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Refinancer nos entreprises par « l’Épargne Covid »

par Philippe Douay
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Selon les économistes de la Banque de France, l’épargne supplémentaire constituée en raison du déficit de consommation au cours de la pandémie pourrait atteindre 200 milliards pour les années 2020 et 2021. En outre, dans son billet du mois de mars, elle indique qu’une part importante de cet excédent d’épargne peut être attribuée à « l’épargne forcée » consécutive aux restrictions administratives imposées aux déplacements, aux commerces et à la plupart des activités de loisirs. A cette épargne forcée vient s’ajouter une épargne de précaution liée à l’évolution de la pandémie et à l’incertitude économique qui en découle.
Par ailleurs, une étude du Conseil d’Analyse Economique montre que 70 % de cette épargne proviendrait des 20 % des ménages ayant les revenus les plus élevés.

Cette « sur-épargne » se résorbera largement quand la crise sanitaire sera maitrisée, que les incertitudes qui l’accompagnent commenceront à s’estomper (cf. ce qui s’est passé cet été) et que les contraintes administratives seront assouplies : il est probable que la majeure partie de cette épargne se transformera en consommation de certains biens et services dont les ménages ont été privés depuis plus d’un an : notamment tourisme, hôtellerie, sorties, habillement, etc. La cigale qui sommeille en chacun de nous pourra enfin de nouveau chanter…
Parallèlement, cette crise a mis en exergue la fragilité de notre tissu productif, variable selon les secteurs, et se pose, ou se posera, le problème de la sortie de crise avec l’arrêt de la perfusion sous laquelle ont pu survivre un grand nombre de TPE et de PME, sous forme d’aides diverses, notamment de prêts bancaires garantis (en partie) par l’Etat.
Il apparait donc opportun de mettre en place les dispositions qui permettraient d’inciter une partie de cette épargne « ponctuelle » à soutenir les entreprises, existantes ou en création, dans leurs projets d’investissements, de développement, de croissance, et de productivité, et donc in fine de soutenir l’emploi, en leur apportant des moyens de financement pérennes.
Compte tenu de la situation calamiteuse de nos finances publiques, des déficits actuels et à venir, du niveau de notre endettement, toute incitation qui consisterait à accorder une diminution d’impôts venant dans un premier temps diminuer les recettes fiscales en contrepartie de ces investissements sera difficilement acceptable, particulièrement… en période préélectorale.

En revanche, un dispositif, facialement neutre au plan fiscal, permettant aux ménages d’investir en fonds propres, quasi-fonds propres, ou prêts à moyen ou long terme dans des PME ou des start-up serait probablement beaucoup mieux, ou selon les chapelles, moins mal, accepté.
La neutralité fiscale consisterait à ne donner aucun avantage fiscal au moment de l’investissement, et à exonérer de toute fiscalité les éventuelles plus-values à la sortie, ou de rémunération en cours de placement (intérêts, dividendes), les pertes éventuelles à l’échéance n’étant symétriquement pas déductibles.
Cette neutralité fiscale s’appliquerait donc à l’impôt sur le revenu (plus-values de cessions), aux prélèvements sociaux, et également aux droits de succession (ce qui inciterait les retraités aisés, financièrement moins affectés par les baisses de revenus pendant la crise, à profiter de ces mesures qui impliquent une immobilisation de fonds dans la durée, sous réserve que les héritiers respectent, bien entendu, les engagements ci-dessous).

Ce dispositif :

– ne s’appliquerait qu’aux TPE et PME (250 personnes, et CA maximum de 50 millions €) et qu’aux sociétés à capitaux privés ;
– porterait sur tout support, au choix de l’entreprise : actions avec ou sans droit de vote, à dividendes privilégiés, obligations convertibles, prêts participatifs, prêts à long terme, etc.

Il est important que ce schéma ne s’applique qu’aux opérations qui conduisent à apporter des fonds aux entreprises, et non pas à acquérir, par exemple, des actions existantes.

– serait plafonné à 100 000 € par entreprise et pour chaque investisseur concerné ;
– serait assorti d’une durée minimum d’immobilisation : 5 ans ;
ne serait accessible que pendant une période limitée, ce qui serait cohérent avec le caractère exceptionnel du dispositif, étroitement lié à la crise sanitaire, à ses conséquences économiques et à son urgence : les investissements pourraient être effectués à partir de la prochaine loi de finances jusqu’à fin 2022 ;
– enfin, aucune restriction relative au secteur d’activité (industrie, services, etc.) ou au projet : les épargnants choisiront.

Laissons les gestionnaires de patrimoines, banques, fonds d’investissement, réseaux de business angels, etc. faire leur travail auprès de leurs clients pour leur proposer des opportunités dans des conditions qui soient suffisamment attrayantes pour ces derniers.

Donc, un ensemble de mesures simples, compréhensibles par tout un chacun, sans avoir besoin de se plonger dans le « Francis Lefebvre ». D’aucuns diront simplistes… Ce qui me semble préférable à l ‘exemple récent, décrit par EPLF, avec la loi de finances de juillet 2020 : partant d’une bonne intention, celle-ci prévoyait un abattement sur les donations en cas de réinvestissement dans les entreprises. Elle fut affublée d’une multitude de conditions et de restrictions qui l’ont très vraisemblablement rendu largement… inapplicable. Bercy soupire de soulagement.
Il y aura certainement quelques effets d’aubaine, mais si les entreprises concernées en ressortent renforcées, et se développent, tout le monde sera gagnant, notamment les salariés, les demandeurs d’emploi et, in fine … l’Etat, sans bourse délier.

 

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