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L’économie française gravement affectée par les évènements actuels

par Claude Sicard
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(Article paru le 2 juillet 2024 sur le  site Contre-Poison, sous le titre « Le programme de réindustrialisation de la France à l’épreuve des évènements actuels »)

Avec les troubles, et les incertitudes, que cause la soudaine  dissolution de l’Assemblée Nationale par le Président de la République on ne peut que s’inquiéter du sort de notre économie, car les évènements auxquels on assiste vont faire fuir les investisseurs, qu’ils soient nationaux ou, plus encore, étrangers. Le redressement, en effet, de notre économie ne peut s’opérer que par la réindustrialisation du pays, et cette réindustrialisation nécessite un montant d’investissements considérable, donc des investisseurs tant nationaux qu’étrangers. Le mouvement a été lancé avec le Plan « France 2030 », un plan qu’Emmanuel Macron a mis en place en  2021, et il était bien parti : mais il se trouve, subitement, totalement stoppé.

Emmanuel Macron a été très long à comprendre que les maux qui affectent  notre économie depuis la fin des Trente Glorieuses proviennent de la désindustrialisation du pays. Et pourtant il avait été précédemment ministre de l’Economie. Il y avait eu, en novembre 2018, la crise des Gilets jaunes qui était l’illustration même des dégâts que cause à un pays sa désindustrialisation : appauvrissement  de la population, raréfaction des emplois, et désertification du territoire ; mais cela ne fit pas tilt. Ce ne fut que, plus tard, et par le simple hasard de la crise de la Covid-19, qui débuta  en février 2020,       qu’Emmanuel Macron réalisa que nous étions gravement désindustrialisés, et il lança donc, fin 2021,son plan « France 2030 », un plan de 5 ans qui est bien timide, avec des objectifs restreints et des moyens limités. Nous avons ainsi commencé à nous réindustrialiser, avec le concours des investissements étrangers, Emmanuel Macron se mettant en quatre pour les inciter s’installer en France, et l’on sait que le dernier « Choose France » qui s’est tenu à Versailles a été un franc succès, la France devenant enfin un pays attractif pour les IDE (Investissements directs étrangers).

Avec la crise déclenchée par la soudaine décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée Nationale tout a changé. Le pays se trouve brusquement plongé dans le chaos : les Français sont désorientés car ils comprennent que l’on entre dans une longue période de troubles,  et les partis politiques ont dû élaborer dans la plus grande précipitation un programme et designer les candidats qui vont défendre leurs couleurs aux prochaines élections législatives. Et l’on voit le paysage politique  se structurer en deux grands blocs bien décidés à s’affronter : un bloc de droite, emmené par le Rassemblement National (RN), et un bloc de gauche, qui s’intitule « Le Nouveau Front Populaire », un nom qui a une résonnance révolutionnaire, choisi en écho au fameux « Front populaire » de 1936 qui causa, on s’en souvient, d’énormes dégâts à l’économie du pays. Et, entre les deux blocs, un courant que l’on peut qualifier de centriste, constitué de membres divers qui ne savent pas encore s’ils vont collaborer ensemble, dont le parti du Président.

Il faut donc s’interroger pour savoir ce qu’il va advenir, maintenant, du programme de réindustrialisation amorcé par Emmanuel Macron, un programme qui aurait bien besoin d’être considérablement renforcé, d’ailleurs.

 Le Plan « France 2030 » d’Emmanuel Macron :

Emmanuel Macron a lancé en décembre 2021 le Plan « France 2030 », un plande  30 milliards d’euros, auxquels sont venus se rajouter 24 milliards encore disponibles, résultant du plan précédent (France Relance). L’objectif de ce plan est bien précis : « Faire émerger les futurs champions dans nos filières d’excellence ». Les objectifs sont les suivants :

  • Petits réacteurs nucléaires (SMR)
  • Devenir leader de l’Hydrogène vert
  • Deux millions de voitures électriques en 2030
  • Baisser de 35 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030
  • Produire le 1er avion bas-carbone
  • Produire en France 20 bio-médicaments
  • Prendre notre part dans l’aventure spatiale
  • Investir dans les grands fonds marins.

Il s’agit donc d’objectifs bien déterminés, alors que nous aurions besoin d’un plan beaucoup plus vaste, un vrai plan de réindustrialisation du pays, sans distinction à faire entre projets « stratégiques » et projets « non stratégiques ».Il nous faut donc présenter l’esquisse du plan de marche dont le pays a un urgent besoin.

