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La télémédecine encore insuffisamment développée en France

par Xavier Pradet-Balade
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Les expériences de télémédecine en France ont été des échecs. Pourtant, d’après le dernier rapport de la Cour des comptes, une télémédecine intelligemment mise en œuvre, pourrait être une source importante d’économies et une réponse partielle au problème des déserts médicaux.

Qu’est-ce que la télémédecine et qui ont été les précurseurs ?

La télémédecine recouvre traditionnellement quatre types d’actes :
– la téléconsultation : consultation à distance d’un médecin ;
– la téléexpertise : sollicitation à distance par un professionnel de santé de l’avis d’un autre médecin ;
– la télésurveillance : surveillance médicale et interprétation des données du suivi médical du patient à distance ;
– la téléassistance : assistance à distance d’un médecin à un autre professionnel de santé pendant la réalisation d’un acte.

Les précurseurs se sont concentrés sur la couverture sanitaire de populations isolées en Norvège et au Nord-Canada. Aux Etats-Unis, la Veteran Health Administration a mis en place une organisation couvrant 8,8 millions d’anciens militaires dans trois domaines :

– la télésanté clinique : elle utilise en temps réel la vidéoconférence interactive pour examiner, traiter et prodiguer des soins à distance ;
– la télésanté à domicile : elle coordonne l’hospitalisation, les services de soins infirmiers et la télésurveillance à domicile pour assurer le suivi de cinq pathologies dont le diabète et les maladies cardiaques chroniques ;
– une plateforme de consultation « asynchrone » : elle permet de stocker des informations cliniques, (données, images, sons ou vidéos) transmises à des spécialistes en vue d’une évaluation clinique détaillée.

En 2014 le nombre de consultations s’élevait à 2,1 millions dont 45% concernaient des populations vivant en zone rurale. 90% des personnes se déclaraient satisfaites des soins.

Les avantages de la télémédecine

Pour la France, les soins les plus intéressants à court terme semblent être la télésurveillance des maladies chroniques évitant les hospitalisations inutiles. Un sondage sur 2015 pour le diabète, l’insuffisance rénale et cardiaque a dénombré 100.000 séjours portant uniquement sur la surveillance sans acte classant. La télésurveillance généralisée pourrait permettre des économies allant jusqu’à 2,6 milliards d’euros dans les domaines du diabète avec insuline, l’insuffisance rénale et cardiaque. Une autre étude évalue, pour les prises en charge de plaies complexes, les dépenses d’hospitalisation évitables à près de 4.600 euros par patient sur neuf mois.

Outre les économies financières, la télémédecine devrait également permettre d’améliorer les conditions de prise en charge. Elle devrait apporter une réponse, partielle peut-être, mais réelle, au problème des déserts médicaux, contribuer à désengorger les urgences et faciliter les interventions pluridisciplinaires.

Où en est la France aujourd’hui ?

En 2011, le ministère a annoncé un plan national de déploiement prévoyant 44 millions d’euros d’investissements, mais en fait de seulement 14 millions d’euros de ressources nouvelles. Le plan a été abandonné en 2012 faute de financement. Lui ont succédé des initiatives régionales multiples organisées principalement autour des établissements de santé et conçues par les agences régionales de santé. Elles mettaient principalement en jeu les fonds du fonds d’intervention régional pour 194 millions d’euros entre 2011 et 2015. Les expérimentations ont été très hétérogènes selon les régions et ont souffert de trois défauts :

– leur dépendance à l’égard de l’engagement personnel des médecins porteurs de projet ;
– l’hétérogénéité des périmètres ;
– le caractère non pérenne des financements du fonds d’intervention régional, mortel pour tout projet non généralisable rapidement.

Le ministère n’a pas suivi l’activité, repoussant toujours à plus tard l’établissement d’un observatoire et d’une cellule de soutien aux agences régionales de santé. Au 31 décembre 2015 ces agences ont fait état de 275 projets dont 86 sans activité connue. Les quatre cinquièmes d’entre eux portaient sur la téléconsultation et la télé-expertise et seulement un dixième sur la télésurveillance. Une centaine incluait des relations patient-médecin.

En 2012 la politique officielle de télémédecine a été réorientée vers la médecine de ville (hors hospitalisation ou hébergement dans des établissements de santé ou médico-sociaux). Neuf régions pilotes ont été retenues pour des expérimentations dites ETAPE dotées de budgets spécifiques du fonds d’intervention régional. Fin 2016 l’échec était total, les expérimentations réelles ayant porté sur la dispensation d’une centaine d’actes à deux patients. Néanmoins le processus a été relancé pour 2017 (dotation du fonds d’intervention régional de 21 millions d’euros) avec promesse de rapport d’évaluation au Parlement à fin septembre 2017.

Pour finir, l’Assurance maladie s’intéresse indépendamment au sujet. Son implication s’est traduite par l’inscription de 4 actes spécifiques à la nomenclature :

– la télé-dialyse péritonéale (une technique d’épuration du sang) : télésurveillance d’une séance de dialyse péritonéale par un néphrologue, qui assiste un personnel paramédical placé physiquement auprès du patient. Ce dispositif favorise un mode de prise en charge moins coûteux que la dialyse en centre lourd et procure un gain de temps et de confort appréciable aux patients ;
– le dépistage de la rétinopathie diabétique (dommages aux vaisseaux sanguins de la rétine) : l’orthoptiste réalise le cliché du fond de l’œil et l’envoie à un ophtalmologue qui l’interprète dans les huit jours ;
– la téléconsultation en urgence en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui vise à éviter des déplacements délicats ou des hospitalisations inutiles pour des personnes fragiles ;
– la « télé-expertise-admission-changement » de médecin en EHPAD, qui a pour objet d’assurer la continuité du suivi et la transmission d’éléments utiles à la prise en charge par le nouveau médecin traitant des personnes entrées en EHPAD.

Au final il semble que la seule expérimentation réussie et opérationnelle en matière de télésurveillance cette fois, soit celle de l’apnée du sommeil. Elle est l’œuvre d’un syndicat professionnel et ne doit rien aux autorités officielles.

Au total la télémédecine et l’e-santé restent marginales en France et risquent d’entraîner sa régression dans les classements internationaux, si ce n’est déjà fait. La Cour préconise de repenser la télémédecine dans le cadre plus large de l’e-santé et de l’Europe. Elle rappelle les préalables nécessaires à sa généralisation que sont :

– la création de nouveaux actes spécifiques ;
– l’existence du dossier médical partagé ;
– l’identification standardisée des patients (théoriquement obligatoire en 2020) ;
– l’identification des personnels de santé (professionnels de santé et professionnels d’établissement) encore très limitée dans les établissements ;
– et bien sûr, pour les déserts médicaux, le déploiement préalable de la fibre et des réseaux.

 

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1 commenter

Jacques BENILAN février 1, 2018 - 11:10 am

TRÈS INTÉRESSANT
Merci Xavier pour ce très juste point de la situation actuelle de la télémédecine en France.

C’est un sujet qui m’intéresse car le fils d’un de mes plus proches amis, Vincent HILLENMEYER est DG de la société H4D, 92 av Kléber, qui est sans doute le meilleur constructeur de télécabines complètes et cette affaire décolle bien …
JB

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