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Suffit-il d’augmenter les salaires pour accroître la richesse des pays ?

par Claude Sicard
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Telle est la question à poser aux spécialistes des comptabilités nationales. Nous allons voir que ces systèmes d’analyse de l’économie des pays sont fondés sur les salaires, et ceux-ci sont très variables d’un pays à l’autre. À l’intérieur de la zone monétaire européenne, leur montant varie de 1 à 5.

Ce n’est qu’après la dernière Guerre mondiale qu’ont été mis en place, dans les pays, ces systèmes d’analyse de la politique économique des États que l’on nomme les « comptabilités nationales ». Ce sont des outils très précieux et l’on ne cesse de s’y référer. Elles résultent, nous disent les experts, des travaux de John Maynard Keynes, qui s’était rendu célèbre avec son ouvrage Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt, et de la monnaie, paru en 1936 ; et il y eut, ensuite, l’apport de Leontief avec ses tableaux « entrées-sorties », puis celui de Tinbergen, aux Pays-Bas. Finalement, ce n’est qu’à partir de 1945 que les différents pays à travers le monde se sont dotés chacun d’une « comptabilité nationale », une normalisation des méthodes ayant été faite par l’ONU, en 1970, avec « le document méthodologique du système de comptabilité nationale » (SCN).

Les comptabilités nationales permettent de mesurer dans chaque pays la « richesse » qui y est produite, ce que l’on nomme le Produit intérieur brut (PIB), et de suivre comment elle évolue, chaque année. Les PIB sont constitués par les valeurs ajoutées des différents acteurs de la vie économique, les services publics étant valorisés par ce que leur production coûte à la nation.

Chaque pays est donc caractérisé par son PIB, et l’on se base sur cette donnée constamment. Par exemple, le traité de Maastricht a prévu, en 1992, que le déficit budgétaire des pays membres doit obligatoirement être inférieur à 3% du PIB, et leur endettement extérieur ne pas franchir la barre des 60% du PIB. On doit donc s’interroger : cet instrument est-il parfait ? Et que signifie le terme de « richesse » lorsque l’on s’en réfère aux PIB/capita des pays pour les comparer les uns avec les autres ?

Les salaires, clé de voûte des comptabilités nationales

Comme le montre le tableau ci-dessous, les PIB/capita que nous donnent les comptabilités nationales sont un reflet représentatif des salaires existant dans les pays :

PIB/capita Salaire mensuel moyen
(US $) (US $)
Zambie 1.137 100
Nicaragua 2.045 158
Côte d’Ivoire 2.549 190
Paraguay 5.891 459
Gabon 8636 597
Russie 12.194 937
Chili 16.265 1.249
Grèce 20.192 1.640
Arabie 23.185 1.903
France 43.659 3.524
Israël 52.170 3.638
Danemark 68.007 5.333
USA 70.248 5.492
Suisse 91.991 7.329

Du fait du rôle déterminant que jouent les salaires dans les comptabilités nationales des pays, on peut se poser un certain nombre de questions.

Quelques anomalies qui posent question :

+a- Les PIB per capita des pays : un bon indicateur de richesse ?+

Les économistes considèrent que les PIB per capita sont de bons indicateurs de la richesse des pays, et ils y recourent constamment. La France, avec un PIB/capita de 43.659 dollars, se situe en Europe en 13e position seulement, placée dans ce classement au-dessus de l’Italie, et légèrement en dessous du Royaume-Uni. Et la Suisse se trouve tout à fait en haut dans ce classement, avec un niveau de richesse double du nôtre.

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En pratique, lorsque l’on se déplace en Europe d’un pays à l’autre on a peine à percevoir qu’il existe de tels écarts entre les pays. En suspectant donc que les PIB/tête ne reflètent pas parfaitement la réalité, les organismes internationaux effectuent des évaluations en termes de PPA, ce terme signifiant « parité de pouvoir d’achat », et l’on voit alors les différences se restreindre.

