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La France sur le chemin des républiques bananières

par Yves Buchsenschutz
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Ces derniers temps, les revenus des Français sont en plein Maëlström. Il ne se passe pas de jour sans que l’on nous annonce une grande nouveauté qui va alternativement nous sauver ou au contraire nous assassiner. Cela émane tantôt du gouvernement le plus souvent représenté par Bercy, tantôt d’autres collectivités plutôt du même genre et ce sont en général plutôt des taxes ou des impôts, tantôt d’organisme payeur concernant nos revenus. Comme nous sommes rentrés, brutalement de plus, dans une phase d’inflation que l’on peut qualifier de forte (comprise entre 5 et 10 %) mais quasiment générale, les citoyens lambda ont un peu de mal à s’y retrouver. Nous vous proposons de faire un point forcément partiel puisqu’il y a 1000 manières différentes d’être rémunéré et paraît-il plus de 350 impôts et taxes différentes dans notre pays sans inclure toutes les sortes de cotisations.

A tout seigneur tout honneur, parlons de l’inflation. C’est un concept qui manifestement avait quasiment disparu de notre univers, au moins sous une forme sensible. Le système tolérait sans problème la légère spoliation des épargnants de l’ordre de 1,5 % par an qui était notre quotidien mais à cinq ou 10 %, c’est un peu comme si on avait commencé à verglacer la route. Les « anciens » se rappellent fort bien des périodes de forte inflation : il faut adapter sa conduite. Et encore nous avons la chance aujourd’hui d’être dans la zone euro et avec une inflation disons moins mal maîtrisée pour une fois que nos voisins (France environ 6 % contre Allemagne ou Grande-Bretagne aux environs de 10 et la Lettonie à 24 ). L’euro nous protège en partie mais nous enlève le pouvoir quasi spécifique de la France, abonnée dans les années 70 aux dévaluations à répétition. La difficulté vient plutôt actuellement de distorsions de dérapage entre les activités : le 6 % recouvre aussi bien du 30 ou 40 % dans des industries très énergivores comme le verre ou l’aluminium voire une certaine stabilité dans d’autres activités. Il est pour finir assez compliqué de comprendre qui est touché et comment. Pourtant à des taux nominaux aussi élevés il est clair que des activités se sont déjà arrêtées ou vont le décider incessamment. Gare aux réactions en chaîne et à une récession supplémentaire dont nous nous serions bien passés.

Parlons ensuite des recettes.
Côté salarial, la fonction publique a été augmentée de 4 % à l’été, ainsi que les retraites de base. Cela ne compense pas tout bien entendu mais arrondit au moins un peu les angles. Le problème sera la suite. Dans le privé, toutes les configurations existent : des sociétés – comme Total au demeurant – avaient commencé à donner des augmentations dès le début de 2022 mais de 3 % seulement, complétées désormais au vu de l’inflation constatée. D’autres n’ont pas encore bougé mais sont de plus en plus mal à l’aise. Notre ministre des finances annonce une hausse moyenne de 4,5 % à date La répercussion dans les tarifs suit des chemins aussi erratiques. Côté retraite, outre l’augmentation des retraites de base, les complémentaires ont fini par être augmentées de 5,1 % cet automne ce qui est plutôt mieux mais aussi plus tard.
En ce qui concerne les autres revenus la tendance est plutôt au statu quo : les taux des livrets d’épargne été un peu améliorés de l’ordre de 2 %, l’assurance-vie a peu bougé quand elle n’a pas baissé, la bourse a baissé de 30 % avec des dividendes en général stables en euros courants, les loyers ont été bloqués à plus 3,5 % ce qui n’encouragera certainement pas les propriétaires bailleurs et la construction ni d’ailleurs les éventuels acheteurs. Ces derniers sont de plus bloqués par le taux d’usure, lequel impose aux banques des gymnastiques pour le moins bizarres. Il est vrai que prêter à moins de 3 % dans une inflation à 6, n’est pas forcément une situation enviable. On a du mal à comprendre pourquoi ces aspérités n’ont pas été immédiatement adaptées. En conclusion seuls 300 000 logements probablement seront terminés en 2022.
Les aides sociales elles ont été plutôt bien revalorisées et une série de mesures ponctuelles est venue tenter de compléter les situations les plus délicates. Il est clair néanmoins que l’inflation, qui en général précède les réajustements de recettes n’est pas une bonne nouvelle pour une large partie de la population.

