’énergies renouvelables proviennent de ce qu’un nuage peut cacher le soleil et que le vent peut s’arrêter.

Dans ce cas, faute de stockage dimensionné, il faut appeler au secours les voisins, par exemple la France et son parc nucléaire, ou mettre instantanément en service les centrales à charbon, comme le fait l’Allemagne, dont le charbon est particulièrement polluant, ou encore faire appel au charbon polonais.

On peut certes imaginer qu’un jour il y aura des batteries puissantes et très bon marché qui permettront de tenir quelques heures pour rééquilibrer le réseau.

On en est très loin pour l’instant, comme on le constate pour l’automobile. Cela viendra probablement – mais dans combien de temps ? – et à condition que les entreprises ne soient pas victimes d’actions anticapitalistes des Verts…

Et même quand il y a du soleil et du vent, il faut aussi un réseau électrique qui achemine l’électricité où il faut. Ce réseau n’existe pas aujourd’hui et, s’agissant de l’Allemagne, on doit envoyer l’électricité sur le réseau des Pays-Bas, de Belgique, puis de France pour atteindre les régions allemandes grosses consommatrices.

C’est ce qui vient de se passer en Espagne, probablement à la suite d’une production massive de solaire.

Mais comme l’Espagne a moins de voisins que l’Allemagne, et une seule interconnexion avec la France (qui a sauté), une partie du pays a été privée d’électricité.

Vous trouverez des détails sur le site de l’Irdeme qui a publié l’analyse d’un ancien directeur de centrale nucléaire en France sur les causes du black-out des réseaux électriques espagnols et portugais.

Une analyse des creux de production électrique en Allemagne est disponible sur le site de l’IFRAP.

Les autres « à côté » des renouvelables

Les renouvelables posent d’autres problèmes que leur intermittence et leur raccordement au réseau : il faut les construire, les installer, puis, un jour les démonter et en recycler les composants.

Cela demande des matériaux polluants à extraire, polluants à raffiner et compliqués à recycler. Et des routes, des camions…

C’est aujourd’hui évident, mais pendant longtemps les Verts ont vanté « une énergie gratuite ».

Conclusion : sortons du dogme

Revenons au vrai coût du refus du nucléaire, les millions de tonnes de CO₂ émis en pure perte. En bloquant les programmes, on a continué à brûler charbon, gaz et pétrole.

L’écologie politique, telle qu’elle s’est imposée depuis les années 1980, a fait beaucoup de mal à l’environnement.

En diabolisant le nucléaire, en bloquant des projets prometteurs, en criant au loup à chaque incident, elle a freiné les solutions les plus efficaces pour sortir des énergies fossiles.

Bref, elle a plongé les citoyens dans l’illusion d’un « progrès vert » sans mesurer les équipements nécessaires en batteries, en réseaux, et en énergies de relais pour compenser l’intermittence.

L’autre grand facteur la transition énergétique, l’économie d’énergie, passe également par de grands progrès techniques (beaucoup a été fait, c’était mon métier) et notamment par l’électrification, dont la mise au point de véhicules légers et bon marché.

Malgré tous ses défauts de premier pollueur mondial, la Chine déblaie cette route et la finance par les économies des Chinois !

On est ramené à la véritable question de la transition énergétique : faire avancer les techniques et laisser le marché choisir les meilleures 

Il est temps de réconcilier écologie et rationalité : la planète n’a que faire des idéologies !
Ce dont elle a besoin, c’est moins de « Yaka » militants et davantage de solutions concrètes.

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4 commentaires

Yves Buchsenschutz mai 10, 2025 - 9:20 am

Les choix biaisés de mix énergétique ont purement et simplement doublé la charge d’investissement à réaliser et financer pour assurer l’approvisionnement énergétique du pays : les estimations les plus récentes donnent pour le prolongement et le renouvellement du parc nucléaire environ 300 milliards d’euros et en parallèle, pour le « verdissement » de la production un autre 300 milliards. En cette période de pénurie et de recherche d’économies personne ne pourra prétendre qu’il faut investir deux fois pour obtenir la même chose. il ne faudrait peut-être enfin à ce pays un vrai ministre de l’industrie.

