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Non , « monétiser » la 5éme semaine de congés payés, ce  n’est pas une « horreur » !

par Bertrand Nouel
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Non , « monétiser » la 5éme semaine de congés payés, ce n'est pas une « horreur » !

Ah, les congés payés, quelle conquête sociale ! Voilà que cette proposition gouvernementale de monétisation de la 5éme semaine, apparemment anodine, soulève une violente colère syndicale et gauchiste au point que la CFDT, d’ordinaire plus modérée, veut la ranger au « musée des horreurs »

Réaction qui relève en réalité d’une vaste comédie, dont la raison est à chercher dans la crainte des syndicats de voir reconnaître que la France finit par dépasser le niveau des conquêtes sociales justifiées.

Quelle est la proposition ?

La proposition en question revient à permettre au salarié qui le désire, et selon accord avec l’employeur, de travailler pendant la 5éme semaine de congés payés, ce qui doublerait donc en fait le salaire, voire plus si le taux horaire était augmenté de 25% ou 10% comme pour les heures supplémentaires. Il ne s’agit nullement de mettre fin à cette conquête sociale que représente la 5éme semaine de congés payés, accordée par François Mitterrand en 1982, mais seulement de prévoir la possibilité pour le salarié d’y renoncer dans le but « d’arrondir ses fins de mois » à sa demande, et sans en perdre le bénéfice financier .

La réaction des syndicats.

Les syndicats, suivis par la Gauche, ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, c’est un « recul des acquits sociaux » (CGT), une « horreur » pour la CFDT qui ajoute « ce n’est pas aux salariés eux-mêmes de se payer un peu plus de marge de manœuvre pour boucler les fins de mois en rognant sur leurs congés », voulant exprimer que c’est aux employeurs d’assurer le pouvoir d’achat des salariés sans le conditionner à l’abandon d’un acquit social. Les syndicats craignent que les salariés se trouvent en fait contraints par la pression patronale d’accepter cette renonciation à la 5éme semaine de congés payés et que se manifeste une concurrence entre eux. A terme, on se dirigerait vers un abandon de l’acquit social.

L’argument fallacieux de la santé.

On voit même argumenter par les mêmes, soutenus par certains médecins, que c’est la santé des « travailleurs » qui serait en cause, comme en témoignerait déjà la hausse des arrêts maladie (!).

Sur ce point, on peut quand même rappeler l’historique des congés payés : les deux semaines ont été accordées en 1936 (une victoire incontestable du Front populaire), puis les acquits se précipitent : les trois semaines sont accordées en 1956, les quatre semaines en 1968 et les cinq semaines en 1982. Difficile de penser que le cadeau de la 5éme semaine ait quoi que ce soit à voir avec la santé, au moment où François Mitterrand venait d’être élu et tenait à faire ce cadeau de bienvenue (avant d’entamer le tournant de la rigueur).

Dans le monde, la France est dans le peloton des privilégiés. 16 pays en Europe n’accordent que 4 semaines, dont tous nos voisins à l’exception de l’Espagne, à quoi il faut ajouter la Suisse, dont il n’est pas pour le moins démontré que ses salariés soient plus sujets à la maladie que les Français !

Au Canada la 4éme semaine n’est accordée qu’après 10 années d’ancienneté, et aux États-Unis il n’existe pas de réglementation…

Le magazine Capital fait aussi état d’une interview par RMC d’un patron d’entreprise qui a institué par accord avec chacun de ses salariés la liberté totale de prendre ou non ses congés payés. Le système fonctionnerait parfaitement à la satisfaction de tous. La moitié des salariés renoncerait à la 5éme semaine, voire à la 4éme, et le patron cite le cas d’une employée qui est « ravie » d’avoir ainsi pu gagner 980 € et s’offrir un voyage à New-York…Nul doute que la « santé mentale » de cette salariée y a gagné.

Que conclure de cette passe d’armes entre syndicats et gouvernement ?

Liberté, de grâce !

Tout d’abord, c’est le principe de liberté des salariés qui est en cause – et non pas la nécessité de la protection du pauvre salarié en face de l’employeur prédateur. Comme le note l’économiste Gilbert Cette interviewé par Les Echos, « laissons les salariés choisir et ne décidons pas pour eux ». Mais les syndicats en sont restés au siècle des sardinières de Douarnenez et des dures luttes sociales marxistes. Les statuts actuels de la CGT proclament toujours la « fidélité » aux principes de la Charte d’Amiens de 1906, qui prône notamment l’ « expropriation capitaliste ».1

Tous les syndicats expriment leur attachement absolu à ce que la réglementation portant les conquêtes sociales soit figée dans la loi elle-même (d’où la taille gigantesque du Code du travail) de façon à ce qu’elle s’applique à tous sans possibilité d’y déroger autrement que par des accords de branche (de la compétence des syndicats eux-mêmes) et pas au niveau de l’entreprise,- jamais au niveau de l’individu salarié.

D’où leur résistance constante à admettre que des accords d’entreprise puissent déroger à la loi, résistance que les réformes récentes du droit du travail n’ont pu qu’écorner, même si elles ont pu quand même y parvenir en partie. Les syndicats se comportent ainsi comme les chiens de garde du troupeau collectif des salariés, où aucun écart n’est autorisé. Jusqu’à ce que les moutons connaissent le sort suicidaire que leur réservera un quelconque Panurge ?

