Page d'accueil Études et analyses  Efficacite des systemes de sante compares dans l’OCDE

 Efficacite des systemes de sante compares dans l’OCDE

par Philippe Baccou
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À deux reprises, l’IRDEME a déjà souligné la situation paradoxale des États-Unis, pays de loin le plus dépensier pour la santé mais qui affiche l’espérance de vie la plus faible parmi les nations développées (voir nos articles du 13 octobre 2022 Le plafonnement et le recul de l’espérance de vie aux États-Unis  et du 4 octobre 2024 La chute de la maison U. S.). Nous complétons et confirmons ces analyses par un examen combiné des indicateurs « espérance de vie en bonne santé » et « part des dépenses de santé dans le produit intérieur brut (PIB) » dans 14 grands pays de l’OCDE.

Le graphique ci-dessous met en relation, pour les 14 plus grands pays de l’OCDE (par leur population et/ou leur PIB) :

* un indicateur de base de l’état de santé : l’espérance de vie en bonne santé à la naissance ;

* un indicateur de base du coût de la santé : la dépense courante de santé, exprimée en % du PIB.

La droite de tendance exprime la relation linéaire que l’on peut dégager entre ces deux indicateurs : la corrélation est positive (plus on dépense en % du PIB, meilleure est l’espérance de vie en bonne santé), mais faible (coefficient de corrélation R = 0,27 ; nous verrons plus bas à quoi cela tient).

L’efficacité relative de chaque pays, en termes d’espérance de vie en bonne santé, se mesure par son éloignement de la droite de tendance : les pays se situant au-dessus de cette droite sont moins efficaces que l’ensemble d’entre eux, ceux qui sont en dessous de cette droite sont plus efficaces.

Pays moins efficaces que la moyenne : de très loin le moins efficace, tout en haut du graphique, les États-Unis (63,9 ans ; 16,7 % du PIB) ; puis, plus près mais au-dessus de la droite, dans l’ordre d’inefficacité décroissante : l’Allemagne (68,9 ; 11,8), la France (70,1 ; 11,6), le Canada (69,8 ; 11,2) et le Royaume-Uni (68,6 ;10,9).

Pays se situant sur la droite de tendance : les Pays-Bas (70 ; 10,1) et le Japon (73,4 ; 11,1).

Pays plus efficaces que la moyenne : d’assez loin, tout en bas, la Turquie (65,2 ; 4,2), puis le Mexique 61,4 ; 5,2) et la Pologne (65,5 ; 7). Viennent ensuite, plus près de la droite, l’Italie (70,6 ; 8,4), puis l’Espagne (71,1 ; 9,6), la Corée du Sud (72,5 ; 9,9) et l’Australie (70,6 ; 9,7).

Des 14 pays, le Mexique est le seul dont l’espérance de vie en bonne santé reste inférieure à celle des États-Unis, mais l’écart n’est pas considérable, alors que le Mexique dépense plus de trois fois moins que son grand voisin en proportion du PIB.

Rappelons, pour mémoire, que la Chine affichait une espérance de vie en bonne santé de 68,6 ans en 2021, soit 4,7 années de plus qu’aux États-Unis.

Si nous enlevons les États-Unis de notre groupe de pays pour ne garder que les 13 autres, la corrélation s’améliore brusquement pour atteindre un niveau élevé (coefficient de corrélation R égal à 0,76). Cela manifeste de façon éclatante la situation tout à fait aberrante des États-Unis, en termes d’efficacité de leurs dépenses de santé.

C’est là l’enseignement majeur qui ressort de la comparaison. Par rapport à cela, les autres différences sont moindres. Pour la France, quels que soient les défauts de notre système de santé, les chiffres sont là : l’efficacité globale de la dépense, en termes d’espérance de vie en bonne santé, est peu différente de celle de nos voisins, et un peu meilleure que celle de l’Allemagne.

