La situation de la France, au plan économique, ne cesse pas de se dégrader et l’on voit que les gouvernements qui se succèdent les uns après les autres ne parviennent pas à redresser la barre.
Ils se heurtent, en permanence, nous disent-ils, aux députés de l’Assemblée Nationale qui refusent au nom du mandat qu’ils ont reçu de leurs électeurs toute mesure corrective à apporter à la dérive des divers paramètres de l’économie, à commencer par l’augmentation constante des dépenses publiques .
Il serait donc temps que nos gouvernants et les membres du Parlement en viennent à partager un diagnostic commun de la situation de notre économie, un diagnostic qui irait à l’essentiel, et nous allons voir de quelle manière il faudrait procéder.
La situation de la France est, en effet, extrêmement préoccupante, et elle se détériore de jour en jour davantage.
Depuis la fin des Trente Glorieuses le pays se voit contraint de s’endetter, régulièrement, chaque année, et les perspectives d’évolution de cette dette s’avèrent très sombres. Le PSMT (Plan Structurel à Moyen Terme) validé par le Conseil de l’Union Européenne prévoit un déficit du budget qui va continuer à être important : on en sera, au mieux, à 4,6 % du PIB en 2026, avec la perspective de parvenir à 3 % en 2029, ce qui confirme l’impossibilité dans laquelle se trouve notre pays de maîtriser son endettement.
Avec de telles perspectives notre dette extérieure va donc continuer à croître, car, à 3 % de déficit, on en sera toujours à s’endetter. Aussi, le RAA (Rapport d’Avancement Annuel) du 16 avril 2025 prévoit un pic de la dette à 120 % du PIB en 2030, alors que dans le rapport précédent on en était à 118 % seulement. La dette du pays va donc continuer à croître : les créditeurs de la France commencent donc à s’inquiéter de la situation, et l’on voit que les taux auxquels on emprunte vont sans cesse en augmentant. Aussi, le coût de cette dette est de plus en plus lourd, et il va devenir bientôt le poste le plus important du budget de la nation.
Tous les clignotants de l’économie sont donc au rouge, et il serait grand temps que les pouvoirs publics entreprennent de redresser la situation du pays.
Notre économie est déprimée, et apathique. Le tableau ci-dessous donne le résultat, pour quelques pays, d’une étude effectuée par les Nations-Unies sur les tendances de croissance des pays dans ce que les économistes appellent « la longue période », et l’on y voit combien l’économie de la France est à la peine :
PIB/tête (US dollars courants )
| 1980 | 2000 | 2017 | 2021 | Multiplicateur | |
|---|---|---|---|---|---|
| Israël | 6.393 | 21.990 | 42.452 | 52.170 | 8,0 |
| Espagne | 6.141 | 14.556 | 28.356 | 30.103 | 4,9 |
| Suisse | 18.879 | 37.937 | 80.101 | 91.990 | 4,9 |
| Danemark | 13.881 | 30.734 | 57.533 | 68.007 | 4,9 |
| Allemagne | 12.091 | 23.929 | 44.976 | 51.200 | 4,2 |
| Pays-Bas | 13.794 | 20.148 | 48.754 | 57.767 | 4,2 |
| France | 12.669 | 22.161 | 38.415 | 43.659 | 3,4 |
Dans la période 1980-2021 le PIB/capita de notre pays a été multiplié par seulement 3,4, alors qu’il eut fallu un multiplicateur, pour le moins, de 4,5. Aussi, le poids de la France ne cesse pas de reculer dans le monde, comme le montre le tableau ci-dessous :
| Part de la France dans le PIB mondial |
|---|
| 1913………….5,3 % |
| 1950………….4,1 % |
| 1998………….3,4 % |
| 2023………… 2,9 % |
Nous voudrions donc soumettre à nos députés le diagnostic très simple suivant, fondé sur des comparaisons entre pays, un diagnostic qui fait appel au bon sens.
On se souvient que Blaise Pascal avait dit : « Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon : mais le principal est de l’appliquer bien ».