Nous donnons ci-dessous les PIB/capita tels qu’ils résultent des comptabilités nationales, et les PIB/capita calculés en PPA :

PIB et PIB en PPA (US$)
PIB PIB en PPA PIB/PPA
Espagne 30.103 40.602 0,74
Italie 35.65 46.385 0,76
France 43.659 51.009 0,85
GB 46.510 50.860 0,91
Allemagne 51.203 58.290 0,87
Suède 61.023 59.237 1,03
Norvège 89.154 80.555 1,10
Suisse 91.991 77.140 1,20

(Source : BIRD 2021)

On voit que les écarts entre ces valeurs peuvent aller de 20% à 25 %. Dans une comparaison avec le Royaume-Uni, le PIB/tête de ce pays est très sensiblement supérieur au nôtre, mais en termes de pouvoir d’achat c’est l’inverse, et nous sommes légèrement au-dessus ; dans la comparaison avec la Suisse, nous sommes en termes de PIB/capita du simple au double, mais en termes de PPA nous nous trouvons à 66% du niveau de notre voisin.

Autre surprise en matière de PIB/capita, le classement de la Chine dans la catégorie des pays sous-développés. Les pays de l’OCDE se sont engagés en 1969 devant les Nations-Unies à consacrer chaque année 0,7 % de leur PIB, ou plus exactement de leur RNB (Revenu National Brut, c’est-à-dire le PIB plus les revenus venant de l’extérieur) aux pays en voie de développement : c’est ce que l’on nomme l’Aide Publique au Développement (APD). Et il faut alors choisir un critère pour définir ce qu’est un pays sous-développé. Le CAD (Comité d’Aide au Développement) de l’OCDE a mis la barre à 12.000 US$. Ainsi la Chine se trouve-t-elle encore dans cette catégorie et la France a dû lui verser la somme de 140 millions d’euros en 2020 au titre de l’APD. Le PIB/capita de la Chine est relativement faible en raison du nombre fabuleux d’habitants que possède ce pays, or on sait qu’elle maîtrise aujourd’hui toutes les technologies et qu’elle participe avec les Américains à la conquête de l’espace.

+b- La productivité des actifs+

Lorsque l’on examine les comptabilités nationales des pays, on note avec surprise que la productivité des actifs est très variable d’un pays à l’autre, en entendant par-là ce que produit chaque actif (division du PIB par le nombre des actifs). Ce sont, en effet, les actifs qui, par leur travail, produisent de la richesse. On a les chiffres suivants :

PIB Nombre d’ actifs PIB/actif
(milliards US$) (Milliers) (US $)
Pologne 679 18.211 37.285
Grèce 214 4.619 46.330
Espagne 1.427 23.381 61.032
Italie 2.107 25.001 84.242
France 2.957 31.132 94.982
Roy. Uni 3.131 34.637 90.395
Allemagne 4.259 43.967 96.868
Pays-Bas 1.012 9.902 102.200
Suède 635 5.555 114.301
Israël 488 4.186 116.579
Danemark 398 3.050 130.49
États-Unis 23.315 164.796 141.478
Suisse 800 4.963 161.192

(Source : BIRD, année 2021)

Ce tableau est surprenant : d’où vient qu’un Polonais, par exemple, ne produise, lorsqu’il travaille, que 37.285 dollars par an, alors que dans le même temps un actif français est crédité par la comptabilité nationale de son pays d’une production de 94.982 dollars, et un Suisse de 161.192 dollars ? Ces résultats sont stupéfiants : pourquoi un travailleur suisse est-il capable de produire dans une année quatre fois plus de richesses qu’un Polonais ? Est-ce un problème de niveau d’instruction ? Ou bien de recours beaucoup plus intense à des capitaux, les emplois suisses étant fondés sur des intensités capitalistiques bien supérieures à celles des Polonais ? Le problème est posé.

