Page d'accueil Études et analyses France : 17,3 % de niveau de vie « fictif » via les dépenses et les emprunts hors normes de l’Etat

France : 17,3 % de niveau de vie « fictif » via les dépenses et les emprunts hors normes de l’Etat

par Claude Sicard
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La France a des dépenses publiques qui se situent  à un niveau record, en fait hors normes. Et les Français y tiennent par dessus tout. Nous allons voir qu’elles sont faites pour pallier les insuffisances de l’économie du pays. Aussi l’Etat, malgré tous ses efforts, ne parvient-il pas à les réduire, et depuis cinquante ans maintenant le budget de la nation est régulièrement déficitaire, chaque année. Nous avons beaucoup trop de dépenses publiques et  cela a pour conséquence de faire que notre dette extérieure, avec une régularité d’horloge, ne cesse pas de croitre. Nous en sommes actuellement  à une dette qui représente 113,1 % du PIB, et son service est en passe de représenter le poste le plus important du budget de la nation. Manifestement, cette situation ne peut pas se  perpétrer indéfiniment.

La France a obtenu de ses partenaires de la zone euro  que soit repoussée à 2029 la date limite à laquelle s’appliquera à notre pays la règle d’un déficit inferieur à 3 % du PIB, mais nos dirigeants ont les plus grandes difficultés à déterminer la voie à suivre pour parvenir à cet objectif : il est même à craindre qu’ils n’y parviennent pas ! En effet, les dépenses publiques, dans notre pays, ne cessent pas de croitre, inexorablement, comme le montre le tableau ci-dessous :

Dépenses publiques
(En % du PIB)
1970………….41,0 %
1980………….47,5 %
2000………… 58,0 %
2022………… 58,4 %
(Source : FIPECO)

Leur croissance est donc supérieure à celle du PIB, et nous sommes parvenus, maintenant, à des niveaux records en Europe. Nous avons un Etat-Providence, un Etat « nou-nou », nous disent les commentateurs de notre vie politique,  et Bruno Le Maire, notre ancien ministre de l’Economie et des Finances, démissionnaire, dans un  entretien avec la Tribune, le 18/07/24,  expliquait  que pour faire des économies : « Il faut passer d’un Etat  providence à un Etat protecteur ». 

 Aussi, l’Etat n’a-t-il pas cessé d’accroitre les prélèvements obligatoires, ce qui a pour conséquence d’asphyxier l’économie du pays. Les tableaux ci-dessous indiquent comment nous nous positionnons par rapport à nos voisins, en Europe :

Dépenses  publiques
(En % du PIB)
France  ……..  57,3 %
Allemagne…… 48,6 %
Suède………… 48,0 %
Danemark…..  47,2 %
Espagne……… 46,4 %
UE……………….49,4 %
 (Source : INSEE, année 2023)
Prélèvements obligatoires
(En % du PIB)
France…….. 51,9 %
Allemagne….40,1 %
Suède……….42,4 %
Danemark.…50,1 %
Espagne…….42,8 %
UE…….…. 45,8 %
(Source :Min.Finances 2023)

Les différences sont très importantes : nos taux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires sont à présent les plus élevés de tous les pays européens.

 Un niveau de niveau de vie des Français artificiellement élevé :

Pour porter un jugement correct sur nos dépenses publiques il faut examiner, en premier lieu, où nous en sommes en matière de niveau de vie, ce qui ne se fait pas, d’ordinaire.

L’INSEE publie, chaque année, une étude sur les niveaux de vie dans les pays européens, et cet institut les exprime en monnaie courante et en PPA (Parité de Pouvoir d’Achat). Dans la dernière édition de cette étude on a, pour l’année 2021, les chiffres suivants 

PIB/capita
(En US$)
Niveau vie en PPA
(En Euros)
Bulgarie13.97412.235
Roumanie15.7869.791
Pologne18.68815.315
Grèce20.86711.277
Portugal24.71514.668
Espagne29.67418.564
France40.88623.056
Allemagne48.71827.228
Pays Bas57.02526.449
Danemark67.79025.509
Luxemb.125.00634.472
(INSEE : année 2021)

Le graphique ci-dessous positionne les niveaux  de vie des habitants selon le  niveau de développement économique des  pays :

L’équation  de la droite de corrélation  indique que pour le PIB par habitant qui était le nôtre, en 2021, le niveau de vie des Français devait se situer à 19.602 euros : or, nous en étions à 23.056 euros, soit un excès de 17,6 % par rapport à la norme statistique. Les Français vivent donc au-dessus de leurs moyens, et c’est bien ce que nous disent, depuis des années, tous les experts : on se souvient que Raymond  Barre, lorsqu’il avait été premier ministre en 1976, avait dit aux Français en présentant son plan (le Plan Barre) : « La France vit au dessus de ses moyens : il faut que nous remettions l’économie française en ordre ».