L’écologie politique n’a pas seulement trahi la planète, elle a aussi trahi notre art de vivre : en son nom, il faut « dévoiturer » les villes, rendre les transports en commun «individuels» (voir l’expérience des ambulances pour les rendez-vous médicaux), tuer le commerce, vomir l’industrie, installer les villes à la campagne pour suivre les recommandations d’Alphonse ALLAIS, réintroduire 1000 loups en France au milieu des brebis, restreindre l’accès général à des pans entiers de territoires (les ZFE), couper des chênes pour introduire des érables, limiter la chasse ( à quand la cueillette des champignons), encadrer de toutes parts les comportements et les utilisations des propriétés …. créer de la richesse et de l’emploi sans installer d’usine, trier, classer, légifére, interdire sont les maîtres mots de 7 % des Français atteints d’idéologie verte qui empoisonnet les 93 % autres qui n’ont rien contre la nature non plus, mais rationnalisent leurs choix!

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MOULIN mai 10, 2025 - 9:22 am

Merci pour cette condamnation des politiques imposées par les Verts européens via leurs alliances avec les socialistes. Ceux-ci ont préféré le pouvoir et sont donc autant condamnables que les Verts. Idem pour Mme Merkel en Allemagne et via Bruxelles, en Europe. Fessenheim a été fermé sous la pression allemande.

quatre points me semblent « oubliés » :
1/. Les ENR intermittentes (il en existe de pilotables ) ne font économiser que le combustible des centrales pilotables nécessaires pour garantir la puissance indispensable à la vie moderne. Valables quand le combustible est cher (gaz, charbon, fuel…) cela ne l’est pas pour le nucléaire ;
2/. Les ENRi obligent à investir en double : le vrai coût des ENRi doit comprendre, les réseaux diffus (cachés par RTE-Enedis) et  les centrales et leurs combustibles des centrales associées, qui sont nécessaires à la puissance. Comme cela se voit dans une région isolée
3/. Les Verts, sans le dire, ont été massivement subventionnés par les vendeurs de gaz dont Gazprom, tous unis contre le nucléaire et le charbon. Idem pour les vendeurs de machines ENRi.4/. Les centrales à énergies fossiles émettent des fumées qui polluent l’air et font mourir plus tôt comme l’extraction et le transport des fossiles ;

Les Verts ont été et sont une catastrophe pour l’Europe. Leurs motivations anti industrielles voire décroissantistes leur permettant tous les dénis de réalités . 

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moulin mai 10, 2025 - 8:45 pm

Cet excellent document n’évoque pas le fait que les ENR intermittentes ne font économiser que le combustible des centrales pilotables principales, tjrs nécessaires pour garantir la puissance électrique nécessaire à nos civilisations. (voir Espagne ).

Quand on calcule tout ce qui est nécessaire pour tirer parti du vent et du soleil, les machines ENR, les réseaux de collecte et les centrales principales, d’une part quand elles ne produisent pas, 30 % du temps, et d’autre part, 70 % du temps avec leurs combustibles fossiles… le coût des ENR actuelles est au dessus de 100 € voire 150 € du MWh, contre 60 € pour les centrales nucléaires actuelles françaises.
Cela a été de la folie pour un pays en déficit et endetté d’investir en ENRi inutiles en France depuis 25 ans : le prix de l’électricité a doublé voire triplé pour les TPE-PME.
Les gagnants ? les financiers dont l’électricité est acheté à prix « élevé » garanti, les fabricants de machines et les opérateurs de RTE cachant les investissements réseaux dans leur prix de revient, et les allemands qui, du fait du grand excédent de puissance en Europe, accèdent à de l’électricité bon marché, voire à prix négatifs .

Les perdants ? les français clients et les contribuables pour une électricité dont le prix a doublé alors que le parc hydraulico-nucléaire est suffisant depuis 25 ans.

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Pierre Desroches mai 12, 2025 - 9:47 am

A ma connaissance, il y aurait eu un mort à la centrale de Fukushima, par crise cardiaque.
Il y a eu entre 15 000 et 25 000 morts par noyade ou blessures mortelles lors de la subversion de la vallée.
La production nucléaire n’y est pour rien.
Par contre, les dépenses liées à l’explosion des réacteurs et à la contamination sont gigantesques.

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