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Pourquoi les dépenses publiques sont-elles plus élevées en France que chez nos voisins ?

par Philippe Baccou
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Pourquoi les dépenses publiques sont-elles plus élevées en France que chez nos voisins ?

(première partie)

Nous commençons ici la publication d’une note de synthèse sur les dépenses publiques en France, comparées à celles constatées dans l’Union européenne (UE) et dans les cinq autres pays de l’Union les plus importants sur le plan économique : Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Pologne.

Le présent article présente les données globales de cette comparaison, puis examine plus en détail une des pistes possibles d’explication : le poids des dépenses publiques de personnel, plus élevé en France.

Un deuxième article analysera les dépenses publiques en les décomposant par fonction, afin d’identifier les domaines où les écarts entre la France et ses voisins sont les plus importants.

Dans un troisième et dernier article, un coup de projecteur sera donné sur les dépenses de protection sociale, l’une des sources majeures du surcroît des dépenses publiques françaises.

1) Un constat qui interpelle : huit points de plus de dépenses publiques en France que dans l’Union européenne.

Les dépenses publiques pèsent très lourd en France, et cela ne date pas d’hier. Tel est le message que semblent nous dire les chiffres de ces dépenses, comparés à ceux de l’Union européenne et à ceux de ses principaux membres, nos partenaires et concurrents.

En 2023, les dépenses publiques françaises, en proportion du produit intérieur brut (PIB), excédaient de huit points celles de la moyenne des pays de l’UE. Elles dépassaient de 8,6 points celles de l’Allemagne. Depuis 2005, l’écart s’est creusé de plus d’un point, tant avec l’UE qu’avec l’Allemagne

Si le poids du secteur public est si important chez nous, à quoi cela tient-il ? Et où devrait-on intervenir s’il faut le réduire ? Il est essentiel de faire un bon diagnostic pour appliquer, s’il y a lieu, les bons remèdes.

Dépenses des administrations publiques en % du PIB

20052010201520162017201820192020202120222023
UE47,1%50,5%48,1%47,4%46,8%46,6%46,6%52,9%51,1%49,2%49,0%
Allemagne46,9%48,1%44,5%44,7%44,6%44,7%45,6%51,1%50,7%49,0%48,4%
Espagne38,4%45,8%43,7%42,1%41,0%41,5%42,0%51,4%49,5%46,4%45,4%
France53,4%56,9%56,7%56,7%56,6%55,8%55,3%61,7%59,5%58,4%57,0%
Italie47,1%49,8%50,2%49,0%48,8%48,3%48,4%56,8%56,0%54,9%53,7%
Pays-Bas43,4%48,9%45,3%43,9%42,8%42,4%42,1%47,8%45,9%43,2%43,2%
Pologne44,1%46,0%41,5%41,1%41,1%41,0%41,4%47,7%43,6%43,3%47,0%
Source : Eurostat, comptes nationaux, secteur « General government », « Total general government expenditure » (Eurostat, tableau gov_10a_exp, consulté le 28 avril 2025).

2) Une explication limitée : les dépenses de personnel du secteur public.

En proportion du PIB, nos dépenses publiques de personnel sont supérieures à celles de nos partenaires européens. Toutefois, cela est loin de pouvoir rendre compte de la totalité de la différence de la proportion des dépenses publiques entre la France et ses voisins.

Dépenses de personnel des administrations (financement des pensions compris) en % du PIB

20052010201520162017201820192020202120222023
UE10,6%10,9%10,3%10,3%10,2%10,1%10,2%10,9%10,5%10,0%10,0%
Allemagne8,2%8,1%7,8%7,8%7,8%7,9%8,1%8,6%8,4%8,1%8,1%
Espagne9,8%11,6%11,0%10,8%10,6%10,5%10,7%12,5%12,0%11,2%10,9%
France12,9%13,0%12,8%12,7%12,7%12,5%12,4%13,3%12,6%12,5%12,3%
Italie10,6%10,8%9,9%9,8%9,7%9,7%9,6%10,5%9,9%9,2%8,8%
Pays-Bas8,9%9,3%8,6%8,5%8,4%8,3%8,3%8,9%8,5%8,3%8,3%
Pologne10,9%11,2%10,3%10,4%10,2%10,0%10,2%10,7%10,3%9,7%10,3%
Source : Eurostat, comptes nationaux, secteur « General government », « Compensation of employees » (Eurostat, tableau gov_10a_exp, consulté le 20 mai 2025)