Le rôle des dépenses publiques :

En 2023, nos dépenses publiques ont été supérieures de 7,9 points de PIB par rapport à la moyenne européenne, ce qui a représenté la somme de 197,5 Mds euros.

Selon l’équation  de la droite de corrélation figurant sur le graphique plus haut l’économie française fournit aux habitants un niveau de vie de 19.602 euros par personne, soit, au niveau national, la somme de 1.332,9 Mds euros, pour 68 millions d’habitants. Or, le niveau de vie indiqué par l’INSEE représente, globalement, une richesse supposée de 1.567,8 Mds euros, soit un excédent de 234,9 milliards par rapport à ce que l’économie du pays peut fournir. On ne peut qu’incriminer, pour expliquer l’origine de ce surplus providentiel, l’excédent de dépenses publiques de l’Etat qui s’élève à 197,5 milliards d’euros, selon la comparaison faite plus haut  avec les autres pays européens. Certes, les chiffres ne coïncident pas parfaitement, mais par l’approche que nous avons adoptée il ne peut s’agir que de simples ordres de grandeur.

On en déduit que ce sont ces excédents de dépenses publiques par rapport à nos voisins européens qui donnent à la population la possibilité d’avoir un niveau de vie 17,6 % plus élevé que celui que leur procure l’économie du pays. L’Etat, en effet, ne cesse pas d’intervenir sous différentes formes pour soutenir le niveau de vie de ses citoyens, et il dépense sans compter: il prend à sa charge  tous les soins de santé, ainsi que les coûts de formation de notre  jeunesse ( les écoles, les universités, les  lycées techniques, l’apprentissage,  etc…), il alimente les caisses de retraite, et il subventionne les transports publics. Ce sont autant de dépenses que les individus n’ont pas à effectuer eux-mêmes, et cela améliore beaucoup leur niveau de vie.

Réduire les dépenses publiques : mission impossible ?

Du fait de la croissance constante de notre dette publique l’Etat se trouve maintenant dans l’obligation de prendre des dispositions pour cesser de s’endetter, comme il le fait depuis cinquante ans. Il ne peut guère compter sur une rapide augmentation de ses recettes car notre  économie est apathique, très peu dynamique, comme l’a montré une étude récente de la Division des Statistiques des Nations-Unies. L’ONU a voulu mettre en évidence les tendances  d’évolution des économies des pays dans  le long terme, les chefs d’Etat étant par trop focalisés sur les évolutions à court-terme, car c’est sur elles qu’ils sont jugés par leurs opinions publiques. L’étude de l’ONU a donc mis en évidence comment les économies des pays évoluent dans « la longue période », et nous reproduisons, ci-dessous, ses résultats pour quelques pays, en prolongeant les séries jusqu’en 2021 :

PIB/tête  (US dollars  courants )

1980200020172021Multiplicateur
Israël6.39321.99042.45252.1708,0
Espagne6.14114.55628.35630.1004,9
Suisse18.87937.93780.10191.9904,9
Danemark13.88130.73457.53368.0074,9
Allemagne12.09123.92944.97651.2034,2
Pays-Bas13.79420.14848.75457.7674,2
France12.66922.16138.41543.6593,4
(Source : ONU, Statistics Division)

On voit que les performances de l’économie française, dans la longue période, sont très inférieures à celles des autres pays européens : il aurait fallu que, dans la période 1980-2021, le multiplicateur soit  au moins de 4,5 et l’on en serait, alors, au niveau des Pays-Bas.

