Le parti Démocrate va aborder l’élection à mi-présidence de novembre 2014 avec un double handicap : l’Obamacare et une augmentation du smic, une des promesses de la campagne présidentielle de 2008. Chaque mesure va en effet créer un million de chômeurs de plus selon l’estimation récente du CBO – dont le directeur a pourtant été nommé par le Président Obama-. Pour ne pas perdre les élections, les Démocrates tentent de jouer encore une fois leur joker préféré, les inégalités.
Une étude du CBO montre qu’en 2010, il y avait 119 millions d’Américains qui avaient rempli une déclaration de revenus. Donc le fameux 1% des plus riches comprend 1,1 million de foyers. Pour tomber dans le 1%, il faut avoir au minimum² un revenu moyen imposable de 307.000 dollars par an. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer quelqu’un considéré comme très riche avec une telle somme, notamment dans les grandes villes comme New York, Chicago ou Los Angeles.
Une recherche des économistes de l’Université de l’Indiana montre que le 1%, calculé selon les déclarations de revenus, donc avant taxes et transferts, est principalement constitué des dirigeants salariés du secteur non financier (30%), de médecins (14%), de cadres financiers (13%) et des avocats (8%), pas vraiment des magnats de Wall Street. Les personnalités du sport ou du cinéma se trouvent généralement dans le décile supérieur des plus riches, soit dans le top 0,1%, avec des revenus qui dépassent quelques dizaines de millions de dollars par an, ce qui est évidemment loin de la moyenne du 1% annoncée auparavant.
C’est ce que confirme Emmanuel Saez, dont nous avons déjà cité des études à plusieurs reprises, « the top income earners today are not ‘rentiers’ deriving their incomes from past wealth but rather are the ‘working rich’, highly paid employees or new entrepreneurs who have not yet accumulated fortunes comparable to those accumulated during the Gilded Age ». Cela contredit notamment des affirmations de son collègue Thomas Piketty qui décrit souvent le 1% comme des rentiers ou des gens qui bénéficient de la fortune accumulée du passé.
Ce que ne nous dit pas l’article du Wall Street Journal « The Truth About the ‘One Percent’ », qui reprend tous ces chiffres pour mettre en perspective la bataille contre les inégalités aux États-Unis, est qu’il faut prendre ces chiffres avec beaucoup de précautions. Le coefficient Gini, utilisé souvent comme la mesure des inégalités, dépend fortement de : a) la redistribution des revenus, b) la taille du ménage, c) tous les avantages en nature de l’assurance-maladie employeur ou publique. Les inégalités de revenus ont légèrement diminué aux États-Unis entre 2000 et 2007 si l’on tient compte de ces trois facteurs, comme le suggèrent plusieurs économistes, dont Richard Burkhauser et Jeff Larrimore du Joint Committee on Taxation[[Richard V. Burkhauser, Jeff Larrimore et Kosali I.Simon, A « second opinion » on the economic health of the american middle class, National Tax Journal, March 2012.]], ce qui est indispensable pour parler vrai des inégalités.
Foyer fiscal Avant impôts et transferts | Foyer réel Après impôts et transferts + assurance santé | |
Gini 2000 | 0.556 | 0.364 |
Gini 2007 | 0.566 | 0.362 |
Source : Burkhauser, Larrimore, Simon (2012) |
Ce que ne nous dit pas non plus l’article de Wall Street Journal, c’est que si l’on regarde les inégalités de patrimoine, les personnes qui se trouvent dans le top 1% ne sont pas les mêmes que ceux qui déclarent les plus hauts revenus. On n’y retrouve ni banquiers ni avocats, mais l’essentiel du 1% en termes de patrimoine – plus précisément, 75% d’entre eux – sont les entrepreneurs indépendants non incorporés, ceux qui travaillent dur, et ils se sentent particulièrement visés par l’attaque du gouvernement fédéral.