D’abord, je voudrais saluer l’excellent papier d’Yves Buchsenschutz, bien documenté, et bien dans l’air du temps mélangeant politique, économie et sentiment de supériorité par rapport à l’administration Trump.
Je vais tenter une analyse différente, séparant l’économie de la politique.
Depuis de nombreuses années, la théorie de Ricardo est mise à mal par une mondialisation déloyale due aux différentiel sociaux, fiscaux et plus globalement de développement entre les pays développés et riches et les pays émergeants avec des protections sociales limitées et un coût du travail très bas, mais , ayant au fil des années développé un vrai savoir-faire.
Dans le choix occidental pour le consommateur et des prix les plus bas possibles , les gouvernements ont bien entendu favorisé les bas couts des émergeants contre l’emploi dans les pays développés … avec une conséquence inattendue : une dépendance sur des produits stratégiques .
Le système est allé trop loin et a créé la désindustrialisation chez nous (et chez les américains…) , et la mise sur le carreau des ouvriers , à qui on ne laisse plus que des emplois de service bas de gamme et mal payés .
J’ai eu début des années 2000 une discussion avec Arthur Laffer, sur les déficits colossaux des USA vis-à-vis du monde. Sa réponse fut claire : « Nos déficit sont vos emplois ! Et pour cela vous achetez notre dette ». Je pense que l’on est arrivé au bout du raisonnement et ceci se reflète bien dans la courbe de l’indice GINI présentée par Yves : cet indice ne cesse de croitre aux USA, signe d’un creusement du fossé entre riches intellectuels et classe moyenne ouvrière aux USA .
L’objectif de la politique économique de l’administration Trump est donc la réindustrialisation des USA en réduisant les déficits (acheter moins à l’étranger) et fabriquer aux US . Pour y parvenir, le choix est d’augmenter le cout des produits importés par deux moyens : les tarifs douaniers et la baisse du dollar. L’impact sur les prix sera probable mais probablement limitée, en partie par une baisse sensible de l’énergie (prix du pétrole en forte baisse) et une baisse des impôts des sociétés.
Il s’agit bien sûr d’un renversement des valeurs : la priorité n’est plus le consommateur et les prix les plus bas « quoi qu’il en coute » d’un point de vue social mais une priorité à l’emploi décent de tous et surtout des classes moyennes inférieures , qui ont été déclassées aux US depuis un quart de siècle.
Les rodomontades de Trump sur les pays étrangers qui ont volés (!) les américains sont en effet ridicules, mais ne nous laissons pas aveugler par ces paroles « politiques » et voyons quel est le vrai enjeu économique qui se met en marche .
Pour conclure, je ne résiste pas à l’envie de reprendre une partie des commentaires de Marc Fiorantino dans sa lettre quotidienne de Meilleurs Placements du 4 avil :
« Je dois dire que j’étais fasciné par les commentaires sur les annonces de Trump.
Dans le monde et en particulier en France.
– C’est une remise en cause de l’ordre économique mondial !
– On revient aux années 30 qui ont amené la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale (je cite)… rien que ça !
– Et évidemment tous les commentaires sur la façon (évidemment stupide car il ne peut être que fou ou stupide) dont Trump aurait calculé ses droits de douane.
– Macron, reconnu pour ses qualités de gestion des finances d’un État, a même dénoncé une décision « brutale et infondée »; il préparerait même une « riposte » (ça fait peur).
– Et des brillants économistes nous expliquent avec certitude que ces droits de douane vont provoquer une flambée de l’inflation et mettre l’économie américaine à genoux.
Bref, beaucoup de bruit.
On entend tout. Et surtout, comme d’habitude, n’importe quoi.
ON REFAIT DONC LES MÊMES ERREURS
que Sun Tzu théorisait déjà dans « L’Art de la guerre ».
Une fois de plus, nous sous-estimons notre adversaire.
Et Trump est notre adversaire commercial.
Illustration parfaite d’une arrogance qui nous a menés en France à un déficit de 5.8% du PIB, à une dette record supérieure à 113% et à une situation politique qu’on connaît. Cela ne nous empêche pas de donner des leçons.
QUANT AUX MARCHÉS
Ils font ce qu’ils font habituellement dans ce genre de situation.
Ils s’affolent.
Parce que les traders vivent de la volatilité, et je sais de quoi je parle, et qu’il faut des « boom and bust » pour générer des profits en entraînant dans le fossé les hordes d’investisseurs inexpérimentés.
Plus de 3 000 milliards de $ se sont envolés hier sur les actions américaines, l’équivalent ou presquee de la dette française, du jamais-vu depuis le Covid.
Rien que sur Apple, 250 milliards de $ se sont volatilisés.
LOIN DU BRUIT
Essayons de nous poser les questions essentielles :
1. Est-ce que ces droits de douane sont durables ou est-ce une manière de mettre la pression sur les grands partenaires commerciaux pour obtenir des concessions majeures ? Je ne connais pas la réponse, j’ai un avis mais personne ne peut avoir de certitude.
2. Est-ce que ces droits de douane, s’ils venaient à durer, provoqueraient « une grande récession » ou une nouvelle guerre mondiale ? Non. C’est une certitude. Ils auraient un impact significatif sur la croissance mondiale à court terme mais personne ne peut réellement mesurer l’impact à moyen terme ou à long terme. Ce ne sont que des supputations.
Les mêmes que nous avons eues quand Milei a imposé ses mesures économiques qui devaient mener le pays à la faillite.
3. Est-ce que ces droits de douane, s’ils venaient à durer, provoqueraient une hausse de l’inflation ? Non. Il n’y a aucune certitude. Une partie de la hausse des tarifs serait absorbée par les entreprises, et il y aurait des ajustements de cours de change, cela a déjà commencé, qui viennent complexifier l’équation et empêchent de répondre avec certitude à cette question.
4. Est-ce que Trump fait n’importe quoi ? Je ne sais pas. Il est certes effrayant par certains aspects mais « he’s a man with a plan » et il n’a pas d’échéance réelle avant les midterms de novembre 2026, ce qui lui laisse le temps de dérouler son plan.
On a beau ne pas être d’accord avec lui, il ne faut pas le sous-estimer.
Répétons-le : Il ne faut jamais sous-estimer son adversaire.
BREF
On a réellement eu droit hier à un festival d’âneries (pour ne pas dire un autre mot).
Du bruit, beaucoup de bruit.
Des certitudes, beaucoup de certitudes.
Nous allons d’ailleurs, à contre-courant une fois de plus, commencer à entrer à nouveau dans notre Gestion Pilotée sur les actions américaines, et le Nasdaq en particulier, par paliers, car les secousses ne sont peut-être pas terminées.
Alors, please, on se calme, et on réfléchit
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