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Quelle reprise aux États-Unis ?

par Valérie Pascale
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Les bourses mondiales viennent de chuter et, même si certains voient des signes de reprise à l’échelle mondiale, on peut s’interroger sur celle des États-Unis qui reste la première locomotive économique.

Il y a certainement une reprise de l’économie américaine et certains l’attribuent à la relance keynésienne que représente, tant le supplément de budget fédéral de près de 800 milliards de dollars du printemps 2009, que du « quantitative easing » de la Fed.

A l’appui du succès de cette relance, ils citent quelques chiffres issus de la présentation de Ben Bernanke à l’université George Washington en mars 2012, montrant le fonctionnement de la machine pro-keynésienne mise en route par la Fed.

En milliards de dollars

Année
Déficit
Dépenses publiques
Déficit/GDP
2009
1412
3517
10%
2010
1294
3457
9%
2011
1300
3603
9%
2012
1087
3537
7%
2013 (est)
973
3684
6%

Le rachat massif d’actifs par la Fed est un équivalent de la planche à billets, car la Fed se met à acheter des bons du Trésor et d’autres titres financiers, ce qui augmente la masse monétaire et ainsi les réserves du secteur bancaire.

Entre 2009 et 2010, la Fed a racheté au total 2.000 milliards de dollars, ce qui n’a pourtant pas incité les banques à automatiquement prêter davantage.

Les banques américaines se plaignaient récemment de ce que malgré des taux d’intérêt presque nuls, elles ne trouvaient pas de clients. Les petites entreprises restent prudentes en raison de l’incertitude fiscale d’un gouvernement qui veut taxer les riches et d’une réforme de la santé dont les conséquences sont considérables sur les coûts de la main-d’œuvre, donc leur compétitivité.

Le succès de cette relance keynésienne est d’autant moins évident que le taux de croissance de l’économie américaine est seulement de 2,4% en rythme annuel contre 4% dans les reprises après des crises antérieures, celui du marché du travail est encore moins significatif.

La bureaucratisation à la française accompagnée par la perte du goût d’entreprendre peuvent expliquer cette dépression prolongée de l’Amérique et l’incapacité de rebondir après la crise.

Le déclin de la vie associative américaine est l’un des signes visibles de cette bureaucratisation. Les Américains se retirent des ligues de bowling, des clubs Rotary, etc. Le capital social américain est à la baisse depuis de nombreuses années. La dernière enquête World Value Survey menée en 2006 montre que le nombre de membres actifs, même dans les associations religieuses, a diminué d’un peu plus de la moitié de la population à presqu’un tiers (37%). La proportion d’Américains qui sont membres actifs d’associations culturelles est en baisse de 24% à 14% ; pour les associations professionnelles, le chiffre est maintenant à seulement 12% par rapport à plus d’un cinquième en 1995.[[The Wall Street Journal, « The Regulated States of America », 20/06/2013.]]

En outre, l’étude annuelle du Competitive Enterprise Institute montre que, presque imperceptiblement, l’Amérique est dominée par la réglementation. L’annuaire officiel de la règlementation (Federal Register) de l’année 2012 compte 78.961 pages. En 1986, il n’y avait que 44.812 pages. Et seulement 2.620 pages en 1936. Il est vrai que l’économie américaine est aujourd’hui beaucoup plus importante qu’elle ne l’était en 1936 – environ 12 fois plus importante en tenant compte de l’inflation. Mais cela n’explique pas le fait que le Federal Register ait augmenté de 30 fois dans la même période.

Le coût de cette bureaucratisation est estimé à 1,8 trillion de dollars par an, ce qui est au-dessus de 3,5 trillions de dollars des dépenses du gouvernement fédéral, il est donc équivalent à un supplément invisible de 65% sur les impôts fédéraux, soit près de 12% du PIB. Particulièrement injuste, c’est le fait que les coûts de la réglementation pour les petites entreprises (celles de moins de 20 salariés) sont 36% plus élevés par salarié que ce qu’ils sont pour les grandes entreprises.

