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Éducation : intégrer dès la toute petite enfance

par Marie-Claire de Trentinian
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Tous les intervenants en classes de maternelle vous le diront : « Nous savons repérer, dès cet âge-là, quels sont les enfants qui auront des difficultés dans leur parcours scolaire » !
Alors, que faire pour éviter que ces enfants n’arrivent « en retard » en CP, ce cours préparatoire si primordial pour les années suivantes ?

Ce sont souvent ces enfants qui se retrouvent mal insérés, troublant les classes ou adeptes de l’absentéisme… et formant ensuite la troupe des 150.000 jeunes sans formation (par la suite, quand on leur en propose une, ils rétorquent : « Ah, non ! une formation, c’est comme l’école, on n’en veut pas ! »). C’est pourquoi, en charge de ce qui est appelé la politique de la ville à Boulogne-Billancourt, j’ai essayé de m’attaquer à ce problème.

Projet :

Créer une petite « pré-maternelle » pour ces tout-petits de 2/3 ans, afin de ne pas les voir arriver en maternelle avec des difficultés de comportement qui les grèvent dès leur parcours scolaire.

Comment mettre sur pied un tel projet :

1/ Comment obtenir des avis précis des directeurs de maternelle ?

Seul, l’un d’entre eux a bien voulu m’« ouvrir » son ordinateur avec, de surcroît, de précieux conseils : « Regardez : ce sont des enfants dont les familles sont peu socialisées, majoritairement immigrées, parlant pas ou peu notre langue. Ces familles sur-protègent leurs enfants ; de plus, ce sont ces enfants-là qui sont le plus souvent absents, vous imaginez donc leur parcours futur… Le peu que vous pourrez faire est important !».

2/ Quelles sont les expériences existantes ?

Les 3 communes d’Île-de-France qui ont mis en place des petites unités dans ce but m’ont permis de cerner les difficultés à éviter dont la principale est d’avoir un poste partagé Commune-Éducation Nationale (des divergences apparaissaient sur la compréhension du projet lui-même…).

3/ Quelle est l’ampleur de cette situation et comment repérer ces enfants ?

Comment y parvenir puisque les statistiques par origine ne sont pas autorisées…
A force de contacter des intervenants sur ces quartiers, une jeune docteur de PMI[[PMI : Protection Maternelle Infantile]] me rassure : « Ne vous inquiétez pas… dans nos PMI, ces familles, nous les voyons toutes passer chez nous : je vais reprendre tous nos dossiers sur 3 ans et vous sélectionner les familles d’origine étrangère. ».
Je lui suis très reconnaissante de ce gros travail car il y a en moyenne 1.600 naissances par an sur notre commune !

Le plus important a été que les 3 PMI de la ville ont été parties prenantes de ce projet : elles étaient d’accord pour envoyer les familles repérées vers cette petite structure ; d’ailleurs, c’est cela qui a convaincu le maire de l’époque de financer une telle structure : A petits pas a été créé au centre ville dans la Cité de l’Enfance.

Fonctionnement de A Petits Pas :

Après quelque temps de fonctionnement, la jeune directrice (dont la principale qualité est, outre tous ses diplômes, d’être forte de son expérience de mère de famille nombreuse…) raconte :

– « A leur arrivée, les garçons me tapent car ils ont l’habitude de taper leur mère comme ils le voient faire par leurs père et frères… j’apprends donc aux mères à lever un doigt et à dire à l’enfant : « on ne tape pas ! » j’ai vu d’ailleurs qu’elles avaient traduit cela par : « Noëlle (mon nom) a dit : on ne tape pas ! » en levant leur index.

– « On chante beaucoup de chansons, des rondes… on leur apprend à écouter, à se mettre en rang sans se rouler par terre de colère … on leur apprend à ranger leurs jouets, c’est d’ailleurs amusant de voir tout de suite le petit leader qui dit d’un air sévère : « T’as pas rangé ! » à un autre enfant…».

Ce qu’elle explique sur les mères est significatif :

– « Lorsqu’une mère est adressée par la PMI, il arrive que le père soit présent au 1er entretien. Un jour, l’un d’eux me coupe la parole et me dit : « Madame, ne parlez pas à ma femme, c’est à moi que vous parlez… » il a fallu lui expliquer… ».

– « Nous apprenons (petit à petit !) aux mères à arriver à l’heure : « vous savez, ce sera très important l’année prochaine pour votre petit ! » mais c’est un combat de tous les jours… ».

– « Au début, les mères arrivent avec des biberons remplis de liquide farineux épais, je les prends sans faire de réflexion, mais à midi, quand elles viennent rechercher leur enfant, je leur rends le biberon plein en leur expliquant : « Vous savez, il n’en a pas eu besoin car en milieu de matinée, nous faisons la pose « Eau ». Nous ne leur donnons pas à manger en pleine matinée sinon ils n’auront plus faim au repas de midi ! ».

– « Dès qu’une femme ne parle pas ou peu français, nous l’orientons vers une association avec laquelle nous sommes en relation pour qu’elle soit alphabétisée ».

Conclusion :

On se rend compte que c’est le statut de la femme qui est en cause dans ces familles.
Ce sont des familles peu socialisées où règne une certaine violence, où le fait d’avoir un enfant justifie pour ces femmes leur statut.
Ne sachant pas la langue parlée, elles sont donc très repliées sur elles-mêmes ; il faut voir le plaisir qu’elles ont à se retrouver entre elles, arrivant à se comprendre alors que, souvent, elles ne parlent même pas la même langue.

Les enfants restent entre 6 mois et 1 an dans cette structure suivant leur âge et leurs besoins.
Il y a en permanence une dizaine d’enfants, et certaines maîtresses de maternelle aimeraient y renvoyer des enfants violents qui, disent-elles, en auraient besoin mais ce n’est pas le but…

 

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1 commenter

yves buchsenschutz juin 17, 2014 - 11:55 am

Éducation : intégrer dès la toute petite enfance
Trois remarques sur cette passionnante expérience :
L’éducation est un phénomène cumulatif et global, donc plus on démarre tôt – 6 mois – et largement – les femmes et la famille – plus le résultat sera concluant.
Il faut traiter les cas un par un – comme pour la sortie du chômage : donc des petites structures, souples.
Le litige latent avec le monopole de l’Education Nationale et le problème du financement : il me semble qu’un recours au bénévolat serait non seulement utile mais nécessaire : cette forme d’intervention se révélera certainement mieux adaptée et pèsera moins sur les comptes.
Après tout, cela doit être cela, l’intégration intelligente !

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