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Grandeur et décadence de l’électricité

par Daniel Fischer
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Un ancien  directeur de centrale nucléaire en France,  nous a confié son analyse  du black-out des réseaux électriques  espagnols et portugais.

Le black-out du réseau de la péninsule ibérique résulte, en cause profonde, de l’absence de moyens de réglage.

Un réseau électrique a la particularité d’exiger en permanence un équilibre entre production et consommation. Or l’éolien et le photovoltaïque n’ont aucun moyen de régler la fréquence et la tension. Ils débitent le maximum de ce que leur donnent le vent et le soleil. Ils n’ont aucune inertie, et fréquence et tension du réseau général sont réglées par les moyens « pilotables » (hydroélectrique, nucléaire, thermique traditionnel …).

Tant que ces EnRi produisent moins de 30 à 40 % de la consommation totale et que le reste est assuré par des productions pilotables, le système électrique reste stable.

Mais dès que leur production dépasse largement les 40 %, on entre dans une zone d’instabilité du système électrique. Surtout quand le nucléaire produit au maximum du fait qu’il constitue la base de la production, et que l’on a peu de puissance d’interconnexion en courant alternatif avec les pays voisins. C’est le cas de la péninsule Ibérique.

Dès lors il suffit d’un évènement mineur sur le réseau électrique pour que tout le système s’effondre.

Lors de la crise, dans la péninsule, 67 % de la puissance électrique était apportée par le solaire et l’éolien. La péninsule était donc dans une situation d’instabilité annoncée du système électrique. Les interconnexions avec la France sont faibles et pour moitié en courant continu et l’autre en alternatif. Et les interconnexions en continu ne sont d’aucun secours instantané  étant indifférentes à la différence de fréquence.

J’ai regardé l’interconnexion en alternatif sur éCO2mix. Avant l’incident elle transportait 500 MW de l’Espagne vers la France et juste après 500 MW dans l’autre sens.

La cause profonde du black-out est donc la trop grande importance des EnRi non pilotables par rapport à la consommation totale.

En effet, dans cette situation, le moindre incident réseau, qui en temps normal est immédiatement compensé et n’est pas perçu par les consommateurs, n’est plus solutionné et le château de cartes s’écroule.

On va rechercher cet incident réseau en Espagne pour le rendre responsable du black-out. Mais en réalité le black-out est dû au dépassement du seuil de stabilité par les productions non pilotables.

La péninsule joue avec le feu depuis quelques années et ce black-out était parfaitement prévisible, et en fait très probable.

Le lobby des EnRi va probablement  essayer d’étouffer la cause profonde de cet accident. Même RTE pourrait reprendre le discours main-stream.

Mais on doit bien comprendre que chaque énergie a ses avantages et ses inconvénients. Les énergies fossiles sont souples, adaptables et stockables mais émettent du CO², l’électricité est beaucoup plus « propre » et diffuse mais a d’autres rigidités : équilibrage du réseau et mauvaise stockabilité par exemple.

L’Allemagne dépasse régulièrement les 50 % d’éolien et de solaire. Elle ne peut gérer l’équilibre de son système électrique que parce qu’il est tenu à bout de bras par les pays voisins, Pologne et France en particulier ainsi qu’avec une grosse capacité thermique en stand-by.

C’est grâce au nucléaire et à l’hydraulique français qu’il s’équilibre. Sans cela, le système électrique allemand serait depuis longtemps arrivé à la même situation que celui de la péninsule Ibérique.

La reconstruction du réseau ibérique, le black-start dans notre jargon, a été longue et difficile car les seules sources pilotables étaient les centrales à cycle combiné à gaz et l’hydraulique.

Or les centrales à cycle combiné à gaz avaient été arrêtées, car il y avait trop de production non pilotable prioritaire par les EnRi.

Il a donc fallu les redémarrer et, dans un premier temps, elles ont dû ensuite aider au redémarrage des centrales nucléaires qui s’étaient arrêtées et étaient en situation de repli sur leurs groupes électrogènes de secours.

 Or pour aider le redémarrage d’une centrale nucléaire, il faut établir une liaison directe car les moteurs de pompes primaires consomment 5 MW en marche normale mais peut-être le triple au moment de leur démarrage.

Pour le réseau cela agit comme un court-circuit, il faut donc un dispositif pilotable de forte puissance et de forte inertie.

Le gestionnaire du réseau en Espagne a donc bien agi en redémarrant les centrales nucléaires aussitôt que les centrales à gaz ont été disponibles et ensuite, il a reconstruit le réseau de proche en proche. Ceci a été d’autant plus long qu’entre temps le solaire  avait disparu.

