J’avais célébré en son temps la créativité de Madame Hidalgo (voir article IRDEME « où Madame Hidalgo invente la voiture immobile » du 14 mars 2024) pour coller les voitures automobiles au sol, centré à l’époque sur les tarifs de stationnement. Cette dernière depuis ne cesse de récidiver et nous avons eu droit depuis au périphérique à 50 à l’heure et tout récemment à la nouvelle zone interdite aux voitures individuelles au centre de Paris. Entre-temps de bons esprits expliquent chaque jour que les SUV doivent être interdits ou au moins pénalisés et pistes cyclables et travaux restreignant la circulation s’étalent chaque jour un peu plus …
Reprenons, l’homme, arrivé sur terre et dressé sur ses pattes de derrière comprit très vite la nécessité de se déplacer : cueillette, exploration, chasse, rencontres… la plupart des activités nécessitaient un déplacement.
Vivant à la campagne, dans un habitat a priori dispersé, l’homme s’est d’abord servi de ses jambes : problèmes : la distance, la vitesse, la charge, voir le confort en cas d’intempéries. Il chercha donc à améliorer cette solution. Il s’est par contre installé subrepticement un droit à la mobilité.
Voyons comment il a évolué :
Première idée : l’animal domestique et pour faire simple, le cheval est plus rapide que le bœuf qui est plus vigoureux selon les cas. Accessoirement, l’homme inventa le char et la diligence. Inconvénients : il faut entretenir des êtres vivants et la performance se révélera moyenne.
Deuxième idée : la draisienne, ancêtre du vélo (1817) (par le baron allemand Karl von Drais), précédée de peu par le « fardier » de Cugnot (1804), premier véhicule (militaire) mu par une machine à vapeur, suivis par la première « automobile » par Karl Benz en 1885. Ces deux idées vont cheminer en parallèle, la voiture pour les (très) riches, le vélo plutôt pour le peuple. Il faut citer ensuite la révolution de la Ford T (1908) qui va largement démocratiser l’utilisation de l’automobile au moins aux États-Unis. Reprenons, l’homme, arrivé sur terre et dressé sur ses pattes de derrière comprit très vite la nécessité de se déplacer : cueillette, exploration, chasse, rencontres… la plupart des activités nécessitaient un déplacement.
À ce stade il faut séparer deux utilisations très différentes :
– à la campagne la voiture désormais à la portée du plus grand nombre est une nécessité compte tenu des distances et de la diversité des parcours. En Amérique du Nord par exemple, le simple éloignement usuel des maisons rend l’utilisation d’une « voiture » quasiment indispensable. Le vélo ou ses versions électrifiées ou motorisées ne répondent pas à un usage habituel et permanent, pas plus que les transports en commun, impossibles à agréger.
– en ville ou en agglomération la question se pose différemment car les distances sont réduites et l’on peut agréger des flux, donc imaginer des transports en commun. Rapidement, le vélo a eu son heure de gloire, en France pendant la dernière guerre par exemple. Il a ensuite été détrôné par la moto laquelle a elle-même, sauf choix délibéré, laissé la place à l’automobile. A noter que celle-ci a l’avantage de pouvoir être utilisée indifféremment en ville et en campagne, directement d’un point à un autre, seul ou en famille, voire avec des bagages.
Les deux questions qui se posent alors sont d’une part la rivalité entre les transports en commun et les transports individuels, et l’allocation optimale de l’espace entre les différents systèmes de transport. Pendant longtemps, la compétition s’est limitée à la présence simultanée des piétons et des automobiles, en mouvement ou en stationnement, et des transports en commun de surface1. Il s’est fait une répartition raisonnable et historique entre piétons et voitures. Une seule évolution marquante : l’enfouissement du stationnement dans les parkings souterrains au fur et à mesure de l’augmentation du parc automobile, suivi d’une taxation du stationnement propre à satisfaire la boulimie financière des édiles communaux. À noter toutefois que le consommateur, chaque fois qu’il a pu, a voté pour l’automobile, extraordinaire instrument polyvalent de liberté individuelle.
J’écarte l’analyse des motos car elles n’ont pas pris de facto une place majeure sauf entre les files de voitures et aux feux rouges, inaugurant le mépris du code de la route, car difficiles à pister et donc à punir2. Mais n’en stressant pas moins l’ensemble du système.
Une analyse à l’époque a du déterminer que les transports en commun pourraient être largement améliorés en leur consacrant des espaces réservés. La création géniale qui s’ensuivit fut l’instauration des couloirs d’autobus : force est de constater que la spécialisation des voies si elle a un peu amélioré la circulation des autobus, a simultanément « gelé » une part non négligeable des voies utiles qui restent désespérément vides entre les passages de ceux-ci. C’est tout sauf une allocation intelligente de l’espace pourtant inextensible. Si l’on ajoute, du point de vue du consommateur certes, que l’arrivée d’un autobus reste extrêmement aléatoire, que le passager reste considéré comme un « usager » et pas un « client »3, il est difficile de considérer cela comme un réel progrès. Cela a peut-être amélioré la relation automobile/autobus, ce n’est pas certain.