Des revendications syndicales qui finissent par tourner à vide.

Il faut aller plus loin encore, et expliquer pourquoi il ne s’agit pas ici de défendre un acquit social, puisque le salarié aura toujours droit à prendre l’intégralité de ses congés payés et qu’il en percevra toujours le bénéfice financier même s’il ne les prend pas, mais d’interdire aux salariés de choisir de travailler plus pour gagner plus, selon le slogan sarkosyste bien connu.

La responsable de la CFDT commet une grosse erreur en affirmant que « ce n’est pas aux salariés de se payer une marge de manœuvre…en rognant sur leurs congés ». La personne dont nous avons évoqué la satisfaction d’avoir pu se payer un voyage à New York n’avait pas de revendication à l’égard de son employeur, et était seulement pleinement consciente que le salaire ne peut être que la contrepartie d’un travail.

Au lieu de cela les syndicats français sont incapables de se départir d’un vue conflictuelle des rapports entre employeurs et salariés.

En 1936, l’instauration  sous le Front populaire des 2 premières semaines de congés payés avait une signification vitale ; en 2025, la renonciation à prendre 5 semaines de congés permet d’aller visiter New-York ! La société a énormément évolué en 90 ans, mais cela, les syndicats sont incapables de l’admettre.

Travailler plus, une « horreur » : Mais pourquoi les syndicats n’ont-ils alors aucune prévention contre les heures supplémentaires ?

Faire le choix de renoncer à une semaine de congés payés, c’est travailler 35 heures supplémentaires par an. Alors que le chiffre des heures supplémentaires, elles aussi librement consenties, est plus élevé.

Un récente étude de la Dares, publiée le 25 juin dernier, indique en effet qu’en 2024, 39% des salariés ont effectué des heures supplémentaires, pour un nombre moyen d’heures d’environ 39 heures dans l’année. Et pourtant, les heures supplémentaires ne sont rémunérées que 25%, ou 10% selon les cas, de plus que les heures normales. Cela n’entraîne pas de protestations de la part des syndicats. Les salariés à temps complet des pays voisins travaillent d’ailleurs environ 40 heures par semaine sans supplément de rémunération.

La véritable raison de l’opposition syndicale est à chercher dans la crainte d’avoir à reconnaître que la 5éme semaine de congés payés est jugée par beaucoup de salariés comme une conquête sociale à laquelle ils préfèrent renoncer pour « gagner plus ».

La machine syndicale des revendications finit par tourner à vide dans la mesure où la France a atteint un niveau de diminution d’heures de travail qu’on ne doit plus dépasser sans porter atteinte à la production de richesse par le pays.

Il en va des congés payés comme de l’âge de la retraite, à la différence près que n’avoir que 4 semaines de congé n’est pas considéré par les salariés comme une perte d’acquit social si cela permet d’être mieux rémunéré. Et cela, les syndicats ne veulent pas l’admettre.

Finalement, on peut comprendre que les syndicats craignent la mise en œuvre de cette mesure. Mais ce n’est pas pour la bonne raison.

Les salariés dans leur ensemble n’ont pas un besoin impératif, notamment pour leur santé, de prendre 5 semaines de congés payés. Pour beaucoup, c’est, comme les heures supplémentaires, un luxe qui passe après le besoin – ou le désir – d’un pouvoir d’achat amélioré. Encore une fois, laissons les salariés décider !

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  1. Préambule de la charte d’Amiens :« Dans l’œuvre revendicative quotidienne, le syndicat poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires, etc. Mais cette besogne n’est qu’un côté de l’œuvre du syndicalisme: il prépare l’émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste; il préconise comme moyen d’action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale ».  ↩︎

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1 commenter

Roger novembre 11, 2025 - 9:05 pm

Et pourquoi pas plutôt embaucher? Ah oui, j’allais oublier: la pénurie de main-d’oeuvre…🤥😂
Pas de confusion: aucune illusion sur les syndicats… et pas de méconnaissance sur la bonne fréquence avec laquelle patrons et délégués syndicaux font de bonnes petites affaires de gestion de ressources humaines.
Mais business is business, isn’t it?
Bien gentille la proposition de travailler pour gagner plus et raccourcir les vacances dans notre beau pays de pénurie de main-d-‘oeuvre où les Français ne veulent pas faire les travaux que les étrangers font bravement…
avant, ou à la suite de, la baisse des salaires?
Il fallait y penser.
Avant de faire des articles sympas sur la dhimmisation généralisée de la France dont les responsables politiques se gorgent de racolages communautaristes couardissimes et électoralistes (https://irdeme.org/Pourquoi-avons-nous-tant-de-problemes-avec-l-Islam/) et notamment un truculent rappel des meurtres de milliers de personnes par un certain Mahomet, il faudrait aussi se demander si les propositions, comme celle présentée dans cet article, ne relève(nt) pas d’une dhimmisation à la sauce gueux-bourgeois.

Vive le Roi!

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