Dans un référé du 6 novembre 2015, la Cour des comptes critique à juste escient l’inefficacité de l’ISF-PME. Mais, faute d’avoir comparé le dispositif français avec des dispositifs étrangers comme l’EIS britannique, la Cour n’a pas perçu qu’un dispositif d’incitation fiscale vers les créations d’entreprises peut être extrêmement efficace en création d’emplois et en accroissement de l’activité économique, à condition que la direction des impôts fasse son travail.
Celui-ci serait :
1. d’orienter les investisseurs vers les investissements risqués ;
2. de mettre en place un contrôle pour s’en assurer dès l’origine ;
3. d’encourager les investissements élevés supérieurs à 100.000 euros par projet et par investisseur qui seuls garantissent que l’investisseur apportera, outre son argent, son expérience, condition de l’efficacité de l’argent public.
En plafonnant l’investissement donnant lieu à déduction à des montants ridicules et en n’opérant aucun contrôle, la DLF en a fait un véhicule de défiscalisation, coûteux pour le budget public et sans effet sur l’activité économique ni sur l’emploi.
La comparaison est simple[[Chiffres pour 2009, la dernière année avec situation fiscale stabilisée]] :
EIS | ISF-PME | Avantage Madelin | |
Nombre bénéficiaires 11 000 | 32 051 | 100 410 | |
Investissement moyen | 70 000 £ | 13 126 € ou 15 595 € | 8 269 € |
Nombre entreprises bénéficiaires | 2 000 | inconnu | inconnu |
Montant moyen par entreprise | 500 000 £ | inconnu | inconnu |
Nombre emplois supplémentaires | 200 000[[Enquête IRDEME pH Group sur les gazelles]] | inconnu | inconnu |
Coût budgétaire | 160 millions £ | 421 millions € | 207 millions € |
Source | OTS Review Comité d’évaluation des dépenses fiscales |
SOURCES
France : Evaluation des dispositifs fiscaux en faveur du capital-investissement dans les PME. Rapport N°2010-M-042-03 du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales. Pages 23 et 26. Nous avons repris les investissements directs et laissé de côté holdings, FCPI-FCPR et FIP. En effet, comme le suggère le rapport, le total de fonds investis par l’AFIC tourne autour de 10 Mds. Et il n’y a pas de retard de la France en matière de fonds ce qui n’est pas le cas pour les investissements directs où le comité note une insuffisance.
Voir page 28 pour IR (Avantage Madelin)
Royaume-Uni : Office of Tax Simplification Review of tax reliefs. Final report. March 2012. Annex A small business « There are approximately 11,000 individuals investing in around 2,000 qualifying
companies, with total income tax savings of around £160 millions and capital gains savings of around £10 millions. There is also £40 millions15 of deferred CGT each year, however as this is only a deferral of tax, the only saving is the time value of money. »
Le taux de déduction étant de 20%, le montant est donc d’environ 160 millions/0,20 = 800 millions. Ce chiffre est bien une moyenne entre l’année 2000 où s’est sont investi 1 milliard, et les années suivantes qui ont tourné entre 600 et 700 millions.
Le Treasury publie des statistiques plus détaillées donnant notamment la distribution des investissements par contribuable en nombre et montants, chiffres inconnus en France. Ils montrent qu’en 2008, 57% de l’investissement total sous EIS s’était effectué par investissements supérieurs à 100.000 £.
La Cour a donc raison de s’interroger sur le bénéfice de l’ISF-PME (comme elle pourrait le faire pour l’avantage Madelin) mais elle aurait dû élargir son enquête et constater que quand ce type d’incitation fiscale est correctement administré, il en résulte des résultats indéniables pour l’emploi et la croissance économique.
Outre l’enquête comparative IRDEME citée, qui montre que les capitaux investis par les Britanniques dans leurs nouvelles entreprises sont quatre fois plus efficaces en termes d’emplois que les capitaux investis en France, le Trésor britanniques fait réaliser régulièrement des enquêtes sur l’efficacité de ses incitations fiscales comme l’EIS et le Venture Capital Trust (VCT), et ces enquêtes quantitatives concluent toutes à l’efficacité des dispositifs même si chacune suggère des améliorations.
C’est pourquoi lors de la révision des niches fiscales réalisée par l’Office of Tax Simplification en 2011, une bonne cinquantaine de niches ont été supprimées mais l’EIS a été renforcé (taux et plafond).
Parmi les études les plus marquantes qui toutes confirment l’impact positif de l’EIS et du VCT, notons :
– l’étude PACEC avril 2003 « Research into the EIS and VCT » un rapport réalisé pour l’administration fiscale avec 2.000 questionnaires postaux et 1.000 interviews téléphoniques. L’enquête concluait à 55-66 pence de dépense fiscale pour chaque livre investie. Et par million de dépense fiscale, les entreprises bénéficiaires avaient accru leur chiffre d’affaires de 3,3 millions de £ et leurs emplois de 65 salariés.
– « Study of the impact of the EIS and VCT on company performance » par l’Institute for Employment Studies commissionné début 1987 par HM Revenue and Customs[[Administration fiscale britannique]] (HM Revenue & Customs Research Report 44) pour déterminer ex-post l’impact de l’EIS et du VCT sur l’économie britannique en comparant les bénéficiaires à un groupe de contrôle non bénéficiaires pour la période 1994 à 2005 (mesure de l’effet sur les ventes, la profitabilité, la structure du capital, la productivité de la main-d’œuvre).
Le fichier HM Revenue & Customs a fourni environ 100.000 observations sur les entreprises bénéficiaires sur 4 à 5 ans.
– Etude NESTA et BBAA « Siding with the Angels » de mai 2009 montrant que 80% des investisseurs avaient utilisé l’EIS pour 57% de leurs investissements et estimant leur nombre entre 4 et 6.000 investissant jusqu’à un milliard de £ chaque année (à comparer à 250.000 personnes investissant en 2007 26 milliards de $ dans 50.000 entreprises aux USA). L’étude s’est appuyée sur 158 BA ayant investi 134 million de £ à travers 1.080 investissements et 406 sorties, avec un taux de réponse de 18%.
– EIS and Seed Enterprise Investment Scheme January 2016 faisant le point sur 22 ans du programme.
Nous croyons bon d’ajouter l’un des tableaux publiés par l’IRS qui donne la distribution des montants investis par investisseur en 2007-2008 et qui montre que 57% de l’investissement total EIS se fait par investissements annuels (individuels) supérieurs à 75.000 £ soit environ 100.000 €.