La nouvelle allocation qui fait fureur ces derniers temps est l’allocation au vélo. Un premier essai consista à les autoriser dans les couloirs de bus. Moindre mal mais résultat ? On a donc décidé de découper désormais l’univers de circulation en trois : transports en commun, automobiles, vélos.
Cela donne des résultats kafkaïens : car plus personne ne comprend simplement où il doit passer. Si l’on ajoute une multiplication impressionnante de travaux, des élargissements de trottoir pour piéton (Étoile, Porte Dauphine, rue Lafayette, avenue de Clichy … les travaux des JO ont bon dos), les extensions « temporaires » de terrasses de restaurant, mais surtout l’autorisation officielle donnée au vélo de prendre les rues à contresens (suivi désormais souvent par les camionnettes !) ce qui est interprété communément comme dispense définitive d’observation du moindre code de la route4.
Surtout la circulation est de plus en plus difficile. Il y aurait bien la solution suggérée ce matin par l’animateur d’un journal télévisé bien connu : réserver des rues complètes aux vélos ! Quelqu’un pourrait-il m’expliquer comment il gère ses transports de produits encombrants, paquets, cartons, courses s’il n’a plus accès à la porte de son immeuble sur la rue ? N’importe quoi ! Les Véhicules Légers à largeur vélo, ne sont pas encore attractifs.
La limitation de vitesse sur le périphérique a pour conséquence que l’on n’y roule plus que sur trois voies : on pourrait peut-être récupérer la quatrième pour les vélos ?
L’interdiction de circulation dans les arrondissements du centre de Paris devrait mécaniquement encombrer le périphérique. Essayez un dimanche de circuler « vers » le centre : vous êtes déjà déportés quasi systématiquement parce que Paris « doit respirer ». Alphonse Allais, lequel voulait installer les villes à la campagne, doit se tordre de rire dans sa tombe.
Il est tout à fait inexcusable et criminel, c’est évident, qu’un automobiliste ait écrasé délibérément un cycliste. Il est moins grave certes mais pas très agréable quand même qu’un cycliste détériore la carrosserie d’un véhicule ou arrache un rétroviseur. Mais c’est le résultat de décisions hasardeuses qu’un avocat, pourrait largement assimiler à du harcèlement, autre thème à la mode.
L’absence d’application du code de la route à une catégorie de véhicules a généralisé une foire d’empoigne générale. Il paraît que désormais on donne des contraventions aux vélos : après leur avoir expliqué pendant cinq ans que tout leur était permis, il est peu probable que l’on arrive à redresser la barre. Encore plus que les motos, les vélos sont difficiles à attraper.
Au demeurant le vélo, devenu électrique, est beaucoup moins écologique qu’il n’y paraît si l’on raisonne en cycle de vie complet, et que l’on intègre des taux d’utilisation le plus souvent faibles et son manque d’intérêt pour la santé sportive.
Ce n’est pas par hasard que la voiture a détrôné la moto, laquelle a détrôné le vélo, lequel a détrôné le cheval, lequel a détrôné les pieds. La voiture individuelle reste en 2024 le meilleur rapport efficacité-qualité-prix pour atteindre une destination un tant soit peu éloignée, surtout si les intempéries et les paquets ou valises s’en mêlent.
A la ville où les distances sont moins grandes et où les flux plus groupés permettent des transports en commun – la voiture reste la meilleure solution pour les étrangers, les handicapés, les gens âgés, les gens malades ou pressés, les gens chargés etc. … C’est-à-dire déjà beaucoup de monde.
Concernant les transports en commun il y aurait beaucoup de choses à dire en particulier sur les autobus : les systèmes d’annonces de délais sont peu fiables et peu prévisibles, les travaux suppriment des arrêts ! Le métro lui impose de monter et descendre des escaliers etc. Les tramways engorgent les portes de Paris ! Les interconnexions entre bus, métro, RER, tramway sont souvent longues et difficiles … une offre pertinente et adaptée serait pourtant une solution plus motivante.
Au stade suivant il faudrait communautariser au maximum les espaces mais cela implique une cohabitation régulée respectée. Cela s’appelle le Code de la route (et des transports) : il devrait s’imposer à tous et en tout lieu, aux voitures bien entendu mais aussi aux vélos, aux trottinettes, aux transports en communs et aux piétons. A noter au passage, que, curieusement, les voitures semblent animer les villes qui, sans elles, meurent lentement : voir le désert morbide la dalle de la Défense, et paraît-il la lente agonie des commerces de la rue de Rivoli ou de la Place d’Erlon à Reims. Le no man’s land des Halles ne vaut guère mieux. New York, elle, vit !
