La France a des dépenses publiques qui se situent à un niveau record, en fait hors normes. Et les Français y tiennent par dessus tout. Nous allons voir qu’elles sont faites pour pallier les insuffisances de l’économie du pays. Aussi l’Etat, malgré tous ses efforts, ne parvient-il pas à les réduire, et depuis cinquante ans maintenant le budget de la nation est régulièrement déficitaire, chaque année. Nous avons beaucoup trop de dépenses publiques et cela a pour conséquence de faire que notre dette extérieure, avec une régularité d’horloge, ne cesse pas de croitre. Nous en sommes actuellement à une dette qui représente 113,1 % du PIB, et son service est en passe de représenter le poste le plus important du budget de la nation. Manifestement, cette situation ne peut pas se perpétrer indéfiniment.
La France a obtenu de ses partenaires de la zone euro que soit repoussée à 2029 la date limite à laquelle s’appliquera à notre pays la règle d’un déficit inferieur à 3 % du PIB, mais nos dirigeants ont les plus grandes difficultés à déterminer la voie à suivre pour parvenir à cet objectif : il est même à craindre qu’ils n’y parviennent pas ! En effet, les dépenses publiques, dans notre pays, ne cessent pas de croitre, inexorablement, comme le montre le tableau ci-dessous :
| Dépenses publiques (En % du PIB) |
|---|
| 1970………….41,0 % |
| 1980………….47,5 % |
| 2000………… 58,0 % |
| 2022………… 58,4 % |
Leur croissance est donc supérieure à celle du PIB, et nous sommes parvenus, maintenant, à des niveaux records en Europe. Nous avons un Etat-Providence, un Etat « nou-nou », nous disent les commentateurs de notre vie politique, et Bruno Le Maire, notre ancien ministre de l’Economie et des Finances, démissionnaire, dans un entretien avec la Tribune, le 18/07/24, expliquait que pour faire des économies : « Il faut passer d’un Etat providence à un Etat protecteur ».
Aussi, l’Etat n’a-t-il pas cessé d’accroitre les prélèvements obligatoires, ce qui a pour conséquence d’asphyxier l’économie du pays. Les tableaux ci-dessous indiquent comment nous nous positionnons par rapport à nos voisins, en Europe :
| Dépenses publiques (En % du PIB) |
|---|
| France …….. 57,3 % |
| Allemagne…… 48,6 % |
| Suède………… 48,0 % |
| Danemark….. 47,2 % |
| Espagne……… 46,4 % |
| UE……………….49,4 % |
| Prélèvements obligatoires (En % du PIB) |
|---|
| France…….. 51,9 % |
| Allemagne….40,1 % |
| Suède……….42,4 % |
| Danemark.…50,1 % |
| Espagne…….42,8 % |
| UE…….…. 45,8 % |
Les différences sont très importantes : nos taux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires sont à présent les plus élevés de tous les pays européens.
Un niveau de niveau de vie des Français artificiellement élevé :
Pour porter un jugement correct sur nos dépenses publiques il faut examiner, en premier lieu, où nous en sommes en matière de niveau de vie, ce qui ne se fait pas, d’ordinaire.
L’INSEE publie, chaque année, une étude sur les niveaux de vie dans les pays européens, et cet institut les exprime en monnaie courante et en PPA (Parité de Pouvoir d’Achat). Dans la dernière édition de cette étude on a, pour l’année 2021, les chiffres suivants
| PIB/capita (En US$) | Niveau vie en PPA (En Euros) | |
|---|---|---|
| Bulgarie | 13.974 | 12.235 |
| Roumanie | 15.786 | 9.791 |
| Pologne | 18.688 | 15.315 |
| Grèce | 20.867 | 11.277 |
| Portugal | 24.715 | 14.668 |
| Espagne | 29.674 | 18.564 |
| France | 40.886 | 23.056 |
| Allemagne | 48.718 | 27.228 |
| Pays Bas | 57.025 | 26.449 |
| Danemark | 67.790 | 25.509 |
| Luxemb. | 125.006 | 34.472 |
Le graphique ci-dessous positionne les niveaux de vie des habitants selon le niveau de développement économique des pays :

L’équation de la droite de corrélation indique que pour le PIB par habitant qui était le nôtre, en 2021, le niveau de vie des Français devait se situer à 19.602 euros : or, nous en étions à 23.056 euros, soit un excès de 17,6 % par rapport à la norme statistique. Les Français vivent donc au-dessus de leurs moyens, et c’est bien ce que nous disent, depuis des années, tous les experts : on se souvient que Raymond Barre, lorsqu’il avait été premier ministre en 1976, avait dit aux Français en présentant son plan (le Plan Barre) : « La France vit au dessus de ses moyens : il faut que nous remettions l’économie française en ordre ».
Le rôle des dépenses publiques :
En 2023, nos dépenses publiques ont été supérieures de 7,9 points de PIB par rapport à la moyenne européenne, ce qui a représenté la somme de 197,5 Mds euros.