Le poids de ces dépenses est plus élevé de 2,3 points de PIB en France, par rapport à la moyenne des 27 pays membres de l’UE. Depuis 2005, ce poids a diminué de 0,6 point de PIB en France, comme dans l’UE. L’écart entre la France et la moyenne de l’UE n’a donc pas varié.

Par rapport à l’Allemagne, l’excédent de dépenses de personnel des administrations publiques françaises était de 4,7 points de PIB en 2005. Il s’était réduit à 4,2 points en 2023. Pour près de la moitié, cet écart résulte d’une différence de traitement comptable des dépenses de personnel. En Allemagne, les hôpitaux, même publics, sont classés dans le secteur des entreprises non financières (privées). Leurs dépenses de personnel ne sont pas comptabilisées parmi les dépenses de personnel des administrations publiques, mais payées par ces dernières sous la forme de paiements de prestations de services. Cela se traduit par une sous-évaluation de la part des dépenses de personnel des administrations publiques dans le PIB allemand. Cette sous-évaluation était estimée en 2017 à environ deux points de PIB1, chiffre qui demeure valable aujourd’hui.

La même différence de méthode affecte également la comparaison entre la France et les Pays-Bas. Comme en Allemagne, les dépenses de personnel des hôpitaux publics -ou financés sur fonds publics- de ce pays ne sont pas comptabilisées comme des dépenses publiques de personnel. Et comme pour l’Allemagne, cela suffit à expliquer environ la moitié de l’écart apparent (quatre points de PIB) entre les dépenses publiques de personnel de la France et celles des Pays-Bas.

Si l’on corrigeait cette différence de méthode comptable, l’écart des poids relatifs des dépenses publiques de personnel entre la France et ces deux pays diminuerait d’environ deux points de PIB pour se réduire à environ deux points. Compte tenu du poids de l’Allemagne et des Pays-Bas au sein de l’UE (30,5 % du PIB total en 2023), cela se traduirait par une hausse d’environ 0,7 point de PIB de la part de ces dépenses dans toute l’Union, réduisant à 1,6 point l’écart entre la France et la moyenne européenne.

Au plus, les dépenses de personnel du secteur public ne sont susceptibles d’expliquer qu’environ 20 à 25 % de l’écart total du poids des dépenses publiques dans le PIB avec l’UE ou avec l’Allemagne.

Ce n’est évidemment pas négligeable, surtout dans les activités productrices de services publics, plutôt que dans celles où l’administration se borne à redistribuer des sommes monétaires (subventions, prestations sociales). Pour expliquer plus finement cet écart, plusieurs causes sont à envisager : la quantité d’heures travaillées des personnels publics serait plus faible en France en raison des règles statutaires ou contractuelles, ou du fait d’un absentéisme plus élevé ; l’organisation des services publics français serait moins performante ; les normes qu’ils sont chargés d’appliquer seraient plus nombreuses et plus complexes ; leurs compétences, leurs objectifs et leurs tâches seraient plus étendus qu’ailleurs ; les avantages de retraite, tels que les règles de départ anticipé des agents publics dits « actifs », seraient plus généreux. Tous ces éléments sont susceptibles d’entraîner un surcroît de dépenses publiques de personnel.

Quelles qu’en soient les causes, toutefois, ce surcroît ne peut pas, et de loin, expliquer la totalité de l’écart du poids des dépenses publiques entre la France et ses partenaires européens. Pour analyser cet écart de façon complète et convaincante, et donc poser un diagnostic correct, indispensable pour prescrire ensuite d’éventuels remèdes, il faut se tourner vers d’autres pistes. L’analyse fonctionnelle des dépenses publiques est un moyen d’y parvenir, comme nous le verrons bientôt dans un prochain article.