Nous proposons « d’appliquer bien notre esprit », et de procéder donc à une comparaison entre, d’un coté les pays qui, en Europe, ont l’économie qui fonctionne le mieux, et, de l’autre, ceux dont les économies sont les plus dégradées. Et l’on examinera alors d’où viennent les différences. O n pourra s’accorder ainsi sur les leviers sur lesquels il faut agir pour redresser la situation.
Nous prendrons comme critère de bonne gestion, tout simplement, le niveau de la dette calculé par habitant. En effet, les pays qui se gèrent correctement veulent laisser à leurs enfants la dette la plus légère possible, et ceux qui se gèrent mal ne peuvent faire autrement que de transmettre aux générations futures une dette très lourde.
On a les chiffres suivants, pour l’année 2022 :
Dette par habitant
(US$)
| Suisse | 14.168 |
| Suède | 17.165 |
| Danemark | 20.338 |
| Pays-Bas | 26.723 |
| Allemagne | 31.457 |
| Luxembourg | 35.220 |
| Finlande | 37.796 |
| Norvège | 39.582 |
| Autriche | 40.105 |
| Grèce | 40.300 |
| Gde Bretagne | 44.730 |
| France | 45.548 |
| Italie | 49.213 |
Il va donc s’agir de comparer les deux catégories de pays suivants, l’une constituée des quatre premiers du classement ci-dessus, et, l’autre, des quatre derniers, à savoir :
| Pays les mieux gérés | Pays les plus mal gérés |
|---|---|
| Suisse | Grèce |
| Suède | Grande Bretagne |
| Danemark | France |
| Pays Bas | Italie |
Et nous distinguerons deux types de paramètres qui caractérisent ces pays :
- D’un coté, les performances réalisées ;
- De l’autre, les causes explicatives de ces performances.
1-Les performances :
Elles sont de divers ordres :
a) Endettement par habitant :
| Suisse………14.168 US$ | Grèce…….40.300 US$ |
| Suède……….17.155 ,, | GB………44.730 ,, |
| Danemark…..20.338 ,, | France……45.548 ,, |
| Pays Bas…… 26.723 ,, | Italie….…..49.213 ,, |
b) PIB par habitant :
| Suisse……… 99.564 US$ | Grèce……23.400 US$ |
| Suède……….55.516 ,, | GB…………49.463 ,, |
| Danemark…..68.453 ,, | France…….44.690 ,, |
| Pays Bas…….64.572 ,, | Italie………39.003 ,, |
Les pays bien gérés ont un PIB par tête qui est presque le double de celui des pays mal gérés.
c) Balance commerciale (En % du PIB)
| Suisse………….+9,04 % | Grèce……. – 4,74 % |
| Suède…………..+3,98 % | GB………… – 8,03 % |
| Danemark….…+ 6,14 % | France…… – 2,00 % |
| Pays Bas…… +14,73 % | Italie………. +2,60 % |
Les pays bien gérés ont tous une balance commerciale positive ; les mal gérés ont une balance commerciale déficitaire.
d) Le niveau des salaires
| Suisse..…….4.681 € /mois | Grèce………1.698€/mois |
| Suède………. 3.258 ,, | GB…….…3.236 ,, |
| Danemark….3.905 ,, | France.…. 3.319 ,, |
| Pays Bas……3.942 ,, | Italie…..…..2.745 ,, |
Dans la première catégorie, les salaires sont supérieurs d’un peu plus de 40 %, en moyenne, à ceux de la seconde catégorie. La vertu paye mieux que les revendications et les grèves !…
e) Note des Agences de notation :
| Suisse……………AAA | Grèce………. B – |
| Suède………….. AAA | GB…………AA- |
| Danemark….… AAA | France……..AA- |
| Pays Bas………. AAA | Italie…………BB – |
La différence, est, là aussi, flagrante : tous les pays bien gérés ont la note maximum.
f) Inscription au World Happiness Report de 2024
L’ONU publie, chaque année, depuis 2012, un rapport sur le « bonheur », en prenant en compte un nombre important de critères :
| Suisse………… n° 13 | Grèce………n° 81 |
| Suède………… n° 4 | GB……… n° 23 |
| Danemark….. n° 2 | France…….n° 33 |
| Pays Bas …… n° 5 | Italie……….n° 40 |
Les pays « bons élèves » sont en tête de ce classement, alors que ceux que nous cataloguons comme « mal gérés », sont très loin derrière. La France était n° 24 en 2019, et elle a encore reculé : n° 33, actuellement.