Ce que l’on constate, c’est que, très logiquement, les salaires dépendent de la valeur de ce que les personnes produisent. On a ainsi la corrélation suivante :

Production par actif Salaire moyen mensuel
(US $) (US $)
Pologne 37.285 1.279
Grèce 46.330 1 .640
Espagne 61.032 2.527
Japon 72.011 3.465
France 94.982 3.524
Allemagne 96.868 4.045
Israël 116.579 3 638
Danemark 130.491 5.333
États-Unis 141.478 5.492
Suisse 161.192 7.329

(Salaires :source JDN)

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Comme on le voit, la corrélation entre ces données est bonne. La France est placée parfaitement sur la droite de corrélation : l’équation indique que le salaire moyen français devrait se situer à 3.690 dollars, soit un écart infime avec le salaire constaté (4,7 %).

Mais l’on peut aussi se demander si ce ne sont pas, à l’inverse, les salaires qui déterminent dans les comptabilités nationales l’importance des productions ? Sur le graphique précédent, nous avions pris pour variable explicative la production par actif, et, à l’inverse, nous prendrons, ici, les salaires comme variable explicative, et l’on a alors la corrélation suivante :

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Le coefficient de corrélation est meilleur que dans le cas précédent. On doit donc s’interroger sur le rôle des salaires, et plus généralement des revenus du travail, dans la formation des PIB.
On voit, avec cette corrélation, que le niveau des salaires pourrait bien déterminer la valeur de ce qui est produit.
Nous prendrons un cas concret dans l’industrie automobile : un véhicule fabriqué en Roumanie de marque Dacia va avoir une valeur faible du fait que les salaires sont très bas dans ce pays : et le même véhicule fabriqué en France va, en comptabilité nationale, ressortir avec une valeur beaucoup plus grande du fait que les salaires en France sont beaucoup plus élevés qu’en Roumanie : or, c’est exactement le même véhicule, et sur le marché international l‘un et l’autre vont se vendre au même prix : ils ont fondamentalement la même valeur marchande, mais ils ne contribuent pas à accroître la richesse de leur pays de la même façon.
De même dans les activités tertiaires : un bus Mercedes qui transporte des passagers à Bucarest et le même bus, à Paris, ne contribuent pas pour le service qu’ils rendent à la collectivité à la même augmentation du PIB de leur pays, du fait que le salaire du chauffeur roumain est très inférieur à celui du chauffeur parisien. Pourtant le service rendu est le même : un chauffeur roumain ne conduit pas plus mal qu’un chauffeur parisien. On souhaiterait pour comparer la richesse des pays que l’on prenne partout les mêmes valeurs pour les salaires.

On en vient donc à s’interroger sur l’influence des salaires dans la formation des PIB des pays : les biais introduits par les différences de salaires sont considérables.

La part des revenus du travail dans les PIB

Nous avons calculé la place revenant aux revenus du travail dans les comptabilités nationales des pays en partant du nombre des actifs et des salaires moyens. Et nous avons classé les pays en fonction de leur niveau de développement économique. On a le tableau suivant :

Niveau de développement Pays Part du travail ( en % du PIB )
Faible Mexique 71,6 %
Faible Hongrie 71,2 %
Moyen Espagne 63,8%
Moyen Portugal 60,4%
Moyen OCDE 59,8%
Moyen Allemagne 56,5%
Moyen France 55,7%
Moyen GB 54,0%
Élevé Finlande 46,4%
Élevé Suisse 42,8%
Élevé Suède 42,4%

(Source : calculs à partir des données BIRD)

Plus les pays sont développés, plus il y a d’investissements à rémunérer, et la part des cash-flows (amortissements et profits) augmente : celle du travail s’en trouve alors diminuée. D’où le passage de 72% à 42,0% que nous voyons sur le tableau ci-dessus, selon le degré de développement économique des pays.
Pour les pays se situant dans la catégorie « moyenne » (moyenne OCDE) comme c’est le cas de la France, la rémunération du travail intervient dans les PIB pour environ 60%. C’est dire l’importance de cet agrégat : dans le cas de la France, par exemple, une augmentation des salaires de 10 % accroîtrait notre PIB de 5,57 % ! Faut-il vraiment appeler cela de la « croissance » ?