Une autre explication du déclin américain se trouve dans la perte du goût d’entreprendre. L’esprit de la prise de risque qui caractérise les Américains semble s’estomper. Il y a trois tendances de longue durée qui suggèrent que l’économie américaine n’encourage plus le risque. Les entreprises créent des emplois plus lentement, même dans les bonnes périodes. Les investisseurs mettent moins d’argent dans de nouvelles entreprises. Enfin, plus largement, les Américains créent moins d’entreprises et sont moins portés à changer d’emploi ou à se déplacer pour de nouvelles opportunités.

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Source : The Wall Street Journal, 04/06/2013

De nombreux économistes sont d’accord sur le fait que les États-Unis ont réussi en partie grâce à leur dynamisme, le taux de création et de destruction d’emplois élevé et le rythme de rotation important des travailleurs. Historiquement, la prise de risque qui assure le taux de rotation élevé, à savoir beaucoup d’embauches et de licenciements, des créations d’entreprises et leurs destructions, permet à l’économie beaucoup de flexibilité pour s’adapter à l’évolution des marchés.

Comme le montre l’économiste américain John Haltiwanger de l’université du Maryland[[The Wall Street Journal, « Risk-Averse Culture Infects U.S. Workers, Entrepreneurs », 04/06/2013.]], l’entrepreneuriat est un jeu de nombres qui attire une poignée de gagnants parmi une foule de participants. Relativement, un petit nombre d’entreprises à haute croissance crée un nombre disproportionné de nouveaux emplois. Mais ces entreprises ne sont pas identifiables à l’avance.

Avec moins d’Américains qui créent des entreprises, le problème est qu’il y a moins de chances pour le prochain Google ou Amazon, ou même pour une petite ou moyenne entreprise, de réussir.

Cependant, il y a encore un espoir.

La dernière publication de l’Ambassade de France[[http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/73392.htm]] souligne la multiplication des Business Angels aux États-Unis, ce qui est favorable à la multiplication des créations d’entreprises. Les Business Angels jouent un rôle très important à l’amorçage et, à la différence du capital-risque, ils sont répartis dans presque tous les secteurs. Ce sont les investissements des Business Angels qui permettent de faire tourner l’entreprise pendant quelques années avant de se tourner vers le capital-risque.

On parle même de l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché du financement d’amorçage. Les fameux Super-Angels, des investisseurs extrêmement dynamiques avec des portefeuilles d’actifs dans plus de 25 entreprises ; ils jouent parfois un rôle intermédiaire entre les Business Angels et le capital-risque. Souvent, ils occupent un siège dans le conseil d’administration de l’entreprise et conseillent activement les entrepreneurs.

Ceci contribue à l’amorçage, à la multiplication des créations d’entreprises et le goulot d’étranglement se situerait en aval au niveau du capital-risque, insuffisant pour permettre assez de « sorties ». Mais si cette analyse est exacte, il s’agit d’une déficience relativement aisée à surmonter, plus que la quasi-absence de Business Angels que connaît la France. Et l’on peut espérer que le passage à vide de l’ardeur à entreprendre américaine, qui est à l’origine de tant de succès mondiaux et de révolutions technologiques, n’a pas dit son dernier mot.

 

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1 commenter

ponine juin 28, 2013 - 5:12 pm

Quelle reprise aux États-Unis ?
deux remarques
1 je crains que les USA soient sous perfusion financière d’année en année ; la création d’emplois au travers de l’innovation et des gazelles ne peut représenter qu’une part des créations utiles à la reprise économique et l’injection d’argent certes contribue mais ne traite en rien des conséquences de la concurrence des BRIC et autres pays en voie de développement. la compétitivité par les couts est un incontournable de l’économie…
2 rapportées à l’echelle de la France, les dépenses publiques US sont la moitié des notres et pourtant ils ont du mal à retrouver la croissance….

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