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L’Europe face aux défis migratoires :

par Claude Sicard
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Les flux migratoires auxquels est soumise aujourd’hui l’Europe agitent de plus en plus les opinions publiques, et ils ne vont que se développer dans les années à venir. Les démographes nous indiquent en effet, que d’ici à 2050 la population du continent africain va s’accroître d’ un milliard d’habitants, et l’on voit déjà bon nombre d’Africains tenter de migrer, en prenant parfois des risques considérables, vers le continent européen afin d’y trouver refuge, faute de pouvoir disposer dans leur pays de conditions de vie acceptables. Ils voient l’Europe comme une contrée mythique, un Eldorado. Au niveau européen, aucune stratégie n’existe pour faire face à ces problèmes, ce qui est tout à fait surprenant, et il est donc urgent d’en définit une. Précisément, le gouvernent français a programmé une session du Parlement, de deux jours, fin septembre, pour débattre de ces questions.

Le président français, Emmanuel Macron, conscient des dangers importants que fait courir à son gouvernement la montée des inquiétudes de la population face au développement de ces flux migratoires, a pris le risque, comme l’écrit Yves Thréard dans un tout récent éditorial du Figaro, de « s’attaquer au tabou de l’immigration ». Cela devenait urgent pour lui, face à la montée des courants populistes dans le pays. A la journée parlementaire de La République en Marche, à Saint Denis, il a choqué, nous disent les éditorialistes, la « sensibilité humanitaire » d’une partie de sa majorité, en manifestant sa ferme volonté de mieux maîtriser dorénavant les flux migratoires dans notre pays. C’est dans l’allocution qu’il a prononcée jeudi dernier au palais Palazzo Chigi, à Rome, lors de sa rencontre avec le premier ministre italien, qu’il a été le plus précis : il a totalement dévoilé sa pensée, expliquant qu’il allait s’agir d’accueillir dorénavant, dans nos pays européens, seulement les immigrés qui sont effectivement justiciables du droit d’asile selon les conventions existantes, et de reconduire systématiquement dans leur pays d’origine les migrants économiques, avec des accords de renvoi, et, a-t-il dit, en procédant « de façon plus coordonnée au niveau européen ».

Les flux migratoires qui se déversent sur l’Europe inquiètent, on le voit bien dans tous les pays européens, de plus en plus les populations locales qui y voient une menace à la fois pour leur sécurité et pour leur identité. Ces flux ne vont pouvoir qu’aller en s’amplifiant, la population du continent africain devant doubler d’ici à 2050. La porte-parole du gouvernement français, Sibeth Ndiaye, a bien expliqué, ainsi, à la sortie du dernier conseil des ministres, à Paris : « Notre pays sera confronté dans les années à venir à des mouvements sans doute massifs de population ». Un débat au Parlement va donc avoir lieu le 30 septembre prochain pour voir quelles sont les nouvelles dispositions à prendre pour faire face à ce défi. Curieusement, au niveau européen, rien n’est fait. Les dirigeants de Bruxelles n’ont, pour l’instant, d’autre solution à proposer que de recourir aux services de l’état turc pour bloquer les migrants qui s’acheminent vers l’Europe, ce que le président turc Tayyip Erdogan a accepté de faire contre rémunération, et de renforcer progressivement les moyens de Frontex.

Il va donc falloir entreprendre de traiter ce problème des migrations en s’attaquant, enfin, aux racines mêmes du mal, à savoir le grave sous-développement de tous ces pays qui se trouvent au sud du continent européen. Et, pour cela, agir au niveau européen, car il n’y a qu’à ce niveau que le problème peut être réellement traité, et ce en réformant complètement nos procédures d’intervention. Cela va demander des moyens considérables, et va nécessiter que l’on opère avec une approche totalement nouvelle de ces problèmes.
L’Europe consacre, aujourd’hui, à l’APD (Aide publique au développement) environ 60 milliards €, chaque année, et cette aide s’étend à l’ensemble des 79 pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Seulement 40 % de cette aide est, aujourd’hui, orientée vers les pays africains, soit 24 milliards € par an. S’agissant essentiellement d’aides bilatérales, les actions sont menées dans le désordre. Le FED, qui est l’instrument d’intervention de l’UE, dispose d’un budget restreint : 30,5 milliards € pour la période 2014-2020. Les procédures actuelles étant totalement inefficaces, il va falloir complètement les modifier en s’inspirant, notamment, de la façon d’opérer des Chinois en Afrique. Ceux-ci agissent par des actions directes : ils réalisent eux-mêmes les grands travaux d’infrastructures, et créent des zones d’activité où s’installent de nouvelles entreprises industrielles, généralement chinoises d’ailleurs. En échange, ils obtiennent des concessions d’exploitation de gisements minéraux ou pétroliers ou de vastes domaines agricoles. Le FMI a reconnu que l’aide chinoise « impacte positivement la croissance des pays africains », ce qui n’est nullement le cas des aides occidentales.

