Les données statistiques de la Réserve fédérale et celles de la Banque centrale européenne sont suffisamment étendues et diverses pour que l’on tente de s’en servir pour s’interroger sur l’avenir des économies occidentales et se demander quel avenir elles nous réservent.
Il est tout d’abord clair que la grande condamnation des égalitaristes sur les inégalités qui serait un mal fondamental de cette société américaine n’a pas de fondement économique à la lecture des données réelles révélées par ces enquêtes.
Ces condamnations reposent sur l’augmentation des inégalités de revenus et de patrimoines qui est bien réelle, mais dont les origines ne sont pas dans des traitements disproportionnés de hauts cadres ou dans des héritages, mais bien dans les audaces entrepreneuriales qui ont permis de créer des dizaines de millions d’emplois.
Le SCF[[Survey of Consumer Finances, produit par la Réserve fédérale.]] permet en effet de lier l’emploi aux revenus et à leur composition mais aussi de savoir comment les propriétaires actuels des entreprises américaines en sont devenus propriétaires.
Il est vrai que ces statistiques ne couvrent que les entreprises non cotées (« privées ») mais grâce au SCF il est possible d’estimer la part de ces entreprises autour de 60% de l’emploi total américain, les entreprises cotées représentant par différence les 40% restant.
Sur ces entreprises privées, la part des héritages dans l’emploi n’est que de 10%, 70% provenant d’entreprises que les propriétaires actuels ont créées, 20% de rachat ; et, sur ces 70%, environ 30% proviennent d’entreprises de long terme ayant amené leur propriétaire dans le top 1%. Elles ont été créées pour réaliser un produit ou un service qui n’existait pas. Les 40% d’emplois restant figurent dans des services de proximité beaucoup plus modestes ayant en moyenne moins de 3 employés.
Le fait que toutes les politiques de l’emploi en France depuis 20 ans, centrées sur le développement des emplois de service[[Programmes ACCRE et EDEN de Lionel Jospin, services à la personne de Jean-Louis Borloo, autoentrepreneurs d’Hervé Novelli.]], aient débouché sur le chômage, appuie l’hypothèse que derrière la croissance américaine, seuls les emplois de long terme créent de la croissance, parce qu’ils entraînent à créer des emplois de service mais aussi parce que l’emploi dans les entreprises cotées s’abreuve de l’emploi créé par les entreprises non cotées.
La trajectoire de la création d’entreprises et d’emplois aux USA laisse-t-elle espérer qu’elle va continuer à développer des emplois alors que la croissance du PIB a chuté de 3,5% par an à 1- 1,5%, et que le total des revenus s’est mis à plafonner après la crise de 2008 ?
Quelles sont les sources de cette croissance explosive américaine dans les années précédant 2008 ? Qu’est-ce qui fait se lancer les entrepreneurs ?
Certainement pas les salaires et émoluments des PDG contrairement aux affirmations des Piketty & Co mais bien l’explosion des Subchapter S qui a encouragé à la multiplication des entreprises.
Elle a coïncidé avec la réduction de la taille des entreprises à partir de 1990 à travers la sous-traitance. Mais ces incitations restent-t-elles opérantes ?
Au moment où l’Europe n’a jamais eu autant besoin de créer des emplois pour faire face à la vague d’immigrés, ces moteurs de la création d’emplois aux USA restent-ils opérants ?
Telles sont quelques-unes des questions que posent ces résultats et auxquelles de nouvelles explorations du SCF, du HFCS, l’enquête triennale de la BCE et de leurs nouveaux résultats annoncés pour 2017 apporteront peut-être une réponse.
Lire l’étude complète (en anglais) :
Data from SCF & questions for the future