Quatre ans après le lancement de la Big Society de David Cameron, il est intéressant d’étudier certaines de ses applications, ainsi que la philosophie qui sous-tend cette réforme profonde de la société appelée de leurs vœux par les conservateurs du pays. Nous reprenons ici deux des points développés par l’Institut de l’Entreprise dans son rapport récent La Big Society de David Cameron et ses enseignements pour la France[[Royaume-Uni, l’autre modèle ? La Big Society et ses enseignements pour la France, par Eudoxe Denis et Laeticia Strauch.]].
Ainsi que le résume l’Institut de l’Entreprise, la Big Society « consiste à transformer radicalement le fonctionnement de la sphère publique, en prenant appui sur le potentiel que constitue la société civile, tout en réduisant la dépendance des individus à l’État providence ». Afin de parvenir à cette transformation de la société, de nombreux chantiers ont été mis en œuvre au Royaume-Uni, dont certains commencent déjà à donner leurs fruits. Parmi eux, deux succès sont frappants : celui de l’éducation et celui de la réinsertion des chômeurs éloignés de l’emploi.
L’éducation
Depuis 2010, le gouvernement a introduit des free schools et fortement encouragé les academy schools déjà mises en place par le gouvernement précédent. À la différence des écoles publiques classiques, ces écoles[[La free school est en fait une sous-catégorie d’academy school, qui donne la possibilité à des parents, professeurs, fondations, trusts ou paroisses, de créer leurs propres écoles.]] disposent de beaucoup plus d’autonomie : liberté par rapport au pouvoir local, liberté des programmes scolaires, liberté quant aux salaires et conditions d’exercice du personnel, quant aux horaires et durée des cours des élèves et quant à l’utilisation de leur budget. Elles reçoivent celui-ci de la puissance publique en fonction du nombre d’élèves : l’État donne pour chaque élève un budget identique à celui qui serait alloué pour un élève d’une école publique classique. Le succès de ce concept est absolument étonnant puisque à la rentrée 2013, plus de la moitié des écoles secondaires et un peu plus d’une école primaire sur dix ont été transformées en academies.
Cette libéralisation de l’école a permis une démocratisation des méthodes d’éducation les plus performantes et les plus adaptées aux élèves. Avant ces réformes, le système éducatif britannique était en effet séparé en deux catégories bien distinctes : les écoles gouvernementales (state schools) et les écoles privées (public schools[[Le nom est trompeur !]]). Mais les écoles privées, d’un prix d’environ 11.500 livres par an et accueillant 7% des élèves, ont été rendues inaccessibles même pour la classe moyenne. C’est afin de modifier cette séparation et donc de relancer l’ascenseur social qu’ont été autorisées et encouragées les free schools et les academy schools : leurs diverses méthodes d’éducation empruntent en effet largement à celles des écoles privées. Sans surprise, les premières évaluations ont déjà montré les performances supérieures de ces écoles par rapport aux écoles publiques classiques[[18 des 25 premières free schools ont été jugées bonnes ou excellentes. Ce qui, toutes proportions gardées, donne un taux d’établissements jugés bons ou excellents de 72%, contre 65% pour les écoles publiques.]], sans oublier un effet moins facile à mesurer : l’émulation que produit une telle concurrence sur les écoles publiques.
La réinsertion des chômeurs
Le deuxième succès le plus frappant de la Big Society concerne la réinsertion des chômeurs de longue durée ou à employabilité réduite. Ce service d’accompagnement a été ouvert à 18 prestataires issus du privé ou du tiers secteur, ceux-ci étant pour l’essentiel payés au résultat, plusieurs milliers de livres, jusqu’à près de 14.000 livres, selon le profil de la personne, versés quand celle-ci a retrouvé un emploi stable. Un démarrage plutôt lent a d’abord fait croire à un échec, mais les performances ont grimpé en 2013 : si on ne se limite pas aux personnes qui occupent leur emploi depuis plus de 6 mois, ce serait au total 450.000 personnes qui auraient trouvé un emploi grâce à ce dispositif. Avec 1,4 million de demandeurs d’emploi concernés, cela signifie un taux de réinsertion de plus de 30%.
Ces deux exemples sont intéressants car ils démontrent que l’implication plus importante de la société civile et la délégation de compétence de la part de l’État, loin de signifier une dégradation du service public, entraîne au contraire une amélioration de celui-ci, et notamment pour les publics les plus modestes ne pouvant se payer le luxe de services de substitution.
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si seulement
si seulement une personnalité politique avait le courage de proposer ce genre de dispositif en France !!