  1.  Marie Aouriri, Héloïse Tournoux, « France-Germany : a lucid comparison of public sector payroll », Banque de France, 17 octobre 2017. ↩︎

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10 commentaires

zelectron mai 24, 2025 - 12:39 am

IL Y A DEUX FOIS PLUS DE FONCTIONNAIRES EN FRANCE PAR RAPPORT A L’ALLEMAGNE? CA NE CHOQUE PERSONNE APPAREMMENT

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François HENIMANN mai 24, 2025 - 7:54 am

Merci Philippe pour ce constat lucide.
La diminution du nombre de fonctionnaires et la débureaucratisation (Santé, Education Nationale, Agences publiques diverses et variées) sont donc indispensables, mais ne représentent qu’1/4 de la réponse pour ramener nos dépenses publiques à un niveau compatible pour faire prospérer une économie compétitive.
J’attends la suite avec intérêt !

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Philippe Baccou mai 25, 2025 - 7:02 am

Merci à François, j’irai un peu plus dans le détail dans les deux prochains articles, avec, j’espère, quelques éclairages nouveaux.
Pour Zelectron : s’agissant des dépenses publiques de personnel, les analyses que je fournis montrent que ce n’est pas deux fois plus en France qu’en Allemagne mais, en proportion du PIB et après correction de la différence de méthode comptable, environ 1/4 de plus (et 15 % de plus par rapport à la moyenne européenne). Cela n’empêche nullement de juger cela trop élevé.

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moulin mai 26, 2025 - 8:48 am

Un délice de vous lire M. Baccou ! Et le suspense reste entier !

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zelectron mai 26, 2025 - 4:46 pm

indépendamment du coût il apparait tout de même qu’il y a 2 fois plus de fonctionnaires en France qu’en Allemagne, sauf à considérer les 83 millions d’allemands et les 68 millions de Français (ce qui rend la comparaison encore pire !)

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Philippe Baccou mai 27, 2025 - 3:21 pm

« Deux fois plus de fonctionnaires »: je serais intéressé de connaître la source de ce chiffre et d’en savoir un peu plus sur les définitions et méthodes de calcul. En l’état de mon information, cela ne paraît pas compatible avec les données de la comparaison France-Allemagne en termes de dépenses publiques de personnel/PIB.

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Ernesto juin 17, 2025 - 4:22 pm

Je recommande vivement Ernestopro.fr pour mieux comprendre et analyser les dépenses publiques en France. Leur expertise et leurs solutions concrètes permettent d’identifier des économies possibles tout en maintenant la qualité des services publics. Grâce à leur approche, il devient plus facile de concevoir des politiques budgétaires équilibrées et durables. C’est une ressource précieuse pour les décideurs et citoyens soucieux d’optimiser la gestion des finances publiques.

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zelectron juin 21, 2025 - 9:53 am

rem. EDF ferait bien de recruter ses ingénieurs en fonction de leurs qualités et non de leur appartenance politique.

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zelectron juin 21, 2025 - 10:40 am

https://www.contrepoints.org/2022/10/04/439973-le-tabou-du-nombre-des-fonctionnaires
Le nombre total de fonctionnaires et quasi-fonctionnaires français est donc de 5,6 + 1,4 = 7 millions. Le chiffre officiel des fonctionnaires allemands est de 4,6 millions. Pour être à égalité avec l’Allemagne, à population égale, la France devrait compter 3,6 millions de fonctionnaires, soit 3,4 millions de moins.4 oct. 2022

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zelectron juin 21, 2025 - 10:43 am

UNE COMPARAISON FRANCO-ALLEMANDE
Fondation IFRAP
https://www.ifrap.org › files › documents › import
PDF
❚ les fonctionnaires de carrière (Beamte) ont vu leur nombre passer de 1,8 million à 1,7 million entre 1991 et 2008 ; ❚ les militaires sont passés de 257 000 …

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