*

L’espérance de vie en bonne santé, certes, ne résume pas la totalité de l’état sanitaire d’un pays. Mais elle n’en demeure pas moins un élément qui compte beaucoup dans l’appréciation de l’efficacité de chaque système. Les performances indéniables du système américain -recherche, médecine de pointe- ne sont pas décisives si celui-ci, par ailleurs, atteint médiocrement des niveaux de résultats que l’on est en droit d’attendre de tout système de santé.

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9 commentaires

Georges Foucaud-Van Heuven novembre 29, 2025 - 8:59 am

Il n’y a évidemment pas que les dépenses de santé pour expliquer l’espérance de vie, il y a aussi le bien-être (et parfois le bonheur!), l’optimisme, la façon de se nourrir, le sport,…
Donc votre régression linéaire ne prouve rien!

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Gérard Dosogne novembre 29, 2025 - 9:04 am

Ce graphique est amusant car il prouve l’inverse de la théorie de l’auteur : en effet l’espérance de vie est supérieure en Italie , Espagne Australie Corée et même Japon , pays qui dépensent moins pour la santé que la France l’Allemagne ou bien sur les usa où l’EV est inférieure . Donc il n’y a pas de corrélation entre l’EV en bonne santé à la naissance et les dépenses de santé par rapport au PIB . D’ailleurs l’etude de l’OCDE impute l’EV à la qualité des soins et l’hygiène de vie ( alcool, cigarette , obésité…) et aux efforts de prévention.

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moulin novembre 29, 2025 - 11:14 am

Oui, aux précédents commentaires, la corrélation est faible, mais assez forte, et embarque le niveau de richesse : plus on est riche et égalitaire, ce que ne sont pas les USA (où les pauvres ne se soignent pas et sont accros à la nourriture industrielle et où les riches dépensent bcp) , plus on vit longtemps. Quand je suis né, l’espérance de vie était de 59ans. En 78 ans, les progrès scientifiques, techniques et de richesse ont été énormes.

Si on sortait le Japon, qui se nourrit différemment de nous, et les 3 pays moins riches, une droite relierait les USA et l’Espagne et inciterait à penser qu’en diminuant les dépenses on augmente l’espérance de vie.

Pour moi, les chiffres montrent aussi, qu’augmenter les dépenses de santé n’est pas forcément le plus efficace. La prévention au sens large, qui pourrait peut être être étudiée ? est parait il, selon des organisations de santé opérant dans plusieurs pays, le plus efficace, pour réduire les dépenses et augmenter l’espérance de vie en bonne santé et tout court.

Le % de centenaires serait parait il un bon indicateur de bonne politique de santé des habitants installés de longue date dans un pays. Mais, comme pour PISA, les nouveaux habitants perturberont un peu les analyses. Les déplacements des droites de régression au cours du temps seraient aussi intéressants à analyser.

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Gerard TARDY novembre 29, 2025 - 3:37 pm

Notre fils qui travaille á SannFrancisco vient d’avoir deux jumelles nées en octobre 2025 (grossesse menée á terme , durée de l’hospitalisation 4 jours pour le mére et les enfants) Il s’est vu facturer 256 800 $ . Cette facture sera renégociée par l’Assurance de l’entreprise US qui enploie son epouse. et celle ci reglera probablement de l’ordre de 180 000 $ . Un Systéme soutenable ????

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No-name novembre 29, 2025 - 6:00 pm

Le problème avec votre analyse est qu’elle omet un point très important, ce qui limite fortement la portée de vos conclusions. Les patients américains subventionnent le reste du monde. Les pharmaceutiques américaines peuvent s’engager dans la recherche en nouveaux médicaments parce qu’elles font payer le prix réel de la recherche aux consommateurs U.S., mais pas au reste du monde. Les Etats-Unis en effet dépensent beaucoup, mais les patients ne font pas face à la meme structure de prix qu’en Europe par exemple. Une fois les traitements amortis aux U.S. ils sont vendus au reste du monde à des prix plus bas. C’est pour cette raison que les derniers traitements en date contre le cancer par exemple ne sont pas toujours disponibles en France car ils sont trop chers (et de moins en moins). Une fois ce biais pris en compte, l’analyse change complètement. Il y aussi énormément de disparités aux U.S. selon les groupes. Et vu l’état des hôpitaux publics en France, les comparaisons de dépenses sont biaisées: on ne compare pas le meme service.