La stratégie à adopter par l’Europe devrait donc être, dans ses grandes lignes, la suivante :

1- Porter immédiatement à 100 milliards € par an, soit 0,7 % du PIB de l’UE, notre APD, et ce conformément aux engagements pris en 1960 devant l’ONU, alors que l’on n’en est qu’à 0,39 % seulement aujourd’hui, dans les pays européens. Cette aide serait focalisée sur les pays africains, et directement gérée par l’UE, les pays membres renonçant donc à leurs pratiques actuelles d’aide bilatérale.

2- Consacrer l’APD de l’Europe exclusivement aux trois objectifs suivants :
– La réalisation d’infrastructures dans les pays aidés ;
– L’alimentation d’un fonds d’assurance des investissements destiné à couvrir des risques politiques des entreprises européennes s’installant en Afrique, à l’image de la MIGA créée par la BIRD à Washington ;
– L’aide à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine, selon des modalités à définir avec les pays concernés.

Le volet « assurance des investissements privés » est essentiel, car les pays africains sont des pays où les risques politiques sont importants. Ces pays ne pourront pas sortir de leur état de sous-développement sans le concours des firmes étrangères. C’est ainsi, d’ailleurs, que la Chine a réussi son développement, en exigeant systématiquement, de surcroît, des transferts de technologie. Les entreprises étrangères fournissent aux pays émergents qui se développent des capitaux pour investir, elles apportent leur savoir-faire, et elles forment les personnels locaux. De surcroît, ce sont elles qui vont être capables de développer les exportations de ces pays, ce qui est essentiel, car tout jeune pays qui se développe voit croître à très grande vitesse ses importations. Il faut donc des exportations croissant rapidement pour les financer, et seules les entreprises étrangères peuvent faire face à ces besoins, les entreprises locales n’ayant pas les réseaux commerciaux voulus pour accéder aux marchés des pays développés, qui sont les marchés où se trouvent en très grand nombre les clients solvables.

L’aide de l’Europe à l’Afrique se trouverait par conséquent multipliée par quatre, et l’on exigerait, en contrepartie, de ces pays qu’ils réintègrent automatiquement chez eux tous leurs migrants. Ce serait la contrepartie négociée de cette nouvelle aide au développement, une aide considérable fournie par l’Europe. De telles négociations, pour aboutir, pourront être menées seulement au niveau européen, puisqu’il faudra mettre chaque fois dans la balance d’importantes aides financières.

En procédant de cette manière, l’Europe répondrait ainsi pleinement aux attentes de ses populations qui souhaitent sauvegarder la cohésion de leurs sociétés. Et elle s’acquitterait, simultanément, de ses devoirs moraux, des devoirs exprimés par toutes ces personnes, et elles sont semble-t-il nombreuses, qui expriment une sensibilité humaniste, en faisant des efforts considérables pour aider ces pays émergents à sortir de leur état de sous-développement.

Les véritables réfugiés continueraient, comme l’a indiqué en Italie Emmanuel Macron, à être accueillis comme précédemment. Et il s’ouvrirait pour nos entreprises, ce qui n’est pas négligeable, des marchés nouveaux très importants.

 

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2 commentaires

Boot septembre 22, 2019 - 6:49 pm

L’Europe face aux défis migratoires :
Beaux écrits…. mais j’ai comme l’impression quant il s’agit de l’immigration du sud et de l’Afrique d’entendre la même ritournelle depuis 50ans.

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zelectron septembre 23, 2019 - 12:16 pm

Aidez l’Afrique, elle vous aidera
Aidez l’Afrique, elle vous aidera
routes, soins, vaccins, électricité, réseaux téléphoniques, aides à l’agriculture . . . tout ça pour que nous en soyons récompensé par une émigration qui ne dit pas son nom : invasion!

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