Comment se déterminent les salaires ?

On voit qu’il faut procéder à une réflexion sur la façon dont se fixent les salaires, puisque la rémunération du travail est le point clé de la réflexion à mener sur les PIB.

Nous prendrons le cas d’Israël, un État dont la création est toute récente (1948), où l’on peut donc aisément voir pourquoi et comment les salaires, avec le développement du pays, ont été amenés aller en augmentant. Cela a commencé, comme partout ailleurs, par l’agriculture, car, en premier, il s’agit de nourrir la population. Les Israéliens ont inventé les « kibboutz », un mode d’organisation collective permettant de produire efficacement des végétaux, notamment sous serres, un système bien adapté à un pays qui dispose de très peu de terres arables. Et Israël créa aussitôt des centres de recherche agronomiques pour faire de la sélection végétale et développer de nouvelles techniques de production (le goutte à goutte par exemple). Avec ce système d’organisation, de type collectif, les salaires étaient très bas, ce qui était acceptable, les besoins étant limités : avec des gens vivant en collectivité, les coûts de nourriture, de logement, d’éducation des enfants, etc. sont faibles et les produits agricoles, du fait de salaires très bas, sont produits à des coûts très limités.
Il y eut ensuite, avec l’arrivée de capitaux extérieurs importants et la venue de nombreux ingénieurs et techniciens bien formés (et ce mouvement de migration avait d’ailleurs déjà débuté dans les années 1930 avec la migration de nombreux ingénieurs allemands fuyant le régime nazi), le développement d’un secteur industriel : outils agricoles, meubles, chaussures, équipements médicaux… Puis, à partir de 1960, il y eut le développement d’une industrie de l’armement. On vit alors les exportations se développer : il y avait eu déjà, d’ailleurs, dans la phase première, un développement des exportations agricoles (les oranges de Jaffa, notamment). En 2007 il y avait 413.000 personnes travaillant dans le secteur industriel. Avec le développement du secteur industriel, et les gains de devises réalisés à l’exportation, les salaires augmentèrent beaucoup, d’année en année. La valeur moyenne des biens produits augmenta régulièrement et les salaires purent progresser. En 2010, le niveau de développement atteint par ce petit État lui permit d’entrer dans l’OCDE. En parallèle, il se développa évidemment un secteur tertiaire. On vit donc, dans ce pays, les salaires augmenter progressivement avec l’accroissement régulier de la valeur de ce qui était produit par l’industrie, et il y eut un effet de diffusion naturelle dans les deux autres secteurs de l’économie, le secteur agricole et celui des services. Les Israéliens se mirent à fabriquer des biens de plus en plus sophistiqués, maîtrisant de mieux en mieux toutes les technologies. Dans l’État d’Israël, un expert local nous dit : « Notre ressource naturelle, c’est notre cerveau et nos connaissances que nous utilisons pour faire de la haute technologie ».

On voit donc que c’est bien l’industrie, un secteur d’activité où le progrès technique croît rapidement, qui explique que les salaires ont pu s’élever : Jean Fourastié, d’ailleurs, on s’en souvient, avait dans Le Grand espoir du XXème siècle, fait de la vitesse à laquelle croît le progrès technique le critère retenu pour distinguer les secteurs de la vie économique :

Secteur primaire : l’Agriculture………. progrès technique faible
Secteur secondaire : l’Industrie………. progrès technique élevé
Secteur tertiaire : les Services……………progrès technique nul

Aujourd’hui, l’État d’Israël produit des biens de haute valeur ajoutée et le PIB/capita des Israéliens est supérieur au notre. On qualifie Israël de « start-up nation » : les industries sont de très haute technologie et de très nombreux centres de Recherche-Développement étrangers sont venus s’y installer. Israël mise énormément sur la Recherche, et son budget de R&D est parmi les plus élevés du monde en proportion du PIB : 4,1 %, en 2021, bien supérieur à la moyenne OCDE qui est seulement à 2,26 %.

