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UNE SUISSE EXEMPLAIRE : FREINS à l’endettement et PERFORMANCE

par Claude Sicard
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La Suisse est un pays admirable et l’on aurait beaucoup d’enseignements à tirer de la façon dont il  fonctionne. C’est un pays qui a longtemps été  pauvre au point qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles les jeunes Suisses allaient s’engager comme mercenaires dans différents pays européens. On se souvient que, le 10 Août 1792, 400 gardes suisses furent massacrés aux Tuileries en défendant le roi Louis XVI. Aujourd’hui, la Suisse est un pays riche, qui a sa propre monnaie, et celle-ci est très appréciée ; et les Suisses ont un PIB par habitant qui est plus du double du notre…

Le PIB/capita de la Suisse s’élève à 102.865 dollars, alors que le nôtre se monte à seulement 46.315 dollars ( Source Statista). C’est un pays où il n’y a pas de chômage, jamais de grève, un pays dont la balance commerciale est chaque année positive et dont l’endettement extérieur est extrêmement faible. Comparativement à la France, ces performances sont stupéfiantes. Ce pays nous est  très proche, tant géographiquement que par le fait qu’une bonne partie de ses habitants parlent notre langue, mais il ne vient jamais à l’idée d’aucun de nos dirigeants d’examiner comment il s’y prend pour avoir une économie dynamique et bien équilibrée. La France est un pays particulier : ayant été le pays le plus puissant d’Europe, et, aussi,  le pays « des Lumières », elle s’est forgé une âme qui a vocation à montrer la voie aux autres pays, et nos dirigeants n’ont donc pas l’instinct d’aller regarder ce qui se fait ailleurs pour en tirer des leçons. Ils ne font jamais du «  benchmarking ».

Nous voudrions, ici, au moment précisément où nous nous débattons pour nous extraire du problème de la croissance constante de notre dette extérieure, une dette qui nous coûte de plus en plus cher, attirer l’attention de nos lecteurs sur le système de frein à l’endettement public qui a été mis en place chez notre voisin.

Il paraîtrait utile de l’introduire dans notre Constitution : il y aurait toute sa place, à côté du principe de précaution. Il serait temps, en effet, de fournir à nos dirigeants le moyen de maîtriser la dépense  publique, car cela fait maintenant 50 ans que chaque année notre pays s’endette pour boucler le budget de la nation. Nous en sommes arrivés à une dette supérieure au PIB, et son service va représenter bientôt le plus gros poste du budget de la nation.

Le « frein à  l’endettement » : article 126 de la Constitution, en Suisse

Le montant de la dette, en France, est extrêmement élevé : 113 % du PIB, et le FMI estime que malgré tous les efforts qui seront déployés par notre gouvernement nous en serons à 124,1 % en 2027. En 1974, nous en étions à 20 % seulement : nos gouvernants, quel que soit leur couleur politique, ne parviennent pas, en effet, à maîtriser la dépense publique.

En Suisse, c’est la population, elle-même, qui a tiré la sonnette d’alarme, commençant à s’inquiéter de la dette du pays (la dette fédérale) quand elle s’est approchée de 50 % du  PIB. Il a donc été organisé, en 2001, une « votation populaire » sur la proposition de mettre en place un mécanisme d’équilibrage obligatoire des comptes fédéraux. Cette proposition a été approuvée par 85 % des votants, et les Suisses ont  inscrit immédiatement ce dispositif dans leur Constitution : il s’agit de l’article 126 de celle-ci.

Le mécanisme fonctionne de la façon suivante : il est conçu pour que sur un cycle de quatre années les finances de l’ État et des cantons  se trouvent en équilibre. Si, par exemple, on a un solde déficitaire deux années de suite, il faut que des soldes positifs soient dégagés les deux années suivantes, des soldes suffisamment importants pour  équilibrer les  déficits des deux années précédentes. Ce système tient compte du fait que la vie économique est faite d’une succession de cycles, et, en cas de crise, la puissance publique doit pouvoir intervenir pour soutenir l’économie et faire de la relance.

La compensation peut se faire de plusieurs manières :

1. Réduction des dépenses : Les cantons peuvent choisir de réduire leurs dépenses, que ce soit dans le fonctionnement (dépenses courantes) ou dans les investissements (projets d’infrastructure, par exemple). La décision de couper dans le fonctionnement ou les investissements dépendra des priorités politiques et des besoins locaux.

2. Augmentation des recettes : Les cantons peuvent également chercher à augmenter leurs recettes, par exemple en augmentant les impôts ou en améliorant l’efficacité de la collecte des impôts.

3. Répartition des efforts : La compensation peut également être répartie entre le niveau fédéral et cantonal, mais cela dépendra des accords et des politiques en place. En général, chaque niveau de gouvernement est responsable de son propre budget.

4. Plan de redressement : Les cantons doivent souvent élaborer un plan de redressement pour démontrer comment ils comptent atteindre l’équilibre budgétaire. Ce plan doit être approuvé par les autorités compétentes.

En résumé, la compensation peut se faire dans toutes les directions, et cela se fait généralement au niveau cantonal. Les décisions spécifiques dépendent des priorités politiques et des circonstances économiques de chaque canton.