Esquisse d’ un vrai Plan de redressement de l’économie française.

Nous  avons procédé, dans d’autres articles, à des simulations pour voir selon quel processus la réindustrialisation de notre pays pourrait s’opérer en un espace de dix ans. Il va s’agir d’avoir l’ambition de remonter à 18 % la participation de notre secteur industriel à la formation du PIB, alors qu’elle n’est plus que de 10 % aujourd’hui, et nous indiquons ci- dessous les lignes générales du plan dont nous aurions besoin, un plan doté d’un budget important, pour faire à l’américaine du « Build Back Better », c’est-à-dire de la «  reconstruction » de notre économie :

 Plan de redressement de l’économie en 10 ans

-Objectif ………………………….…Porter l’industrie à 18 % du PIB.
 Avec :
-Création d’emplois industriels …….……800.000  à 1.000.000
-Investissements à réaliser……..…………..…350 milliards euros
-Recours aux investissements étrangers (IDE) : 150 milliards
euros
-Budget de soutien aux entreprises : 150 milliards d‘euros
(dont le paiement s’étalerait sur 20 ans).

 Rythme annuel :

-Emplois….. 80.000 à 100.000 /an ;

-Investissements :

  • Entreprises françaises…. 20 milliards d’euros
  • Entreprises étrangères….15milliards d’euros

          Total      35 milliards d’ euros

 Selon ce plan, les effectifs du secteur industriel s’élèveraient à près de 4 millions de personnes, en fin de période, chiffre à comparer aux  7 millions de salariés existant aujourd’hui en Allemagne dans ce secteur. Mais, à la différence des Etats-Unis, ce plan ne comporterait pas de mesures de protection douanière du fait que l’Europe nous l’interdit : et si, demain, des mesures protectionnistes étaient mises en place, elles seraient installées au niveau européen. Et on demanderait à la Commission Européenne de nous autoriser à pratiquer une préférence nationale dans les commandes publiques.

Il faut bien voir que l’industrie est, des trois secteurs qui composent l’ économie d’un pays, celui qui génère le plus de richesse et où le progrès technique augmente le plus rapidement. Le drame qui s’est produit dans notre pays est que la loi des trois secteurs de l’ économie de Jean Fourastié, qu’il avait énoncée dans son ouvrage « Le grand espoir du XXe siècle » paru en 1949 , a été mal comprise : on en a  conclu, à torts, qu’un pays moderne n’est plus constitué que par des activités de services. Le cliché lancé par le grand sociologue Alain Touraine, « une société post-industrielle», a fait beaucoup de dégâts. Il fallait comprendre que, certes, dans un pays moderne les effectifs de l’industrie vont en s’amenuisant, mais par les effets du progrès technique la valeur ajoutée par emploi croit très vite en sorte que le secteur industriel continue à être présent, représentant toujours entre 20 % et 25 % du PIB. En France, le secteur industriel ne concourt plus que pour 10 % à la formation du PIB, alors qu’en Allemagne ou en Suisse, des pays que ne se sont pas laissé piéger par le cliché « post-industriel », on  en est à 23 % ou 24 %. 

Les programmes inquiétants des candidats aux prochaines élections législatives

L’accès au pouvoir de l’un des deux clans qui s’affrontent dans les élections législatives qui se déroulent actuellement n’est pas très favorable à la réindustrialisation du pays. Le plan que nous avons esquissé plus haut requiert un flux d’investissements de 35 milliards d’euros par an,  dont 15 provenant, en moyenne, de firmes étrangères. Qu’il s’agisse du Rassemblement National ou du Nouveau Front Populaire, le climat n’aura rien de rassurant pour les investisseurs. Pourquoi cette inquiétude des investisseurs, face à la situation actuelle ?

a)Le danger du « Nouveau Front Populaire » :

