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Recep Tayyip Erdogan, le fossoyeur d’un islam du XXIème siècle

par Yves Buchsenschutz
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Le monde occidental est loin de n’avoir fait que des bonnes choses, mais on peut au moins porter sans hésitation à son crédit l’amélioration extraordinaire de la situation matérielle de ses populations en un espace historique tout aussi étonnant : environ 2 siècles après plusieurs millénaires de quasi-stagnation de l’humanité. Non pas que les hommes n’aient rien inventé ou compris avant le XIXème siècle, mais au fond, pour la majorité de la population, son mode de vie n’évoluait que très peu ou dans tous les cas très lentement. Un signe entre autres : la croissance de la population mondiale qui, contrairement à une idée commune suit la croissance économique et ne la précède pas (voir Pinker : Le triomphe des lumières) a décollé à cette époque et ne s’est pas arrêtée depuis. Vrai aussi des niveaux de vie et autres PIB, d’une avalanche de biens et de techniques qui ont rendu la vie des hommes et des femmes bien plus facile et agréable. Imaginons la tête de Louis Quatorze recevant d’un extra-terrestre un téléphone portable ou grimpant dans un hélicoptère au lieu d’une chaise à porteur !

Pour des raisons que j’ignore, mais probablement comme toujours pour les progrès et les innovations, ce colossal bond en avant, est multifactoriel mais il inclut au moins l’entrepreneuriat privé et le capitalisme. On apprend assez bien de ses échecs, plus difficilement de ses réussites. Mais c’est un fait incontournable que les pays « occidentaux » ont réussi un décollage matériel inespéré et que cette croissance a concerné la quasi-totalité de leurs populations. On trouvera toujours des grincheux pour parler du SMIC insuffisant ou inégal, mais un smicard français vit tout de même beaucoup mieux qu’un turc ou un burkinabè et sera soigné s’il est malade.
A ce stade qu’en est-il des autres populations : le premier pays qui a travaillé, recherché et trouvé un compromis entre sa culture traditionnelle et le « modèle » (au sens de système qui fonctionne) occidental est à ma connaissance le Japon. Il est quasiment passé de l’ère des samouraïs à l’époque moderne au point d’être pendant un bon moment la vraie deuxième puissance mondiale, avant l’URSS qui a raté sa greffe pour cause de communisme. Un certain nombre de pays comme la Corée du Sud, Taïwan, Singapour mais aussi par des chemins différents, l’Australie, la nouvelle Zélande ont suivis.
Dernièrement, la Chine a trouvé une voie très originale, puisqu’elle allie un communisme politique à une économie « libérale » ou quasi capitalistique. On ne sait pas très bien d’ailleurs s’il n’y aura pas à un moment trop de tension entre ces deux systèmes et s’ils pourront continuer à coexister : les évènements de Hong Kong à ce propos ne sont pas très encourageants. L’avenir le dira. Derrière la Chine et le Japon, de nombreux pays asiatiques se sont lancés dans la course au développement adaptant, selon leur souhait, les différents modèles disponibles et avancent plus ou moins vite, mais souvent rattrapés par leur démographie.
Un dernier groupe de pays tente, mais peine, à dégager un modèle viable et surtout stable : globalement l’Amérique centrale et du Sud. Quoique de culture « occidentale », il semble que les dictatures et les corruptions diverses freinent par trop l’éclosion de sociétés politiquement et matériellement stables, susceptibles d’enrichir leurs populations.
Nous entrons ensuite dans deux groupes de pays qui n’ont manifestement pas trouvé de modèle compatible, ou alors de manière très partielle : en fait l’Afrique et les pays de religion musulmane. Certes il existe le Qatar et l’Arabie Saoudite, mais ce sont des pays assis sur des rentes pétrolières ou gazières aléatoires et de plus en plus menacées. Globalement, l’Afrique n’a pas trouvé à date d’adaptation du système capitaliste occidental, compromis acceptable entre ses traditions historiques et les modèles de développement mondiaux connus. On a pu croire un moment que la Côte d’Ivoire ou l’Afrique du Sud seraient ces pionniers : clientélisme, corruption, guerres civiles, instabilités politiques ont eu raison de ces espoirs, même si des retournements sont toujours possibles.
Quant au monde musulman, deux tentatives importantes ont eu lieu, l’une en Iran qui a débouché sur le régime des ayatollahs et l’autre en Turquie, justement, avec Mustapha Kemal, lequel avait réussi à imaginer un modèle permettant de conserver globalement la culture de l’islam tout en permettant un développement « à l’occidentale » du pays. Il avait largement été imposé de force mais avait progressivement séduit une assez large part de la population qui voyait sa situation matérielle s’améliorer au fil des ans. C’est ce succès inachevé que Recep Tayyup Erdogan est en train de liquider en revenant aux rancœurs et aux rêves de grandeur de l’empire ottoman comme si l’Autriche-Hongrie entreprenait de reconstruire en 2020 l’Empire de Charles Quint, ou la France celui de Napoléon. Non seulement l’économie est en train de souffrir terriblement, mais surtout se réinstallent partout dans l’esprit des gens, des modes de raisonnement et des références qui ne peuvent que ramener à terme au sous-développement antérieur. Tout cela pour satisfaire l’ego d’un homme dont les clones dictatoriaux semblent se multiplier ces dernières années.
Pour une satisfaction ponctuelle d’amour-propre, et des raisons bassement électoralistes, Monsieur Erdogan est en train de brader près d’un siècle d’efforts d’adaptation de son peuple alors qu’il touchait probablement au but et aurait pu être le modèle de développement que ni le shah d’Iran, ni Abdel Nasser, encore moins MrKadhafi, ni aucun autre leader musulman n’avaient approché d’aussi près. Il fera le malheur et la pauvreté des terres d’islam.

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1 commenter

zelectron mai 20, 2021 - 4:58 pm

Recep Tayyip Erdogan, multinévrosé
pourtant dès le début de son ‘intronisation » son discours prêtait à confusion, mélange de taqiya forte et de vérités faibles

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