Page d'accueil Revue de presse Notes de lecture « Libéral ou conservateur ? Pourquoi pas les deux ? » de Jean-Philippe Delsol   (Éditions Manitoba)

Notes de lecture « Libéral ou conservateur ? Pourquoi pas les deux ? » de Jean-Philippe Delsol   (Éditions Manitoba)

par Alain Mathieu
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Jean-Philippe Delsol est président de l’IREF (institut de recherches économiques et fiscales), institut libéral et européen qui a récemment fusionné avec Contrepoints. Leur lettre quotidienne commune sur internet, « Contrepoints-Journal des libertés » est un quotidien de grande audience.

Dans son 13ème livre, Jean-Philippe Delsol définit avec précision la ligne politique (ou la philosophie politique) de l’IREF ?

 Celle-ci est certes donnée par le titre, « libéral et conservateur », mais ce livre mérite une analyse plus détaillée, tant il est riche d’une impressionnante culture historique, philosophique, juridique et littéraire.

Jean-Philippe Delsol décrit ainsi, par une série d’aphorismes, les convergences et les divergences entre les deux tendances : 

Les convergences

«Libéraux et conservateurs admettent que chaque personne est unique, non pas égale aux autres mais différente.»

 Ils savent que la passion exclusive de l’égalité ouvre la porte du totalitarisme.  

Ils sont favorables à la liberté d’entreprendre et de commercer, ils louent volontiers l’initiative privée.

Ils sont d’accord pour limiter le champ d’intervention de l’État au profit des communautés intermédiaires, pour qu’il retrouve la capacité d’assurer efficacement ses fonctions régaliennes, qui garantissent l’ordre et la sûreté.

Autrement dit, la séparation des pouvoirs préconisée par Montesquieu (« que le pouvoir arrête le pouvoir ») doit être réalisée non seulement au niveau central (entre législatif, exécutif et judiciaire) mais aussi au niveau local (entre l’État et les collectivités locales).

La compétition entre les collectivités locales améliore l’information des citoyens pour leurs votes aux élections locales.

Le droit de propriété (« naturel et imprescriptible » d’après la Déclaration des droits de l’homme) a amplifié la créativité humaine. Par exemple au Royaume-Uni le General Enclosure Act de 1801 (par lequel les paysans sont devenus propriétaires) a permis le développement de l’agriculture et de l’industrie.

L’abus de majorité est une tentation permanente.

Il est plus facile de savoir ce qui est faux que ce qui est vrai.

Il vaut mieux proscrire le mal que prescrire le bien.

Conservateurs et libéraux s’indignent de l’obsession contemporaine de démolir le passé.

Contrairement aux socialistes, ils savent qu’on ne peut pas donner sans prendre.

La liberté n’est que le moyen pour chaque individu d’accomplir ses fins (l’aspiration humaine à s’élever au-delà de soi-même).

Comme l’écrit Benjamin Constant : « que l’Autorité se borne à être juste ; nous nous chargerons d’être heureux ».

Les divergences

Les conservateurs

« Le triptyque des partis conservateurs a toujours été « la loi, la propriété, l’ordre ».

Les conservateurs sont souvent tentés de faire intervenir l’État pour sauver un ordre qu’ils estiment nécessaire.

Le conservatisme est réservé à l’égard du changement, qui laisse craindre le désordre.

Il est attaché à la tradition (le fruit du passé qui a réussi) : pour discerner le vrai du faux, le bon et le mauvais, le beau et le laid, nous avons besoin de la transmission des savoirs accumulés par les générations qui nous ont précédés.

Les conservateurs sont prompts à mettre en place des mesures protectionnistes pour protéger les entreprises et leurs salariés et à voler au secours des entreprises en difficulté avec des capitaux publics.

La dignité humaine justifie des réserves sur l’avortement, le changement de genre, la GPA et la PMA, l’autorisation de toute drogue.

Les conservateurs s’en remettent volontiers au charisme d’un « chef ».

Les libéraux

Les libéraux sont convaincus que tout pouvoir a tendance à abuser du pouvoir.