2- Les facteurs explicatifs :
Parmi les causes explicatives des différences de performances mises en évidence ci-dessus, nous proposons les causes suivantes :
a) Le taux de population active :
| Suisse………..55,7 % | Grèce……43,5 % |
| Suède………..53,4 % | GB……… 48,2 % |
| Danemark….53,1 % | France……46,6 % |
| Pays Bas…….55,9 % | Italie…….. 43,0 % |
Les différences sont considérables : en moyenne 54,5 % dans un cas, et 45,3 % dans l’autre. Il s’agit de la proportion des personnes qui sont « occupées », par rapport à la population totale des pays.
b) Le taux d’activité des jeunes (15-24 ans)
| Suisse……….. 62,9 % | Grèce…… 24,9 % |
| Suède………. 57,5 % | GB…………66,0 % |
| Danemark …..64,5 % | France….…42,5 % |
| Pays Bas…… 83,4 % | Italie…….. 56,0 % |
| Moyenne……67,1 % | Moyenne.…47,3% |
Ici, également, les différences sont considérables.
c) Taux d’emploi des seniors (55-64 ans)
| Suisse………..77,8 % | Grèce…….48,3 % |
| Suède……….76,9 % | GB………. 62,8 % |
| Danemark.…72,3 % | France…. 55,9 % |
| Pays Bas……71,4 % | Italie……. 53,4 % |
| Moyenne…..74,6 % | Moyenne..55,1 % |
A nouveau, les différences sont considérables.
d) Le taux d’industrialisation :
| Suisse…………..24,9 % | Grèce…..15,3 % |
| Suède…………23,3 % | GB……. 17,5 % |
| Danemark……. 23,5 % | France…..18,5 % |
| Pays Bas……… 18,7 % | Italie…….22,9 % |
| Moyenne………22,6 % | Moyenne…18,5 % |
NB : Il s’agit des taux fournis par la BIRD qui incorpore le secteur de la construction dans sa définition de l’industrie ; on a donc une moyenne à 22,6 %, d’un côté, et à 18,5 %, de l’autre.
e) La productivité
Elle se définit par la valeur de ce qui est produit (le PIB) rapportée au nombre des actifs qui sont intervenus pour la produire.
| Suisse…… 173.503 US$ | Grèce……53.033 US$ |
| Suède…….. 102.330 ,, | GB …….95.979 ,, |
| Danemark… 126.949 ,, | France…..96.355 ,, |
| Pays Bas …..111.865 ,, | Italie……..89.348 ,, |
On a donc, une moyenne de 128.671 US$, d’un côté, et 83.678 US$ de l’autre, soit une différence de 53,7 %, ce qui est considérable.
f) Indice Mondial de Compétitivité (WCY) :
Le « World Competitivness Yearbook » fournit un classement, chaque année, des pays, en combinant une centaine d’indicateurs différents :
| Suisse………..n°2 | Grèce……n°59 |
| Suède………. n°6 | GB……… n°10 |
| Danemark…..n°3 | France….. n°31 |
| Pays Bas…….n°9 | Italie…… n°30 |
Les pays bien gérés ont un excellent indice de compétitivité, et ils sont en tête du classement ; ceux de la seconde catégorie ont des indices de compétitivité médiocres, et ils sont loin derrière.
g) Les dépenses de R&D (En % PIB)
| Suisse…………3,40 % | Grèce…….1,49 % |
| Suède………… 3,41 % | GB…………2,90 % |
| Danemark.….. 2,89 % | France….…2,23 % |
| Pays Bas……..2,26 % | Italie…….. 1,39 % |
On est à 3,0 % ,d’un côté, et 2,0 %, de l’autre. Et la moyenne OCDE est à 3,02 %.