On voit donc que c’est par la valeur croissante des biens manufacturés qu’ont augmenté les salaires en Israël, et c’est ce même phénomène qui se produit dans tous les pays. Un pays où, globalement, les biens manufacturés en moyenne ne sont pas de grande valeur va avoir des salaires peu élevés : en revanche, dans un pays où, globalement, les biens produits sont de haute valeur technologique, donc chers, les salaires seront élevés. Le juge de paix est le marché : c’est lui qui en est juge. Très logiquement, dans les pays où les salaires sont très élevés, fabriquer des produits peu sophistiqués conduit les entreprises à des marges négatives du fait que le coût du travail est trop élevé, et le pays abandonnera ce type de fabrication, laissant cette activité à des pays techniquement moins avancés. En somme, les salaires sont le reflet du niveau moyen des technologies dans un pays.

Le problème du niveau technologique des biens produits par un pays est donc fondamental : un pays développé doit veiller à avoir une main d’œuvre extrêmement bien formée techniquement et des centres de recherche très pointus.

Lorsque l’on parle de la « richesse » des pays telle qu’elle est exprimée par les PIB, on s’en réfère à leur niveau technologique : les PIB sont fondés sur les salaires et leur niveau dépend de la sophistication technologique moyenne des pays. Si la Suisse a un PIB/tête bien supérieur au nôtre, c’est parce que son industrie produit, en moyenne, des biens plus sophistiqués que les nôtres : produits pharmaceutiques de haute valeur qui ont nécessité beaucoup de dépenses en recherche, mécanique de précision, horlogerie de luxe, etc. Et l’on doit insister sur le fait qu’il s’agit de moyennes.

Pour ce qui est de la question posée par le titre de notre article, la réponse est simple. Comment va se traduire une augmentation brutale de 10% des salaires ? La comptabilité nationale du pays reflétera la réalité des faits. Les firmes ayant pu encaisser cette augmentation importante des salaires vont voir leur production augmenter pour autant qu’elles auront pu conserver tout leur personnel et augmenter en proportion leurs prix. Celles, par contre, qui n’auront pas été capables d’avaler cet accroissement soudain de leur masse salariale auront capoté. Dans un cas les valeurs ajoutées seront majorées ; dans l’autre on perdra des valeurs ajoutées : au total on aura un solde, soit positif, soit négatif, et le PIB du pays se trouvera soit augmenté, soit diminué de ce montant.

Le cas de la France

Dans le cas de la France, les salaires sont élevés car le pays est un vieux pays développé, auteur de très nombreuses avancées dans le domaine scientifique et technique : les Français ont été des innovateurs dans beaucoup de domaines : automobile, aviation, chemins de fer, construction navale… Et, maintenant, dans le domaine spatial, et il y existe donc un excellent niveau technologique. Les salaires sont donc à un niveau élevé, et le coût du travail est le plus haut d’Europe :

Coût du travail (en euros/heure)
France 37,3
Allemagne 35,9
Hongrie 10,7
Pologne 10,4
Roumanie 7,3

(Insee-Dares, Ed 2020)

Les industries à faible niveau technologique sont donc toutes parties. Le problème est que le nombre des entreprises relevant de hautes technologies qui les ont remplacées est beaucoup trop faible, à la différence de l’Allemagne. Notre tissu industriel est à présent tout à fait insuffisant pour générer les rentrées fiscales (impôts et taxes) dont l’État a besoin pour couvrir toutes ses dépenses, et il se trouve contraint de recourir, chaque année, à la dette. Aussi notre pays a-t-il une dette qui n’a pas cessé de croître, régulièrement, et il ne peut pas en être autrement.