On  a pu voir la pagaille qui a régné dans la péninsule en plein jour et d’après les informations il y aurait 5 morts. Transposez maintenant cette situation en France à la tombée de la nuit et ajoutez le pillage de tous les magasins, vous aurez une idée de la situation. L’électricité a aujourd’hui envahi notre vie !

Mais l’Europe vit de plus en plus avec le spectre d’un black-out de grande ampleur partant de l’Allemagne. Et seul l’ENSTO-e, pilote des gestionnaires des réseaux électriques, le signale sans être écouté le moins du monde. Il n’est même pas relayé par les GRT !!!

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8 commentaires

Serge Rochain mai 2, 2025 - 12:25 pm

Baratin habituel de nucleophile dogmatique. Il ne sait rien de ce qui s’est passé mais il crache déjà son venin sur le renouvelable qui est par ailleurs bien plus pilotable et plus souvent que le nucléaire comme nous le prouve RTE tous les jours en réglant l’exportation ératique avec les déconnexions et reconnexions judicieuses Des parcs renouvelables.
Serge Rochain

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Cayol mai 2, 2025 - 4:18 pm

Merci pour cette analyse qui est beaucoup plus professionnelle et éclairante (sans mauvais jeu de mots) que toutes hypothèses non fondées que l’on peut entendre et lire ces derniers jours, émanant souvent de personnes qui n’y connaissent rien ou pas grand chose.

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Gaby Jean-Louis mai 3, 2025 - 7:32 pm

Vous écrivez : … le manque d’inertie apportée par les machines tournantes (turbines des moyens de production hydroélectriques, nucléaire et thermiques)… N’est-ce pas totalement le contraire?
Qu’une-t-elle erreur provienne d’un ingénieur me stupéfie, et décrédibilise votre article.
Par ailleurs, l’inertie apporté par les turbines est aussi valable pour les éoliennes, et n’existe pas pour le photovoltaïque.

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moulin mai 4, 2025 - 7:32 pm

Jean-Louis GABY : vous avez raison … une telle erreur contresens est incompréhensible … ya des mots intervertis.

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Eplf IRDEME mai 5, 2025 - 8:30 pm

Texte corrigé

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Jean-François BAUER mai 3, 2025 - 8:31 pm

Cela fait des années que l’on nous dit que les progrès à venir des batteries pourront pallier la variabilité des productions éoliennes et solaires; c’est une illusion car:
-cela fait plus d’un siècle que les batteries existent et les progrès en capacité restent lent,
-les batteries stockent du courant continu et n’apportent pas d’inertie pour stabiliser la fréquence sauf à les utiliser pour faire tourner un moteur qui entraîne un alternateur, mais alors ce n’est plus un simple stockage mais une centrale auxiliaire!
Jean-François Bauer

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Serge Rochain mai 10, 2025 - 2:53 pm

Monsieur Fischer refere toujours à une des fakes préférées du lobby nucléaire dont il est un activiste forcené….
Monsieur Fischer sait depuis sa boule de cristal ce ques les analystes Espagnols du régulateur du réseau ignorent toujours à l’heure présente.
En fait Monsieiur Fscher croit tellement fort à ses fakes qu’il néglige de simplement regarder comme RTE en France utilise les ENRv pour assurer le suivi de charge dans une situation rendue particulièrement instable par l’exportation erratique de notre puissance électrique. Nos voisins cessent d’importer ou réimportent plusieurs GW, brusquement, en quelques minutes, mais heureusement la souplesse des renouvelables pour la connexion ou deconnexionau réseau ne necessite que quelques seconde permet d’assurer l’équilibre à hauteur du besoin comme le démondre RTE pratiquement tous les jours. Exploit irréalisable avec le nucléaire mais d’une grande facilité pour les renouvelables.
Avant de continuer à écrire des fadaises comme cet article à la saveur du dogmatisme regardez donc les courbes de production du site eco2mix Monqieur Fischer et cela vous évitera de vous couvrir de ridicule !
Le renouvelable variable est infiniment plus pilotable que ne l’est le reaceur nucléaire…la preuve en est quotidinne.
Serge Rochain

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Eplf IRDEME mai 10, 2025 - 9:19 pm

Oui, depuis le 1 er avril en France, RTE a l’autorité pour déconnecter certains champs solaires.
Tous ont parait il besoin de nouvelles électroniques.
Pour l’instant, cette électricité déconnectée est payée au prix fort.
Ce qui pourrait expliquer les très bas prix, voire négatifs, imposés aux autres producteurs.
Où va l’électricité déconnectée ? Des batteries de masse seraient nécessaires?
Merci d’avance pour vos commentaires éclairés M.Rochain.

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