Page d'accueil Études et analyses Expérience Argentine : d’après des fonctionnaires de Bercy, l’« ultra-libéral » Milei pourrait être un exemple pour la France.

Expérience Argentine : d’après des fonctionnaires de Bercy, l’« ultra-libéral » Milei pourrait être un exemple pour la France.

par Alain Mathieu
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Le premier anniversaire de la prise du pouvoir argentin par Javier Milei le 10 décembre 2023 a suscité de nombreux bilans. Plusieurs sont défavorables à Milei, comme celui de Libération publié le 18-12-24 (« Milei, c’est intenable »).

Mais la plus complète de ces études, et, curieusement, une des plus favorables à Milei, a été publiée par la direction du Trésor de Bercy le 15 novembre 2024 :

https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/AR/indicateurs-et-conjoncture

Rappelons les données principales :

  • le PIB trimestriel argentin a décru de 2,1 % au premier trimestre 2024 et de 1,7 % au deuxième, mais a rebondi fortement au troisième (+ 3,9 %). Le FMI prévoit une croissance de 5 % en 2025.
  • les dépenses publiques annuelles ont baissé en 2024 de 28 %
  • les exportations ont crû en 2024 de 29 %, les importations décroissant de 19 %
  • l’équilibre des finances publiques et celui du commerce extérieur ont été rétablis.
  • la hausse des prix, qui était montée jusqu’à plus de 25 % par mois (décembre 2023) est tombée à 2,4 % en novembre 2024.
  • le logement n’est plus introuvable.

Sans doute certains Argentins ont-ils perdu des revenus : la désindexation des rentes et salaires a fait perdre des revenus réels aux retraités et aux fonctionnaires. Les effectifs des administrations et entreprises publiques nationales ont baissé de 12 % en un an. Cependant le taux de chômage n’a pas explosé. En hausse à 7,7 % au 1er trimestre 2024, ce taux était déjà redescendu à 6,9 % au 3e trimestre : un niveau encore supérieur à la moyenne de 2023, mais inférieur au chômage des années 2019 à 2022.

Ces résultats ont été obtenus sans désordres sociaux : les deux grèves générales de janvier et mai ont été peu suivies. La popularité du président est restée à un niveau élevé (54 % d’opinions favorables en novembre 2024).

Pour les fonctionnaires de Bercy, comme pour n’importe quel observateur impartial, ces chiffres montrent un début de miracle économique. Ils sont tellement clairs qu’ils n’ont pas besoin de commentaires. On ne peut que souhaiter à la France un redressement aussi brillant.

Quelles mesures ont obtenu ces résultats ?  Sont-elles applicables à la France ?

Milei a réalisé ce qu’il avait promis, symbolisé par la tronçonneuse : huit ministères et 200 organismes publics ont été fermés ; la compagnie pétrolière et les lignes aériennes ont été privatisées. Des tarifs publics ont été augmentés (le ticket de métro de Buenos Aires a été multiplié par 7, mais il est encore trois fois inférieur à celui de Paris) ; une amnistie fiscale a été décidée (ce qui a fait revenir des capitaux placés à l’étranger par des Argentins) et des avantages fiscaux accordés aux investissements étrangers. Milei a menacé les syndicats de leur faire payer les policiers qu’il devrait faire travailler en cas de manifestation (ce qui a calmé leurs ardeurs).

Une dévaluation du peso de 54 % a dopé les exportations et freiné les importations.

Réalisant des mesures annoncées, Milei a gardé la confiance des Argentins. De nombreuses mesures ont été prises par décrets très rapidement, en décembre 2023. Milei n’avait pas la majorité au Parlement mais il a bénéficié de la neutralité de la droite, ce qui lui a permis de faire voter en juin une loi d’habilitation pour réaliser des réformes par décrets. La rapidité d’exécution de son programme a été essentielle dans son succès.

Toutes ces mesures sont-elles applicables à la France ?

Une dévaluation de 54 % y est impossible, sauf sortie peu probable de l’euro.