Il faudrait que la France reconstitue donc son secteur industriel, et vu le niveau des salaires cela ne pourra se faire qu’avec des industries de haut niveau technologique. Il nous faut donc davantage d’ingénieurs, davantage de personnels techniques issus des écoles professionnelles, une administration qui coopère activement avec les entreprises, et d’une façon générale une population ayant un très bon niveau de formation. Et pour ce qui est du recours aux travailleurs issus de l’immigration, ce sont des personnels très bien formés dont nous avons besoin, et pas d’illettrés.

L’État, sous la poussée des Français qui, comme nous l’avait dit en son temps François de Closets, sont insatiables et en veulent « toujours plus », a pris de l’avance en matière de dépenses publiques : ce sont celles de pays qui ont des PIB per capita 50% plus élevés que le notre. Il est illusoire de penser que l’État pourra être en mesure de les réduire, car les Français y sont habitués, notamment dans le domaine social. Il faut simplement que les personnels des services publics veuillent bien travailler davantage, et plus efficacement, donc s’attaquer au problème des 35 heures, à celui du taux beaucoup trop élevé d’agents bénéficiant indûment du statut privilégié de « fonctionnaire » (une garantie d’emploi à vie), et à celui des jours d’absence anormalement importants dans les administrations publiques, chaque année. Et il faut réindustrialiser le pays à un rythme accéléré, ce qui est loin d’être le cas. Cela nécessite que les pouvoirs publics aient l’autorisation de subventionner les créations d’emploi dans ce secteur, ce que la Commission européenne, à Bruxelles, leur interdit de faire car elle est obnubilée par des rêves libéraux irréalistes. Ces aides à l’investissement sont d’autant plus nécessaires qu’il va falloir attirer massivement les investissements étrangers car les entreprises françaises ne seront pas en mesure de soutenir le rythme d’investissement nécessaire à une réindustrialisation s’effectuant à un rythme accéléré.

Il est à craindre que notre réindustrialisation ne puisse s’effectuer au rythme voulu, compte tenu de tous les freins à l’investissement industriel qui existent dans notre pays, et, alors, notre dette extérieure ne va pas cesser de grossir. L’agence de notation Fitch a bien vu le problème en rétrogradant d’un cran la note de la France, comme elle l’a fait récemment ; sans doute l’Agence Standard & Poor’s qui vient de s’exprimer a-t-elle été de son coté trop indulgente en ne bougeant pas la position de la France dans sa dernière notation. Bruno Le Maire avait reçu à Bercy les experts de cette agence avant qu’ils ne s’expriment : il a du charme, et il est très convainquant, et sans doute la question de la réindustrialisation de notre pays n’a-t-elle pas été abordée, car ce genre de préoccupation n’entre pas dans les schémas d’analyse des grandes agences financières : l’industrie n’est pas dans leur culture.

 

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2 commentaires

Desroches juin 9, 2023 - 12:04 pm

Le PIB n’est pas un bon outil de mesure de l’économie
Vous rappelez en tête de l’article que : »Les PIB sont constitués par les valeurs ajoutées des différents acteurs de la vie économique, les services publics étant valorisés par ce que leur production coûte à la nation. »
Pour calculer la richesse produite, on ajoute des « valeurs ajoutées » et des coûts. Ça commence bien !…
Ainsi, on compte au PIB les coûts salariaux des fonctionnaires qui travaillent (il y en a), de ceux qui ne produisent rien et de ceux, nombreux, dont la tâche consiste, en produisant et en contrôlant une réglementation délétère, ruinent l’économie.
Précisément, en France, la part des services (!) publics est la plus importante d’Europe.
Tout est donc normal !

Répondre
moulin juin 9, 2023 - 2:08 pm

Non , cela ne marche plus en économies ouvertes
Non , cela ne marche plus en économies ouvertes

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