On se souvient que l’on eut, en 1936, dans notre pays, le « Front Populaire » : un mouvement lancé « pour rattraper le retard pris par la IIIe République ». La CGT, qui avait adopté en 1906 la « Charte d’Amiens », une charte qui inféoda notre syndicalisme au marxisme, n’avait en effet pas pu agir librement jusque-là, en raison d’abord de la première guerre mondiale, puis, ensuite, de la grave crise de 1929. Elle put, enfin  déployer ses talents en 1936, déclenchant un vaste mouvement de grève au mois de mai, dans l’aéronautique. Très  vite, les grèves  s’étendirent à tout le secteur de l’armement, et le mouvement  se propagea, dans l’allégresse, dans toute  la France,  touchant même  les commerces et la grande distribution. On compta un peu plus de 12.000 grèves, dont 9.000 avec occupation d’usines. Finalement le pays se trouva  complètement paralysé, et le 7 juin, à l’initiative du gouvernement,  le patronat  et les syndicats signèrent les « Accords  Matignon »..Il y eut, ainsi, une forte augmentation des salaires, les premiers congés payés (15 jours), et une semaine de 40 heures, au lieu de 48 h. Et on  nationalisa les usines d’armement et plaça la Banque de France  sous tutelle. Il y eut, comme conséquence, une forte dévaluation du franc par Léon Blum le 17 novembre 1936, et la SNCF fut créée l’année suivante,  en 1937. Pendant que les Français faisaient la  révolution, de l’autre côté du Rhin Hitler était allé réoccuper  la Rhénanie qui avait été démilitarisée, et, dans un discours, le 16 mars 1936,  il avait annoncé sans que l’on s’en inquiétât le réarmement de l’Allemagne, en violation des clauses du traité de Versailles. Trois ans plus tard,  la France se trouva   honteusement vaincue en 6 semaines par les armées du Reich, et le pays fut occupé par les Allemands.

Les entreprises françaises gardent un très mauvais souvenir de ce premier Front populaire, et elles ne peuvent que redouter la venue de ce « Nouveau Front populaire » dans notre pays. Aussi, n’est-il pas nécessaire d’aller fouiller dans le programme que ce parti  vient précipitamment d’élaborer, pour savoir que rien de bon n’est à attendre de l’éventuelle accès au pouvoir de son leader, Jean-Luc Melanchon. L’installation en France de ce nouveau « Front populaire » fera fuir les capitalistes, et c’est l’Etat qui devra prendre le relai pour investir en vue de reconstituer notre secteur industriel : mais il n’y a plus d’argent, la France se trouvant contrainte de cesser de s’endetter.

b)Le Rassemblement National

Là, également, nul besoin d’aller se plonger dans le programme de ce parti, car l’avènement au pouvoir du RN va immédiatement provoquer des troubles considérables dans tout le pays. Un front qui se prétendra « Républicain » se  constituera, et partout dans les rues la violence se déchainera. Les forces de l’ordre devront intervenir et il pourrait bien y avoir, cette fois, des morts, ce qui ne ferait qu’aggraver la situation, d’autant que bon nombre de fonctionnaires cesseront d’obéir. On entrera donc dans une période extrêmement troublée et nul ne peut prévoir comment le pays pourra sortir du chaos. De tels évènements feront fuir, évidemment, les investisseurs et l’on n’en sera plus à se préoccuper de reconstruire notre secteur industriel.

Dans un cas comme dans l’autre le pays, donc, va se trouver plongé dans une longue période de troubles, un climat chaotique détestable pour les investisseurs, à un moment où on aurait besoin que se manifeste, pour reconstruire notre économie, un flux important d’investissements, chaque année.. Toute l’Europe s’inquiète, d’ailleurs, des évènements qui soudain surviennent en France, un pays  qui depuis une quarantaine d’années ne cesse d’avoir une dette qui augmente régulièrement, une dette qui a fini par dépasser le montant du PIB. Aucun des deux blocs en présence ne va se trouver en mesure, vues les annonces inconsidérées faites pour séduire les électeurs, de procéder aux économies à faire pour satisfaire aux exigences du pacte de Stabilité et de Croissance  de la zone monétaire européenne, et le pays va se trouver dans une impasse. Indéniablement, on court à la catastrophe ! On va droit dans le mur.

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1 commenter

moulin juillet 6, 2024 - 9:17 am

Un noir pessimisme serait logique. Des optimistes continuent d’écrire que c’est le présidentialisme d’un petit clan minoritaire qui est la cause de la non adaptation pragmatique de la France. Certains (Telos.fr) espèrent un peu du parlementarisme qui va découler de l’absence de majorité absolue pour un des 3 blocs d’opinions.

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