Selon l’équation de la droite de corrélation figurant sur le graphique plus haut l’économie française fournit aux habitants un niveau de vie de 19.602 euros par personne, soit, au niveau national, la somme de 1.332,9 Mds euros, pour 68 millions d’habitants. Or, le niveau de vie indiqué par l’INSEE représente, globalement, une richesse supposée de 1.567,8 Mds euros, soit un excédent de 234,9 milliards par rapport à ce que l’économie du pays peut fournir. On ne peut qu’incriminer, pour expliquer l’origine de ce surplus providentiel, l’excédent de dépenses publiques de l’Etat qui s’élève à 197,5 milliards d’euros, selon la comparaison faite plus haut avec les autres pays européens. Certes, les chiffres ne coïncident pas parfaitement, mais par l’approche que nous avons adoptée il ne peut s’agir que de simples ordres de grandeur.
On en déduit que ce sont ces excédents de dépenses publiques par rapport à nos voisins européens qui donnent à la population la possibilité d’avoir un niveau de vie 17,6 % plus élevé que celui que leur procure l’économie du pays. L’Etat, en effet, ne cesse pas d’intervenir sous différentes formes pour soutenir le niveau de vie de ses citoyens, et il dépense sans compter: il prend à sa charge tous les soins de santé, ainsi que les coûts de formation de notre jeunesse ( les écoles, les universités, les lycées techniques, l’apprentissage, etc…), il alimente les caisses de retraite, et il subventionne les transports publics. Ce sont autant de dépenses que les individus n’ont pas à effectuer eux-mêmes, et cela améliore beaucoup leur niveau de vie.
Réduire les dépenses publiques : mission impossible ?
Du fait de la croissance constante de notre dette publique l’Etat se trouve maintenant dans l’obligation de prendre des dispositions pour cesser de s’endetter, comme il le fait depuis cinquante ans. Il ne peut guère compter sur une rapide augmentation de ses recettes car notre économie est apathique, très peu dynamique, comme l’a montré une étude récente de la Division des Statistiques des Nations-Unies. L’ONU a voulu mettre en évidence les tendances d’évolution des économies des pays dans le long terme, les chefs d’Etat étant par trop focalisés sur les évolutions à court-terme, car c’est sur elles qu’ils sont jugés par leurs opinions publiques. L’étude de l’ONU a donc mis en évidence comment les économies des pays évoluent dans « la longue période », et nous reproduisons, ci-dessous, ses résultats pour quelques pays, en prolongeant les séries jusqu’en 2021 :
PIB/tête (US dollars courants )
| 1980 | 2000 | 2017 | 2021 | Multiplicateur | |
|---|---|---|---|---|---|
| Israël | 6.393 | 21.990 | 42.452 | 52.170 | 8,0 |
| Espagne | 6.141 | 14.556 | 28.356 | 30.100 | 4,9 |
| Suisse | 18.879 | 37.937 | 80.101 | 91.990 | 4,9 |
| Danemark | 13.881 | 30.734 | 57.533 | 68.007 | 4,9 |
| Allemagne | 12.091 | 23.929 | 44.976 | 51.203 | 4,2 |
| Pays-Bas | 13.794 | 20.148 | 48.754 | 57.767 | 4,2 |
| France | 12.669 | 22.161 | 38.415 | 43.659 | 3,4 |
On voit que les performances de l’économie française, dans la longue période, sont très inférieures à celles des autres pays européens : il aurait fallu que, dans la période 1980-2021, le multiplicateur soit au moins de 4,5 et l’on en serait, alors, au niveau des Pays-Bas.
Depuis des années l’Etat compense donc par des dépenses publiques très importantes les insuffisances de notre économie, en recourant chaque année à des emprunts, et cela a conduit à une dette qui est devenue considérable. La Cour des Comptes prévoit ainsi que nous en serons à 125 % du PIB en 2029, avec une charge de la dette se montant alors à 112 Mds d’euros !
La situation du pays est donc grave, et dans son dernier rapport le président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici, dit : « Le dérapage du déficit public depuis deux ans place la France au pied du mur » ; et il rajoute : « L’exigence de réduire le déficit s’est transformée en urgence ! ».La Cour des Comptes propose donc de faire, d’ici à 2029, 110 Mds euros d’économies, ceci pour pouvoir se situer à un déficit de moins de 3 % du PIB en 2029. Mais, en fait, il faudrait y rajouter environ 90 milliards pour avoir un budget en équilibre à cet horizon, car avec 3 % de déficit on continue à s’endetter, chaque année ! On retrouve donc bien, là, les quelques 200 milliards d’euros qui sont nécessaires pour fournir aux Français le niveau de vie qui est actuellement le leur.
On voit donc qu’une diminution de nos dépenses publiques va avoir, inéluctablement, pour conséquence une réduction du niveau de vie des Français. Vu que l’on ne peut guère compter sur une croissance significative de notre économie, l’Etat va se trouver dans l’obligation de réduire fortement ses dépenses publiques, et le train de vie des Français s’en trouvera affecté. Par l’approche que nous présentons, ici, on voit que les 200 milliards d’euros d’économies à réaliser pour parvenir à un budget en équilibre en 2029 vont entrainer une baisse de 17,6 % du niveau de vie des Français.
Si ce n’est pas l’Etat qui procédera, lui-même, à ces mesures drastiques ce sera inévitablement le FMI, un jour, qui sera appelé à remettre de l’ordre dans nos comptes, et on sait qu’il intervient toujours avec une extrême brutalité. L’exemple de la Grèce, en 1990, est là pour nous le rappeler.
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