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Eplf IRDEME novembre 30, 2025 - 10:38 am

Cher No Name Incognito, votre boite courriel est pleine …

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Philippe Baccou novembre 30, 2025 - 7:57 pm

Un grand merci aux auteurs de ces commentaires, qui sont tous intéressants, méritent discussion et peuvent être jugés recevables, dans certaines limites toutefois.
L’article met en évidence une corrélation, et non pas une absence de corrélation, entre espérance de vie en bonne santé et part des dépenses de santé dans le PIB. Le point à discuter porte sur l’intensité de cette corrélation: assez faible si on inclut les Etats-Unis, beaucoup plus forte si on ne compte pas ce pays. Cette conclusion vaut pour les 14 plus grands pays de l’OCDE, mais elle reste valable si l’on en ajoute d’autres plus petits. Les Etats-Unis sont tellement atypiques qu’ils contribuent à eux seuls (sans que le calcul soit pondéré par leur poids en population ou en PIB) à diviser environ par 3 le coefficient de corrélation. La conclusion à en tirer est que les Etats-Unis sont dans une situation aberrante par rapport à l’ensemble des autres pays. Il y a bien sûr des disparités entre les autres, mais elles restent du second ordre.
La France est loin d’être la mieux placée, mais, pour utiliser des métaphores sportives, elle « reste dans le peloton », en compagnie notamment de deux autres « poids lourds », l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Georges Foucaud-Van Heuven et No-Name ont raison de dire que la mise en relation du poids de la dépense de santé avec l’espérance de vie en bonne santé ne tient compte, ni de tous les aspects de l’état de santé, ni de tous ses facteurs explicatifs. C’est une situation banale en analyse statistique. L’exhaustivité en ce domaine est non seulement impossible, mais déconseillée, car on ne pourrait plus voir grand-chose. En se limitant aux deux indicateurs de l’article, on manque certains aspects, mais on en garde tout de même beaucoup (notamment le coût de la « qualité des soins » et de la « prévention » mentionnés par Gérard Dosogne). Cela suffit pour faire apparaître cette sorte d' »éléphant dans la pièce » que sont ici les Etats-Unis.
Les explications avancées par certains commentaires pour rendre compte du « paradoxe américain » ne sont pas sans valeur, mais cela reste assez limité: la « façon de se nourrir » est peut-être moins bonne aux Etats-Unis qu’en France, mais, pour l' »optimisme », c’est manifestement l’inverse. J’ai aussi mentionné, comme No-Name, l’effort de recherche et la médecine de pointe aux Etats-Unis comme une cause possible de surcoût, mais je ne crois vraiment pas qu’en incluant cela, « l’analyse change complètement ». Si le peuple américain, de la sorte, faisait don au reste de la planète d’environ 5 à 6 points du PIB américain, les responsables politiques de ce pays, qui ne sont pas des philanthropes, n’y auraient-ils pas depuis longtemps mis le holà ?

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Yves Montenay novembre 30, 2025 - 8:50 pm

Cet article était absolument nécessaire, car la question est mal connue. Sauf par des Américains : je confirme ce qui a déjà été signalé sauf erreur à l’Assemblée nationale : des Américains vendent leur logement, en achètent ou en louent un en France pour se faire soigner gratuitement. Juridiquement ils ne trichent pas, puisqu’ils n’ont pas de revenus… ce qui ne veut pas dire qu’ils soient pauvres

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ALAIN STÉPHAN décembre 1, 2025 - 11:45 am

Voilà un article qui remet en cause bien des idées reçues. La parallèle entre l’espérance de vie en bonne santé et la dépenses de santé est particulièrement éclairant.
Ainsi, les dépenses de santé en France ne semblent pas déraper.
Toutefois, que la France se situe dans une honnête moyenne ne doit pas la dispenser de maintenir ses efforts, tant pour élever l’espérance de vie en bonne santé que pour maintenir ces dépenses à un niveau raisonnables.

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