À deux reprises, l’IRDEME a déjà souligné la situation paradoxale des États-Unis, pays de loin le plus dépensier pour la santé mais qui affiche l’espérance de vie la plus faible parmi les nations développées (voir nos articles du 13 octobre 2022 Le plafonnement et le recul de l’espérance de vie aux États-Unis et du 4 octobre 2024 La chute de la maison U. S.). Nous complétons et confirmons ces analyses par un examen combiné des indicateurs « espérance de vie en bonne santé » et « part des dépenses de santé dans le produit intérieur brut (PIB) » dans 14 grands pays de l’OCDE.
Le graphique ci-dessous met en relation, pour les 14 plus grands pays de l’OCDE (par leur population et/ou leur PIB) :
* un indicateur de base de l’état de santé : l’espérance de vie en bonne santé à la naissance ;
* un indicateur de base du coût de la santé : la dépense courante de santé, exprimée en % du PIB.
La droite de tendance exprime la relation linéaire que l’on peut dégager entre ces deux indicateurs : la corrélation est positive (plus on dépense en % du PIB, meilleure est l’espérance de vie en bonne santé), mais faible (coefficient de corrélation R = 0,27 ; nous verrons plus bas à quoi cela tient).
L’efficacité relative de chaque pays, en termes d’espérance de vie en bonne santé, se mesure par son éloignement de la droite de tendance : les pays se situant au-dessus de cette droite sont moins efficaces que l’ensemble d’entre eux, ceux qui sont en dessous de cette droite sont plus efficaces.

Pays moins efficaces que la moyenne : de très loin le moins efficace, tout en haut du graphique, les États-Unis (63,9 ans ; 16,7 % du PIB) ; puis, plus près mais au-dessus de la droite, dans l’ordre d’inefficacité décroissante : l’Allemagne (68,9 ; 11,8), la France (70,1 ; 11,6), le Canada (69,8 ; 11,2) et le Royaume-Uni (68,6 ;10,9).
Pays se situant sur la droite de tendance : les Pays-Bas (70 ; 10,1) et le Japon (73,4 ; 11,1).
Pays plus efficaces que la moyenne : d’assez loin, tout en bas, la Turquie (65,2 ; 4,2), puis le Mexique 61,4 ; 5,2) et la Pologne (65,5 ; 7). Viennent ensuite, plus près de la droite, l’Italie (70,6 ; 8,4), puis l’Espagne (71,1 ; 9,6), la Corée du Sud (72,5 ; 9,9) et l’Australie (70,6 ; 9,7).
Des 14 pays, le Mexique est le seul dont l’espérance de vie en bonne santé reste inférieure à celle des États-Unis, mais l’écart n’est pas considérable, alors que le Mexique dépense plus de trois fois moins que son grand voisin en proportion du PIB.
Rappelons, pour mémoire, que la Chine affichait une espérance de vie en bonne santé de 68,6 ans en 2021, soit 4,7 années de plus qu’aux États-Unis.
Si nous enlevons les États-Unis de notre groupe de pays pour ne garder que les 13 autres, la corrélation s’améliore brusquement pour atteindre un niveau élevé (coefficient de corrélation R égal à 0,76). Cela manifeste de façon éclatante la situation tout à fait aberrante des États-Unis, en termes d’efficacité de leurs dépenses de santé.
C’est là l’enseignement majeur qui ressort de la comparaison. Par rapport à cela, les autres différences sont moindres. Pour la France, quels que soient les défauts de notre système de santé, les chiffres sont là : l’efficacité globale de la dépense, en termes d’espérance de vie en bonne santé, est peu différente de celle de nos voisins, et un peu meilleure que celle de l’Allemagne.
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L’espérance de vie en bonne santé, certes, ne résume pas la totalité de l’état sanitaire d’un pays. Mais elle n’en demeure pas moins un élément qui compte beaucoup dans l’appréciation de l’efficacité de chaque système. Les performances indéniables du système américain -recherche, médecine de pointe- ne sont pas décisives si celui-ci, par ailleurs, atteint médiocrement des niveaux de résultats que l’on est en droit d’attendre de tout système de santé.
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