Page d'accueil Études et analyses Le  besoin d’un gouvernement de techniciens

Le  besoin d’un gouvernement de techniciens

par Claude Sicard
314 vues

Le gouvernement de Michel Barnier vient de tomber, et nous avons besoin maintenant d’un gouvernement de techniciens. Il est temps, en effet, de se soustraire à la nécessité de céder aux pressions politiques des uns et des autres, et d’aller à l’essentiel. Il faut cesser de biaiser avec la réalité et avoir le courage de dire aux Français la vérité : notre économie est incapable de leur procurer le niveau de vie qui est le leur aujourd’hui. Chaque année le gouvernement est contraint de s’endetter pour procurer à la population un niveau de vie supérieur à ce  que l’économie du pays est capable de fournir, et c’est pour cela que depuis cinquante ans maintenant l’État recourt chaque année à la dette pour boucler  son budget. Nous sommes parvenus, à présent, au terme de ce que cet expédient auquel on a  eu recours régulièrement est capable de produire : notre dette est devenue supérieure au PIB, elle nous coûte de plus en plus cher, et nos partenaires de la zone  euro exigent que nous rentrions enfin dans le rang.

On se souvient que, déjà, en 1976, Raymond Barre, qui venait d’être nommé premier ministre par Valéry d’Estaing, avait déclaré, aux Français : « La France vit au dessus de ses moyens : il faut que nous remettions notre économie en ordre». Cet avertissement resta sans effet, et on continua à s’endetter, chaque année.

Aussi, trente ans plus tard, en 2005, Thierry Breton, ministre de l’Économie dans un gouvernement Raffarin, a-t-il lui aussi, à son tour, dit aux Français la vérité : « La France vit au dessus de ses moyens : il faut remettre les Français au travail ». Et ce nouvel avertissement, à nouveau, est resté sans effet, et l’on a donc continué, chaque année, à s’endetter.

On doit  donc s’interroger pour savoir d’où vient le mal français ?

Une économie apathique, dépourvue de dynamisme

L’INSEE a publié, en 2020, une étude sur les niveaux de vie en Europe et il les a chiffrés en euros, et en PPA (Parité de pouvoir d’achat). Si l’on fait  une corrélation entre les niveaux de vie des pays et leur PIB/capita, on voit que nous nous trouvons très sensiblement au dessus de la droite de corrélation, comme le montre le graphique ci-dessous :

Corrélation niveaux de vie et PIB/capita

L’équation de la droite indique que notre niveau de  vie est 17,6  % supérieur à ce que l’économie du pays est capable de générer. D’où, la nécessité de s’endetter, chaque année. L’économie française, en effet, est  apathique, et elle manque de  dynamisme. C’est ce qu’a montré la Division des Statistiques des Nations-Unies qui a publié, en 2019, une étude qui fait apparaître comment évoluent les économies des pays dans la longue période. C’est, en effet, la tendance de fond qui est significative, mais les grands dirigeants des pays ne s’y intéressent pas car ils sont jugés sur des variations à court terme.

Nous indiquons, ci-dessous, les résultats de ces travaux pour quelques pays, en Europe, en prolongeant les séries jusqu’en 2021 :

PIB/tête  (US dollars  courants )

198020002021Multiplicateur
Espagne6.14114.55630.1034,9
Suisse18.87937.93791.9914,9
Danemark13.88130.73468.0074,9
Allemagne12.09123.92951.2034,2
Pays-Bas13.79420.14857.7674,2
France12.66922.16143.6593,4
(Source : ONU, Statistics Division)

On voit que la tendance de fond de l’économie française est à une croissance faible. Nous avons montré, dans d’autres articles, que ce phénomène résulte de la grave désindustrialisation du pays. Nous sommes, à présent, le pays le plus désindustrialisé d’Europe, la Grèce exceptée, et notre secteur industriel ne représente plus que 10 % du PIB,  alors que l’Allemagne ou la Suisse en sont à des taux de 23 % ou 24 %. Or, l’industrie est le secteur de l’économie qui produit le plus de richesses. Les dirigeants de notre pays se sont laissé abuser par la thèse voulant qu’un pays économiquement avancé n’a plus que des activités relevant du secteur des services : une société « postindustrielle », dite « tertiaire », c’est à dire une société du savoir et de l’intelligence ! Mais nos voisins allemands ou suisses ne sont pas tombés dans ce piège.

