Extrait de Société civile n°82 du 1er septembre 2008
Il y a 50 ans, en 1958, les Américains prennent conscience que la création d’entreprises à forte croissance est la clé de l’emploi et de la prospérité économique mais qu’elle est considérablement freinée par le trou de financement, « l’equity gap », le fait qu’une entreprise en création ne trouve pas de fournisseurs de capitaux dans la zone 100.000 euros à 2 millions qui est pourtant le cas le plus courant. En dessous, la famille est la principale source, au-dessus le capital-risque mais il faut trouver le moyen de faire financer cet intervalle critique.
Le Congrès américain de 1958 invente alors dans le Small Business Investment Act, trois mesures dont la plus importante est la création de la Subchapter S, une nouvelle forme de société qui combine les avantages de la société par actions, limitant le risque des actionnaires à leur apport en capital, mais combinant cela avec la transparence fiscale, la taxation des profits et pertes entre les mains des actionnaires et non au niveau de la société.
Une société nouvelle perdant souvent de l’argent à ses débuts, cela transfère les pertes aux actionnaires qui les déduisent alors de leurs déclarations d’impôt sur le revenu et font ainsi participer l’État pour environ la moitié, réduisant ainsi considérablement le risque de l’actionnaire.
Ce mécanisme va s’implanter progressivement au point que 98% des entreprises se créent maintenant sous cette forme ou des formes équivalentes comme la LLC, et va inciter ceux qui ont un peu d’argent à investir dans les entreprises, créant ainsi de l’ordre d’un million de Business Angels dont le total de l’investissement annuel dépasse les 20 milliards de dollars, faisant ainsi disparaître l’essentiel du « trou de financement », le principal obstacle à l’éclosion des entreprises de croissance.
Pendant ce temps, les gouvernements français, qui se succèdent depuis l’apparition du chômage en 1974, volent de chimère en chimère, cherchant d’abord à rendre les chômeurs employables mais en oubliant de créer des emplois, ensuite s’avérant incapables de créer des emplois par des politiques vouées à l’échec : embauches massives dans la fonction publique, aides à la création de micro-entreprises alors qu’il faut créer des Google, incitations à créer des sociétés de capital-risque alors qu’il nous faut d’abord des Business Angels, guichet unique pour aider l’innovation alors que seule une très grande diversité est efficace.
Le résultat : une nation qui a de 6 à 7 millions d’emplois en moins dans le secteur marchand que les nations de populations comparables et qui de ce fait ne peut plus équilibrer son budget, une nation qui ne dénombre que quelques milliers de Business Angels là où il en faudrait quelques dizaines de milliers.
Et pas seulement des Angels appartenant à des réseaux mais des Angels « lourds », opérant individuellement, qui investissent en moyenne de 150.000 à 300.000 euros par an dans des créations de Gazelles, dont les chiffres montrent qu’ils constituent plus de 95% des investissements des Business Angels dans les créations d’entreprises.
Les récentes loi, notamment ISF-TEPA ont en grande partie raté la cible avec des déductions plafonnées beaucoup trop bas. Avec 50.000 euros, on pousse à la défiscalisation, pas à la création des Angels lourds dont nous avons besoin.
L’introduction de la Subchapter S dans la récente loi LME grâce aux efforts de l’iFRAP aidera au développement des Angels mais si l’expérience américaine est un guide, cela demandera trop longtemps (20 ans aux USA).
Il nous faut aller plus vite et copier ce qu’ont fait les Anglais avec l’Enterprise Investment Scheme, EIS, une réussite. Son équivalent serait de multiplier par au moins 5 le plafond de l’avantage Madelin (déduction de 25% de l’IR pour les investissements dans les PME) à condition de limiter les bénéficiaires, comme les Anglais l’ont fait et comme Bruxelles nous y invite, aux entreprises de moins de 10 millions de total de bilan.
L’étude menée pour l’iFRAP par l’IRDEME montre que cette mesure ne coûterait rien au Trésor public mais lui rapporterait dès la première année ; c’est ce que vérifient les chiffres de l’EIS anglais.
Il nous faut de vraies mesures fiscales pour multiplier les Business Angels indépendants.
Le temps manque et il faut copier ce qui a marché chez nos voisins anglais, l’EIS – Entreprise Investment Scheme -, capable de générer immédiatement 1 à 2 milliards d’euros d’investissements supplémentaires sans qu’il en coûte un sou à l’État.
Il nous faut au minimum reprendre dans le Projet de Loi de Finances 2009 l’amendement Forissier multipliant par 5 les plafonds de l’avantage Madelin, initialement soutenu et peut-être même inspiré par Bercy et Hervé Novelli, ministre des PME, mais retiré à la demande de Matignon.
Et il faut profiter de sa réintroduction pour le centrer sur la bonne cible : les entreprises de moins de 2 millions d’euros de capitaux propres, ou, ce qui est équivalent, de moins de 10 millions de total de bilan. Car c’est le seuil au-dessous duquel se trouve le trou de financement et qui, pour cette raison, a été pris comme plafond par l’EIS et accepté par l’Union Européenne comme la valeur pour laquelle l’accord de Bruxelles devient automatique. Et notre étude montre qu’avec ce plafond, la mesure ne coûtera rien au Trésor mais lui rapportera.