Ce mécanisme  intelligent de frein à l’endettement s’est appliqué dès l’année 2003. Ce système d’équilibre sur un cycle conjoncturel a fait que la dette de la Suisse s’est peu à peu réduite, et elle n’est plus aujourd’hui que de 17,8 % du PIB. Les Suisses, on le sait, sont des gens économes qui n’aiment pas gaspiller leur argent ; et, dans un article précédent, nous avions rendu hommage à leur « bon sens ».

Les enseignements à tirer de la Suisse :

 Il y a beaucoup d’enseignements à tirer de la Suisse, mais ni nos politologues ni nos économistes ne se réfèrent jamais à ce pays.

a) La structure politique du pays :

La Suisse est un État fédéral  organisé en 23 cantons qui ont chacun leur mode de fonctionnement et leur budget. Aussi, le pouvoir fédéral n’a-t-il en mains  que 45 % seulement des finances publiques. En France, il s’agit d’un État extrêmement centralisé qui gère 90 % des dépenses publiques. Dans un système fédéral les citoyens contrôlent beaucoup mieux les finances publiques que dans un État centralisé, et il y a donc peu de gaspillages et moins de dépenses inconsidérées.

b) La politique économique

La Suisse est un pays libéral, et l’État intervient très peu laissant les agents contracter librement. Ainsi le code du travail est très léger. Un employeur peut rompre un contrat de travail sans donner au salarié une explication : il suffit qu’il respecte la loi. Les délais de rupture sont les suivants : un mois la première année, deux mois jusqu’à 10 ans, et trois mois, au-delà. Et il n’y a pas d’indemnité à verser, sauf dispositions particulières prévues dans certaines conventions collectives.

c) L’Importance du travail 

Le tableau  ci-dessous illustre l’importance du facteur travail dans le succès de l’économie suisse :

  Comparaison  France-Suisse

FranceSuisse
Taux de  Pop. Active46,7 %55,7%
Durée vie active35,6 ans42,4 ans
Heures travail/an1.490h1.831h
Durée hebdo. travail35h45-50h

Comparativement à la Suisse, il manque en France environ 6 millions de personnes  au travail : on les trouve, pour une bonne part, c’est-à-dire 5.112.700 personnes, inscrites à France-Travail, l’ancien Pôle-Emploi (toutes catégories confondues). Et le PIB de la France est amputé des différences importantes existant avec la Suisse dans le nombre des heures travaillées par an: 1831 h/an dans le cas de la  Suisse et 1.490 h seulement dans celui de la France.(écart de plus de 20 % !)

d) Importance de la production industrielle

L’industrie est le secteur d’activité clé pour assurer la richesse d’un pays car c’est celui où le progrès technique croit le plus rapidement. La France s’est laissé piéger par la thèse fallacieuse voulant qu’un pays économiquement avancé n’a plus d’activités industrielles : c’est ce qu’avaient affirmé de grands sociologues comme, par exemple,       Alain Touraine avec son ouvrage  « La société postindustrielle » paru en 1969. On a donc reporté sur les pays  sous-développés, qui ont une main d’œuvre abondante et pas chère, nos activités industrielles, les dirigeants du pays voyant dans notre désindustrialisation le signe même de la modernisation du pays.

Notre secteur industriel ne représente plus que 10 % du PIB, alors qu’il s’agit de 23% ou 24% en Allemagne ou en Suisse. La France est devenue le pays le plus désindustrialisé d’Europe, la Grèce exceptée.

La Suisse n’est pas tombée dans ce piège, et  elle a un secteur industriel très important qui tire toute l’économie vers le haut, comme le montre le graphique ci-dessous publié par la revue  de l’Institut des Libertés Charles-Gave, un institut suisse :

e) Importance des investissements étrangers 

La Suisse attire les investissements étrangers et son stock d’IDE (Investissements directs étrangers) est très important :

Stock d’IDE ( en % du PIB)
France………… 32,0 %
Suisse…………128,4 %
Suisse…………128,4 %

Les IDE complètent avantageusement les capacités d’investissement des agents locaux.

Ni nos hommes politiques ni nos économistes ne vont jamais chercher chez notre voisin suisse les remèdes aux maux qui accablent notre pays.

Nous venons de montrer, très brièvement, qu’il y a, là, une source d’inspiration très riche qui mériterait d’être exploitée : et notre voisin démontre qu’un pays de taille limitée n’a pas nécessairement besoin d’aller se fondre dans un ensemble beaucoup plus vaste pour exister face aux deux géants que sont les États-Unis et la Chine.

La Suisse a refusé d’entrer dans l’Europe. Ses dirigeants ont voulu garder en leurs mains le sort de la nation : ils  ne se voient pas obéir aux oukases de Madame VDL. Ils considèrent que les fonctionnaires de Bruxelles n’ont pas une  autorité légitime.

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1 commenter

CHARLOT janvier 31, 2025 - 7:14 pm

L’imitation est devenue impossible dés lors que des années de laisser-aller (autre terme : culte arrogant de la satisfaction immédiate) nous ont éloigné de ce modèle vertueux. Je ne vois pas chez les dirigeants français le moindre signe d’une conversion à l’humilité et la prudence.

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