 Nos dépenses publiques, pendant que le pays s’appauvrissait avec la fonte de son secteur industriel,, ont continué, elles, à croître, comme partout ailleurs :

Dépenses publiques/habitant (en 2023)

 (En US$)

Grèce11.538
France25.529
Allemagne25.959
Suède27.047
Pays Bas27.150
Finlande29.821
(Source : BIRD)

Nos dépenses publiques, calculées par habitant, sont de même importance que celles de nos voisins, mais il s’agit de pays bien plus riches que nous ! C’est notre PIB qui est en retard.

La fin d’une période faste :

On entre donc, à présent, dans une ère nouvelle où il va falloir faire fonctionner l’économie sans recourir à de l’endettement : cela signifie donc une baisse du pouvoir d’achat des Français, et ce n’est pas, là, une décision facile a faire admettre par la population, d’autant que l’opinion  publique n’y est pas préparée.

Notre taux de dépenses publiques se situe à 57,3 % du PIB, alors que la moyenne européenne est à 49,4 % seulement, soit, selon cette norme, 187 milliards d’euros de dépenses en trop.

Si nous en étions à la norme européenne en fait de dépenses publiques, nous aurions en 2024 un budget  national légèrement excédentaire, alors que nous allons enregistrer un déficit d’un peu plus de 150 milliards d’euros.

Il faut, pour le moins, nous mettre au taux européen moyen de dépenses publiques, c’est-à-dire économiser, sur la base des données actuelles, 187 milliards d’euros. Dans un article sur IREF-Contrepoints en date du 24 octobre 2024, intitulé « Pour un coup de tronçonneuse dans les dépenses publiques », nous avions, selon une autre approche, chiffré à 169 milliards d’euros les économies à effectuer, dont 104 milliards sur les dépenses sociales.

Ces réductions de dépenses sont urgentes car si l’on continue à s’endetter, il arrivera qu’un jour doive intervenir, pour mettre nos comptes en ordre, la fameuse Troïka : BCE,  FMI, et Commission Européenne. Le Fonds Monétaire voit déjà  la dette de la France atteindre 124,9 % du PIB en 2029 !  

Ce serait une humiliation profonde pour la France, et une très rude épreuve pour la population car le FMI agit toujours avec une extrême brutalité. Le cas de la Grèce est là pour le montrer : il  y eut dans ce pays une réduction des dépenses publiques de 30 %, une baisse des salaires de 15 %, et un abaissement des dépenses de santé de 40 %. On a enregistré en quelques années une  augmentation importante de la mortalité des nourrissons, et un accroissement des suicides. Et la Grèce dut vendre ses bijoux de famille : le port du Pirée qui a été cédé aux Chinois (Cosco), quatorze aéroports régionaux  qui ont  été vendus aux Allemands (Fraport), etc……

Il paraîtrait impensable que notre pays en vienne à connaître le même sort que la Grèce, et il est donc temps que l’on s’attelle à la réduction de nos dépenses publiques. Seul un gouvernement technique, opérant pour le seul bien de l’intérêt général, peut être en mesure de le faire.

Tu pourrais aussi aimer

1 commenter

moulin décembre 15, 2024 - 11:16 am

Baisser les dépenses publiques, notamment sociales sera très difficile car cela fait des années que le niveau de vie, logement payé, est en stagnation ou baisse selon les segments de la population. Oui, il faudra réorganiser les « services publics » https://www.youtube.com/watch?v=qRUdVXU6scY&t=1542s !!! mais cela prend du temps et cela crée de la récession et de la précaution chez beaucoup de gens. Et cela n’améliore pas tout de suite l’efficacité de la maison France.
Il serait plus efficace, avec de l’argent emprunté, de mieux le dépenser qu’avec des importations de machines ENRi et de booster la croissance des entreprises de qualité et déjà en croissance … car cela ferait rentrer de l’argent pour financer les réductions d’effectifs fonctionnaires et passer les missions à des société privées contrôlées (exemple suède).

Répondre

Laissez un commentaire

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d’accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus

Privacy & Cookies Policy