Il est tout à fait louable de s’occuper des soucis de ceux qui sont prêts à risquer leur vie (222 morts en vélo en 2023) et qui ont de plus la capacité physique de s’y adonner mais il y a désormais près de 30 % de la population qui a plus de 60 ans ce qui est probablement l’âge auquel il vaut mieux renoncer à ce genre de risque. Madame Hidalgo devrait intégrer que « ces gens-là » représentent accessoirement presque 50 % des votants ainsi que du financement du système commun5. Ils ont parfois besoin d’un véhicule individuel.
Au passage il n’y a aucune raison constitutionnelle de créer des castes de citoyens choyés et de citoyens brimés : le harcèlement doit cesser !6
- le métro est hors jeu ↩︎
- peut-être pour finir à cause de la pluie. J’ai été moi-même motocycliste : la pluie est l’ennemi absolu ↩︎
- a date et depuis plusieurs jours, le 43 par exemple saute froidement trois arrêts entre l’avenue McMahon à Paris et la rue Parmentier à Neuilly en prévenant au dernier moment : 2km à pieds, ça use, ça use … ↩︎
- a vu de nez, plus de 50 % des vélos ne respectent même pas les feux rouges ! ↩︎
- La dette de la ville de Paris a explosé à 8,2 Millards d’€ en 2023 malgré une augmentation de la Taxe Foncière de 43 % !!! ↩︎
- Faut-il créer un club ou organiser une manifestation ? et casser… ↩︎
3 commentaires
Parisien, après avoir été banlieusard, je ne défendrai pas la maire de Paris.
Les abus d’expédients de son équipe pléthorique portent sur le fait que Paris est au centre de la région Ile de France et qu’elle prend ses mesures d’abord pour soigner ou flatter ses électeurs sans voiture.
Les mesures actuelles sont favorables aux banlieusards qui osent venir à vélo pour travailler dans Paris. Sur certains axes le débit des personnes à vélo est impressionnant et très supérieur à celui des personnes en voitures.
Mais pour optimiser le partage d’espace public, l’action prioritaire devrait être de supprimer le stationnement ventouse le long des trottoirs et récupérer cette énorme surface pour verdir la ville, les piétons, les cyclistes, les voitures, les bus et les camions.
Trois programmes d’actions devraient être prioritaires :
1/. limiter fortement le stationnement en surface , ce qui induirait la reprise des constructions de parkings souterrains et la diminution de l’usage de la voiture pour les petits trajets ;
2/. promouvoir activement un vrai substitut de la voiture à 4 roues et 2 places cote à cote par des véhicules légers intermédiaires VELI https://www.aveli.org/, de largeur vélo = 80-90 cm. Y compris par un grand parc en location temporaire comme pour les vélos et les voitures, et en leur donnant une priorité pour le stationnement en surface ;
3/. les deux problèmes des transports en commun sont les coûts-durées pour construire des voies dédiées ET les coûts de personnel. Les véhicules autonomes arrivent. M. Pélata, ex DG de Renault, a proposé de mettre en place des véhicules de 20 places qui rouleraient dans les rues et feraient du porte à porte selon les demandes émises par mobile sur une plateforme d’optimisation. Ses simulations font espérer une division par 10 du nombre de véhicules en circulation, pour un coût trajet analogue au billet de RATP, et la libération d’une surface énorme.
Conclusion : le maintien de la mobilité efficace dans une grande métropole-région est possible avec un vrai plan d’investissement et arrêt des expédients par une équipe pléthorique, travaillant bcp moins que les vrais travailleurs qu’elle harcèle, et surtout mal gérée et en déficit chronique.
A Nantes, les services s’ingénient à compliquer la vie des automobilistes. Existent aujourd’hui des sens interdits dont l’existence relève de la volonté municipale de ne plus voir de véhicules en ville: qu’elle le dise franchement (c’est sans doute difficile d’avouer); d’un point de vue écologique, je n’ai pas les compétencves pour le démontrer mais je doute qu’une voiture prise dans les encombrements et qui met une heure pour rallier un point qu’il est possible d’atteindre en 8 minutes normalement soit un bénéfice pour la planète!
Certains lecteurs pourraient être intéressés par ce long document illustré des statistiques de mobilité en France par Aurélien BIGO
https://www.linkedin.com/in/aur%C3%A9lien-bigo-551a50203
https://drive.google.com/file/d/1NDuQd4WVNHL23C-tVID8SuGcCi4t90AS/view?usp=sharing
et
https://bonpote.com/les-vehicules-intermediaires-lavenir-de-la-mobilite/