Comme les conservateurs anglo-saxons, ils préfèrent le droit commun, un processus de découverte du meilleur droit par tâtonnements au fil des cas particuliers, au droit civil napoléonien qui prétend pouvoir graver une vérité éternelle. Ils préfèrent les solutions qui viennent des hommes à celles imposées par l’État.

Les libéraux préfèrent écrire « état de droit », sans majuscule, car il ne s’agit pas du droit de l’État mais de celui de la société. Les conservateurs l’écrivent toujours avec une majuscule tant ils gardent de respect pour le souverain.

Les libéraux attribuent les inégalités aux conséquences de la liberté, qui permet à chacun de tracer son destin.

Ils jugent déraisonnable de vouloir confier à l’État le soin de faire régner une concurrence parfaite car il n’existe jamais de concurrence qu’en équilibre perpétuellement instable, donc imparfaite.

Pour eux la concurrence est toujours facteur de perfectionnement.

Le libéral est conscient de ce que nous n’avons pas de réponse à tout et n’est pas certain que les réponses qu’il a soient les bonnes, ni même qu’il y ait des réponses à toutes les questions (Jean-Philippe Delsol souligne « l’immensité insondable de notre méconnaissance »).

Conséquences

Dans une deuxième partie (« Des combats communs ») Jean-Philippe Delsol aborde avec brio quelques sujets d’actualité, sur lesquels il présente un point de vue commun aux deux tendances, libérale et conservatrice.

« Immigration : les êtres humains ont un droit naturel à l’émigration, mais aucun État n’a un devoir d’accueil des étrangers. Une entrée irrégulière est un délit. Les immigrés légaux doivent financer par leurs impôts les dépenses de protection des biens et des personnes dont leur autorisation de résidence les fait profiter. Il faut aider les nations d’émigration à vaincre la pauvreté en se débarrassant du socialisme corrompu et du despotisme qui les ruinent.

Europe : Alcide de Gasperi, Robert Schuman et Konrad Adenauer étaient des conservateurs libéraux qui ont créé une Europe libérale, mais celle-ci a été transformée en impérialisme par des technocrates atteints par « cette soif de régner que rien ne peut éteindre » (Racine).

Dette publique : les pays dont la dette publique est faible (en % du PIB) sont les plus prospères : Danemark (37% de dette ; + 50% de PIB par tête par rapport au français), Suisse (39% ; + 100%), Pays Bas, Irlande, Singapour, Allemagne, etc.

Écologie : une religion, dont la déesse est Gaïa (la Terre), une forme de panthéisme, et dont le dogme est que le changement climatique est anthropique.

Culture : les subventions au cinéma coréen ne représentent qu’un quart des subventions au cinéma français. Son développement, en quantité et en qualité, est spectaculaire.

Dépenses publiques françaises : aides au logement (13 Mds), emploi (88), prime d’activité (10) sont à réduire.

Privatisations : Jean-Philippe Delsol est favorable à la privatisation de l’assurance-chômage, de l’assurance-maladie, de la retraite (par capitalisation), à la liberté de choix de l’école (« bon scolaire » de financement des écoles, par lequel chaque Français choisirait l’école, publique ou privée, de ses enfants) ».

Deux remarques

  1. Les caractéristiques que Jean-Philippe Delsol attribue aux conservateurs (leur protectionnisme, leurs subventions aux entreprises en difficulté, leur culte de l’État et du chef, leur réserve sur les changements), ainsi que les changements radicaux qu’il propose, manifestent une préférence pour le libéralisme plutôt que pour le conservatisme.
  2. Jean-Philippe Delsol critique sévèrement les libertariens pour qui « les hommes de l’État constituent une organisation criminelle qui subsiste grâce à un système permanent d’imposition- pillage à grande échelle » (Murray Rothbard). N’est-ce pas une conviction partagée avec les libéraux ? Les libertariens sont partisans d’une réduction drastique du rôle de l’État, pas de sa suppression. Dans l’état où est actuellement la France, pays en voie de déclassement et pays développé le plus étatisé, une dose de libertarianisme lui serait sans doute nécessaire.

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