Mais tout le reste pourrait être appliqué à notre pays. La France a plus de privatisations possibles que l’Argentine : des entreprises déjà cotées en Bourse (Engie, Airbus, Renault, Aéroports de Paris, Française des Jeux, etc), d’autres qui l’ont été (Edf) ou pourraient le redevenir (SNCF ; comme le Japon, le Royaume-Uni, l’ Italie), des entreprises financières (BPI, Caisse des dépôts), des entreprises d’armement, des ports et aéroports, des HLM (comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas) et de multiples bâtiments et terrains publics (hôpitaux, écoles, etc). Sa dette pourrait être ainsi massivement réduite.

Il y faudrait un président courageux, ayant annoncé clairement ses réformes et les exécutant rapidement. Il y faudrait le soutien de l’opinion publique.

On a le droit d’en rêver.

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3 commentaires

gerard dosogne janvier 10, 2025 - 3:31 pm

Les reformes Milei quoique douloureuses, se font avec le support de la population. Je vois mal les français accepter meme une petite portion de ce que les argentins ont accepté

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moulin janvier 10, 2025 - 8:29 pm

le lien https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/AR/indicateurs-et-conjoncture est descriptif et les fonctionnaires n’évoquent pas l’applicabilité à la France et aux Français. Le doc suivant du Trésor pas plus : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/67ee282c-e4a4-4cd4-a1e5-a3d6525a8413/files/17da52ee-858b-4eec-88c7-4f3d1cc4d5f6 .
Mais nous citoyens Français nous pouvons « envier » les Argentins d’avoir eu le courage d’élire puis de soutenir un dirigeant audacieux. Les Argentins et Milei feront ils des émules en France?
Ce dont nous avons besoin, c’est de créer les millions d’emplois manquants pour remonter notre taux d’activité aux niveaux suisses, allemands et néerlandais, niveaux auxquels les rentrées fiscalo-sociales effaceraient les déficits.
Comme évoqué par Antoine Foucher : https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/sortir-du-travail-qui-ne-paie-plus/ il faut déplacer le curseur des prélèvements excessifs sur le travail vers les « rentiers » inactifs.

aux boomers retraités de faire le premier effort ! Aux Irdemiens de lancer la balle !

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FRANCOIS HENIMANN janvier 11, 2025 - 1:34 pm

La retraite à 60 ans en 1981 (Mitterrand) et les 35 h en 2000 (Jospin) sont à la source de la déconfiture de l’industrie française et des finances publiques, avec pour corollaire une idéologie anti-travail et pour catalyseur la gestion désastreuse de grandes entreprises du CAC 40 (Alcatel et son modèle « d’entreprise sans usine »), ou leur bradage à vil prix (Pechiney, Arcelor, Alstom Energie, Lafarge)
Les hauts fonctionnaires, parfois passés à la tête de ces entreprises, n’y sont pas pour rien : le regretté journaliste JM Quatrepoint disait que les hauts fonctionnaires, qui étaient des missionnaires au cours des années de Gaulle, étaient devenus des mercenaires (on a vu par exemple le responsable de l’Agence des Participations de l’Etat pantoufler dans la banque conseil qui a conseillé GE pour s’offrir Alstom Energie).
Pour les solutions, bien sûr on ne peut pas dévaluer avec l’Euro, mais d’autres pays européens ont su redresser leur situation financière nonobstant cette contrainte : Grèce, Portugal, Irlande.
Les 28 % de réduction des dépenses publiques et les 10 % de réduction d’emplois publics réalisés en 1 an par Milei font rêver, en tout cas cela prouve qu’un « remède de cheval » administré en peu de temps, dans la foulée d’une légitimité populaire acquise démocratiquement, est efficace, c’est d’ailleurs ce que la France a connu en 1958 dans une situation à bien des égards comparable avec le plan Rueff Pinay (dévaluation incluse à l’époque) : cela permet de faire revenir la confiance et d’enclencher un cycle vertueux qui s’autoentretient.
Par contre je ne crois pas que la vente des « bijoux de famille » soit une solution réaliste pour un désendettement rapide, il y a aussi des conséquences financières (perte de dividendes) et parfois de levier d’action stratégique (énergie), sans compter que certaines entreprises ne valent rien, comme la SNCF, qui vit aux crochets du contribuable pour survivre et payer les retraites de ses anciens salariés, à hauteur de 20 Md€ par an … (en 2015, juste avant les grèves de décembre, le chiffre d’affaires de la SNCF couvrait à peine la masse salariale). L’expérience de privatisation du rail en UK s’est soldée par un échec.

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