Côté dépense, le tableau se présente comme un cirque chatoyant et assez incohérent :
• On comprend bien que la hausse fulgurante du coût de l’énergie correspond in fine à un prélèvement atypique des pays producteurs sur la richesse ou les revenus des pays consommateurs. Les pays européens étant en général surtout consommateurs ils sont en quelque sorte « taxés » par le Qatar, l’Algérie, la Russie, l’Arabie Saoudite voire les USA. Nous payons le refus d’exploiter nos éventuelles ressources à ceux qui l’acceptent. (Ce phénomène est amplifié par l’arrêt des prospections des sociétés pétrolières craignant la transition énergétique, la mise au ban de la société de l’énergie nucléaire depuis Fukushima, la guerre Russie Ukraine qui a privé l’Allemagne en particulier de gaz et d’une manière générale la démondialisation sauvage qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement.) Le point important reste que ce transfert financier ne peut qu’être acté à date et que l’on a du mal à prévoir quand il s’arrêtera et comment ? Les pays consommateurs, pour atténuer le choc pour leur population ont déclenché des subventions diverses financées soit par l’impôt soit par l’emprunt.
• On comprend bien que les syndicats ont voulu en profiter : les syndicats français en particulier, fidèles à la charte d’Amiens, n’envisagent toujours pas de régler leurs différends avec leur employeur (état ou entreprise) autrement que par la force. C’est donc quand il y a crise, qu’il faut, de leur point de vue accentuer les difficultés pour le monnayer. L’énergie étant devenue un point critique, les syndicats pétroliers suivis par l’électricité en particulier nucléaire ont rajouté une couche pour tenter d’arracher des avantages supplémentaires. L’interrogation vient tout de même du fait que pour une fois, la société principalement concernée (ie TOTAL ENEREGIE) n’est certes pas parfaite mais faisait partie de celles qui avaient délibérément anticipés ces problèmes. À ce stade, je finirai par rejoindre un ami belge, pays où les salaires sont indexés sur l’inflation, ce qui a le mérite d’éviter les grèves à répétition dont en définitive la population est la seule victime. Une étude sur une vingtaine d’années montre que l’inflation n’a pas été plus forte en Belgique qu’en France, voire moins forte. De même en Allemagne, pays qui pratique depuis longtemps la concertation à la place de la confrontation. Je passe sur les raisons électoralistes internes aux syndicats. Aucune population, pas plus la française que les autres, n’avait besoin de 40 jours de perturbations graves dans ses transports, dans la situation actuelle.
• Il faudrait pouvoir connaître le nombre d’entreprises et d’emplois mis en péril par ces exigences catégorielles venant s’ajouter à deux ans de COVID et la flambée de l’inflation. Dans quelques mois, nous disposerons de l’évolution des entreprises (et en particulier les faillites ou disparitions) ainsi que du chômage et du marché de l’emploi, sans même parler des délocalisations qui s’envisagent. Il faudrait peut-être de temps à autre regarder un peu plus loin que le bout de son nez. Un syndicat que je sache n’a pas vocation à détruire son emploi au prétexte de l’améliorer.