Depuis des années l’Etat compense donc par des dépenses publiques très importantes les insuffisances de notre économie, en recourant chaque année à des emprunts, et cela a conduit à une dette qui est devenue considérable. La  Cour des Comptes prévoit ainsi que nous en serons à 125 % du PIB en 2029, avec une charge de la dette se montant  alors  à 112 Mds d’euros !

La situation du pays est donc grave, et dans  son dernier rapport le président de la Cour des  Comptes, Pierre Moscovici, dit : « Le dérapage du déficit public depuis deux ans place la France au pied du mur » ; et il rajoute : « L’exigence de réduire le déficit s’est transformée en urgence ! ».La Cour des Comptes propose donc de faire, d’ici à 2029,  110 Mds euros d’économies, ceci pour pouvoir se situer à un déficit de moins de 3 % du PIB en 2029. Mais, en fait, il faudrait y rajouter environ 90 milliards pour avoir un budget en équilibre à cet horizon, car avec 3 % de déficit on continue à s’endetter, chaque année ! On retrouve donc bien, là, les quelques 200 milliards d’euros qui sont nécessaires pour fournir aux Français le niveau de vie qui est actuellement le leur.

On voit donc qu’une diminution de nos dépenses publiques va avoir, inéluctablement, pour conséquence une réduction du niveau de vie des Français. Vu que l’on ne peut guère compter sur une croissance significative de notre économie, l’Etat va se trouver dans l’obligation de réduire fortement ses dépenses publiques, et le train de  vie des Français s’en trouvera affecté. Par l’approche que nous présentons, ici, on voit que les 200 milliards d’euros d’économies à réaliser pour parvenir à un budget en équilibre en 2029 vont entrainer une baisse de 17,6 % du niveau de  vie des Français.

Si ce n’est pas l’Etat qui procédera, lui-même, à ces mesures drastiques ce sera inévitablement le FMI, un jour, qui sera appelé à remettre de l’ordre dans nos comptes, et on sait qu’il intervient toujours avec une extrême brutalité. L’exemple de la Grèce, en 1990, est là pour nous le rappeler.

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4 commentaires

zelectron mai 10, 2025 - 11:43 am

donc sur le PIB 2025 env. 60%, les citoyens « profitent » que de 40% par conséquent 8% de niveau de vie, c’est juste ?

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moulin mai 10, 2025 - 5:59 pm

Merci Claude SICARD pour cette version de vos toujours intéressantes analyses. Mais personnellement, je crois que le plus facile serait d’oser bien aider et faire investir les entreprises en croissance, donc ayant une supériorité sur leurs marchés, pour créer les millions d’emplois manquants pour que notre taux d’emploi soit similaire à ceux de nos voisins et que ces millions de producteurs « ajoutés » rapportent, d’abord à eux, ensuite à la collectivité et ne coûtent plus les énormes transferts aux inactifs ayant l’âge de travailler.

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Claude Sicard mai 11, 2025 - 4:14 am

Cher Monsieur

Merci

Tout a fait d’accord:il faut creer des emplois et notamment industriels et pour cela il faut accompagner les entreprises en les « aidant » par des subvention,pour compenser tous les obstales existant en france

Mais Bruxelles nous l’inerdit!

CS

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moulin mai 11, 2025 - 7:33 am

Oui, pour un pays qui crée moins d’emplois que le nombre de personnes arrivant chaque année à l’âge de travailler, et ce, depuis les années 60 (arrivée des baby boomers et départ en retraite des classes creuses) le challenge est énorme.
La France est bloquée par les comportements, durcis depuis feu les trente glorieuses, des parties prenantes de l’économie et de la société. Chacune reste dans ses traces et réflexes qui marchent mal. Et le pays s’enfonce dans le déclin relatif par rapport à nos voisins.
Débloquer la France ne se fera pas en répétant nos comportements et « solutions » qui ne marchent pas depuis 60 ans.
La priorité est de trouver des ressources pour les entreprises en croissance qui ne soient pas « interdites » ou « refusées » par une partie prenante.
Genre les retraités ou fonctionnaires des derniers déciles qui voient bien que leurs retraites ou rémunérations stagnent du fait de la faible croissance et du poids de la dette, mais ne sont pas encouragés à bien « investir  » pour réamorcer une croissance de quelques % et créer des emplois et des cotisations et des impôts.
C’est d’imagination créatrice collective dont nous avons besoin.

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