3–Les enseignements pour agir
On voit, par cette approche, quels sont les éléments sur lesquels il faut agir pour redresser la situation.
a) Personnes à mettre au travail :
La BIRD chiffre à 31.664.720 personnes l’importance actuelle de notre population active. Il nous manque donc 5,5 millions de personnes au travail.
Il faudrait donc mettre en activité:
-Tranche âge :15 à 24 ans :
| Effectif actuel ………..…8,1 millions |
| Effectif en activité…… 3,4 ,, |
| A mettre en activité… .2,0 ,, |
-Tranche âge : 55 à 64 ans :
| Effectif actuel ……………….8,2 millions (dont : hommes 3,9 ; femmes 4,3) |
| Effectif en activité…………4,5 ,, |
| A mettre en activité………1,6 ,, |
Il y aurait donc à mettre au travail 2 millions de jeunes et 1,6 million de seniors. Il resterait à sortir du chômage 1,9 million de personnes, et on devrait les trouver chez France-Travail qui a dans ses effectifs 5,2 millions de personnes, dont 2,9 en catégorie A.
Nous aurions, ainsi, le taux moyen de population active des pays bien gérés, c’est-à-dire 54,5 %, et notre PIB se trouverait majoré de 530 milliards de dollars, c’est-à-dire serait augmenté de 16,7 % ; et le PIB/capita des Français passerait de 44.690 US$ actuellement à 54.310 US$, c’est à dire sensiblement celui de l’Allemagne
b) Augmenter notre taux d’industrialisation.
Nous avons montré, dans d’autres articles, la relation très étroite existant entre la production industrielle des pays, calculée par habitant, et les PIB/capita de ces pays, et cette corrélation est illustrée par le graphique ci-dessous :

L’équation de la droite de corrélation indique que lorsque l’on augmente de 10 % la production industrielle par habitant on accroît le PIB/capita de 9 %. : il y a donc une élasticité très forte. L’urgence, en remettant la population au travail, est donc de créer avant tout des emplois industriels, car l’industrie (le secteur secondaire dans la classification des activités de Fourastié) est le secteur où la valeur ajoutée par actif est la plus importante. On a, en effet, les valeurs suivantes :
| VA/actif (US$) |
|---|
| Secteur Primaire……… 85.000 |
| Secteur Secondaire ….115.000 |
| Secteur Tertiaire……… 76.000 |
c) Augmenter les dépenses de R&D :
Nous en sommes à un taux de 2,23 % du PIB, et il faudrait le doubler : l’État d’Israël en est, lui, à 6,2 %, et ce pays est une « start-up » nation. Parti de très bas lors de sa création en 1948, ce pays a aujourd’hui un PIB/capita très supérieur au notre. Cet État, bien qu’ayant une population de seulement 9,8 millions d’habitants, est celui qui, après les États-Unis, compte le plus grand nombre d’entreprises cotées au Nasdaq ; et plus de 300 entreprises multinationales, nous dit le magazine Forbes, ont installé un centre de R&D en Israël.
Tels sont les enseignements à tirer d’une simple comparaison avec les pays européens qui ont une économie qui fonctionne bien.
Il n’est donc nul besoin de s’en référer à des experts des organismes savants pour saisir comment il faut procéder pour redresser l’économie de notre pays : il suffit d’observer minutieusement comment s’y prennent les pays qui grâce à leur bonne gestion ont une dette par habitant très faible.
Les enseignements que l’on en tire sont édifiants. On se souvient que Céline avait dit : « L’expérience est une lanterne qui n’éclaire que celui qui la porte ». Il serait donc urgent que nos dirigeants puissent s’emparer de cette lanterne.
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