Côté financement :
• La baisse du niveau de vie : sauf à alignement des salaires et revenus sur l’inflation, le niveau de vie devrait être en baisse. Pour le moment l’observatoire des inégalités ne fait pas remarquer de changement notoire mais c’est plutôt sur la période 2010 2020 qu’à court terme. Nous avons vu plus haut qu’il y a probablement une certaine détérioration car pour le moment les hausses sont plutôt des rattrapages que des anticipations. À noter également le retard classique des retraites, de l’épargne en général et de l’immobilier. D’une manière générale d’ailleurs, l’inflation pénalise d’abord les revenus fixes et l’épargne.
La baisse de l’euro sur le marché des changes, pénalise les voyageurs. À noter également que l’observatoire des inégalités s’intéresse surtout aux écarts entre riches et pauvres plutôt qu’à la valeur absolue.
L’épargne : si mes revenus deviennent insuffisants, une tendance peut être de puiser dans mon épargne. Les Français ont largement épargné pendant la crise de la COVID, ils auraient continué au premier trimestre 2022 mais la tendance s’inverserait au deuxième trimestre, ce qui signifierait une adaptation à l’inflation délicate.
Les aides d’État : elles sont considérables et prennent des formes très diverses, depuis les subventions multiples à l’énergie, aux primes pour les plus touchés ou fragiles. Le seul regret que l’on peut avoir est leur foisonnement semble-t-il désordonné lequel interdit pour le moment de comprendre facilement leur efficacité et leur rapport qualité-coût. Accessoirement cela fait surgir un problème dans la gestion des priorités. L’État français qui se veut omnipotent et ajoute chaque jour de nouvelles responsabilités à sa fonction : pêle-mêle, les lunettes, l’avortement, le harcèlement, la suradministration des hôpitaux, le financement de la télévision, la construction des logements sociaux (Paris à désormais comme objectif 40 % de logements sociaux à terme ?! Cherchez le vote) les handicapés… on pourrait peut-être par les temps qui courent se concentrer sur le problème de l’inflation, le maintien du niveau de vie existant de l’ensemble de la population ainsi que de son chauffage et de ses transports, également de la survie des entreprises et en conséquence des emplois sans chercher à tout prix améliorer telle ou telle mesurette qui jusqu’à maintenant ne posait pas problème. Notre état ne semble connaître ni concentration des efforts, ni productivité, ni simplification. (exemple de la santé : nous avons enfin compris que les hôpitaux sont en France suradministrés (35 % du budget en administration en France contre 25 % en Allemagne) réponse urbi et orbi de notre ministre de la santé : nous allons embaucher 10 000 administratifs supplémentaires ! Un effort significatif de simplification aurait peut-être pu faire l’affaire.
Les impôts : de ce côté les problèmes sont multiples :
1. rarement les modifications semblent avoir été aussi nombreuses :
2. il ne semble y avoir ni coordination ni politique claire dans les mouvements concernant les taux : les augmentations de taxes foncières par exemple cette année oscillent entre des 3 % à plus de 20, voire 30 % ! Pour l’année prochaine on nous annonce un dérapage de base de 7 % (= l’inflation ?) Sauf à Paris ce serait carrément 50 %. Pour financer les nouveaux logements sociaux ? Les taxes d’habitation ont effectivement été supprimées mais pas sur les résidences secondaires : celles-ci ont-elles le privilège de consommer seules l’éclairage public ? Vont-elles être interdites ?
3. Le prélèvement à la source devait permettre une adaptation en temps réel de l’IRPP. Selon les sources les tranches seraient réévaluées pour 2022 et 2023 ou à partir de 2023 seulement. Pourtant de taxation automatique due à l’inflation est effective dès 2022.
Seul l’IFI inébranlable ne semble pas bouger. Encore quelques années de ce régime et l’on sera imposé sur un pavillon de banlieue. C’est le nivellement fiscal par le bas.
4. Un certain nombre de taxes ou impôts correspondaient à des prestations définies et connues : par exemple la télévision publique, les frais communs de la cité, les droits de mutation ( ?)une partie des cotisations sociales. On pouvait comprendre sinon se réjouir de participer au financement de telle ou telle prestation. On constate que progressivement l’impôt non affecté et noyé dans les moyens indistincts de l’administration progresse, rendant sa justification et sa compréhension de plus en plus incertaine. Sur ce point nous suivons l’évolution des cotisations retraite qui n’auront bientôt plus rien de cotisations mais seront devenues un impôt dont l’État disposera à sa guise sans contrôle. Le contribuable est progressivement totalement déresponsabilisé et ne connaît plus qu’un chiffre, celui qui atterrit en définitive sur son compte après les multiples passages des services de l’État. Quant à essayer de comprendre ou de contester cela relève de l’ascension du Mont-Blanc : les mairies renvoient sur les impôts et les impôts ne répondent pas !

Malheureusement, malgré toutes ces manipulations, le déficit de notre pays continue à se creuser : les dernières estimations sont de 4,9 % du PIB pour 2022.
• Le dernier financement potentiel reste la dette laquelle devrait friser en fin d’année les 3 milliards d’euros pour un PIB annuel en 2021 de 2500Milliards d’€uros et des taux de refinancement qui ont oublié probablement pour un bon moment d’être négatifs. Nous allons travailler pour les banques !

 

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2 commentaires

zelectron novembre 14, 2022 - 3:17 pm

La France sur le chemin des républiques bananières
la dette : 3 000 milliards d’€uros et non 3 milliards.

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zelectron novembre 14, 2022 - 3:48 pm

La France sur le chemin des républiques bananières
Chaque fois que l’état embauche un fonctionnaire il contracte une dette à terme de 3,7 millions d’€uros en moyenne (avec ou sans la pension de réversion ?)
source Didier Migaud, précédent président de la Cour des comptes.

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